“Hey! Do you want to be my precious?
My precious Little Spoon?”

Non pas qu’il avait quelque chose contre les petites cuillères, loin de là ; il n’en était pas fétichiste non plus et ne cherchait pas à en faire une collection. C’est juste qu’il n’arrivait pas à comprendre comment il s’était retrouvé avec l’une d’elle dans son sac de cours et encore moins comment elle avait pu atterrir dans une pochette normalement réservée aux documents qu’il jugeait important. Il ne se souvenait pas non plus avoir été en possession d’une petite cuillère sur laquelle un symbole floral était gravé le long manche. Ou alors il n’y avait jamais fait attention : ce n’est pas comme s’il en avait une trentaine dans sa chambre et qu’il détaillait pour chacune d’elles leur décoration avec une attention toute particulière… Et puis n’importe qui trouverait ça étrange de se voir nez à nez avec cet ustensile sans aucune raison apparente, non ? Enfin encore fallait-il que ça puisse arriver à quelqu’un d’autre. Cela faisait un moment que Yue se disait que ce genre de situation ne pouvait arriver qu’à lui, et plus il y pensait, plus il avait l’impression d’avoir raison. Surtout que la situation était d’un comique hors-norme si ce n’est invraisemblable… Et qui sait ? Peut-être que cette petite cuillère était un signe du destin ? Qu’elle était annonciatrice d’une terrible nouvelle ? Qu’il pourrait même en mourir ?! Gosh, il avait presque envie d’utiliser son pouvoir pour savoir la vérité et s’il n’était pas un minimum raisonné il serait sans doutes déjà en train de paniquer. C’est à dire qu’il avait la fâcheuse tendance de voir du négatif partout. Lui, pessimiste ? Non ! Rien qu’un peu. Juste assez pour avoir peur d’un couvert. Que ? S’il était craignos ? Déjà un peu plus oui, vous l’aviez remarqué ? Mais que vous êtes perspicace, ça fait plaisir à voir. Enfin bon, oublions les sujets qui fâchent.

C’est que finalement elle était plutôt bien tombée, cette petite cuillère ! Il n’avait pas eu besoin d’aller à la cafétéria pour en récupérer une, ni de payer pour avoir son thé. Surtout que celui qu’il était en train de faire infuser ne se trouvait pas facilement à Aisling, et encore moins en vente. Jusqu’à aujourd’hui il avait eu une réserve considérable d’ingrédients et de feuilles entreposé dans un tiroir de sa chambre puisque ce dernier se conservant sans aucuns problèmes. Sauf qu’évidemment il finissait par s’épuiser et il allait devoir attendre l’occasion de voyager en Orient pour le renouveler. Il n’avait peut-être rien contre le thé anglais ou ces autres boissons nationales, mais comme tout être humain il avait des habitudes dont il ne pouvait se passer et son propre thé en faisait partie. Indirectement ça lui rappelait sa famille et sa vie d’avant. Chose plutôt agréable si on omettait quelques détails fâcheux. Et là, que lui restait-il ? À peine deux doses. Il lâcha un soupir ; ce n’était certes pas la fin du monde mais ça allait vite lui manquer. Au pire il pouvait toujours passer un coup de téléphone ou envoyer un mail qui porterait le titre de « SOS Rupture de stock ! » à un proche, mais cela ne le tentait pas vraiment. Il réfléchit donc à une autre alternative tandis qu’il retirait le filtre de sa tasse pour aller y mettre son contenu à la poubelle, puis s’assit sur une chaise. Cet après-midi il n’avait rien à faire, n’est-ce pas ? Ou du moins rien de pressant. Il pouvait donc aller faire un tour dans cette salle qui, soi-disant, vous donnait tout ce que vous désiriez. Comment s’appelait-elle déjà..? La caverne d’Obama ? D’Alabama ? De Pumba ? ..Ah non, d’Ali-Baba. Comme le conte pour enfant. Il en avait déjà entendu parler une fois mais de là à retracer l’histoire…. De toute façon, fiction ou non, le fond de l’affaire était basé sur le pognon. Encore et toujours le pognon. Allez-y mes petits enfant, je vais aujourd’hui-vous conter la fabuleuse histoire de cet homme random qui, un jour, a eu la superbe idée random de prononcer la formule random « Épeautre, ouvre-toi ! » devant une pierre random, et qui, comme si c’était parfaitement normal, s’ouvre pour donner accès à un repaire random rempli d’or. …Quoi que non, c’était « Sésame ouvre-toi ». Quelque chose comme ça. Autant pour lui ; il savait bien que c’était l’affaire d’une céréale. Enfin bon. Tout ça pour dire que s’aventurer là-bas en quête de fleur de thé était -passablement- une bonne idée. Enfin, un peu random aussi, l’idée, mais qu’importe.

Il termina les dernières gorgées de son infusion les yeux fermés –parce qu’il était bien connu que fermer les yeux mettaient vos autre sens en avant, à savoir ici le goût- histoire de profiter de l’une de ces dernières dose, puis se releva, empochant sans vraiment s’en rendre compte la cuillère qu’il tenait encore entre ses doigts. Puisqu’elle l’accompagnait depuis le début autant qu’elle le suive jusqu’au bout ! Il ne fallait pas faire les choses à moitié et puis c’est qu’on s’y attachait, mine de rien, à ces petites choses-là ! D’autant plus que si elle était vraiment de mauvais augures, il pourrait toujours la laisser parmi les tas d’objets laissés. C’est ainsi qu’il sortit donc de sa chambre, petite cuillère en bouche à la façon d’une sucette que les étudiants avaient coutume d’avoir, sans comprendre pourquoi on le regardait bizarrement. Non parce que s’il n’avait que le bout de l’ustensile entre ses lèvres, encore, ça pourrait passer. Mais. Mais il n’était pas obligé de tenir le manche dans sa main de façon à le faire tourner et d’en sucer suavement le bout de part et d’autre ! Surtout qu’il faisait ça machinalement… Ah, pauvre Yue. Pauvre petite créature portant le célèbre attitré de « made in China ». Un jour il comprendra ce que ce genre de geste peut représenter. Un jour. Il est encore bien trop innocent pour ça. ..Enfin, presque. Il n’empêche qu’il finit par arriver au quatrième étage sans changer son attitude, ce qui a dû lui valoir bien des suspicions des autres élèves. Par exemple… « Qu’allait-il faire avec cette cuillère ? Est-ce qu’il s’entraînait à manier sa langue ? Est-ce qu’en fait il y avait un bonbon à l’intérieur ? Est-ce qu’il était triso ?! » Hem, non, peut-être pas la dernière… Bref. Laissons-le tranquille un instant avec sa little spoon, et regardons le ouvrir la porte de la caverne. D’ailleurs il hésita pendant quelques secondes à prononcer la formule magique pour faire ouvrir la porte, mais… il jugea qu’il était à Aisling, une école, et non pas dans les contes des Mille-et-une Nuits. Cela ne servirait donc à rien, chose qui se confirma quand il posa sa main sur la poignée pour l’ouvrir dans un grincement strident qui résonna dans un écho presque lugubre. Accueillant. Vraiment. Et surtout…. Quel capharnaüm.

L’Asiatique dut bien cligner trois fois des yeux pour prendre conscience de l’endroit où il se trouvait. C’était tout simplement… irréaliste. Des montagnes et des montagnes d’objets en tout genre, si bien qu’il se demandait comment on pouvait s’y retrouver. Lui qui avait l’habitude de ranger ses affaire du mieux qu’il pouvait, le voilà bien déboussolé ! Il avança néanmoins de quelques pas en hésitant avant de distinguer ce fameux pilier qui, d’après les dires qu’il avait entendu, servait de GPS. « Mon garçon, entre ta destination et je te montrerai le chemin ». Waw, encore mieux que dans les MMORPG. Alors autant tenter le tout pour le tout, et dire que la misérable chose qu’il cherchait n’était autre que des fleurs de thé. Il devait être le seul à chercher un objet aussi anodin ici, d’ailleurs, mais qu’importe. Il avait surtout envie de visiter cette pièce dans laquelle il n’avait encore jamais été et cela pouvait être un bon prétexte. Et quelle fut sa surprise en voyant un hologramme apparaître devant-lui ! « Ta-linlinlin ! *Musique de Zelda* Vous obtenez la carte du donjon ! Grâce à elle vous pourrez savoir votre emplacement ainsi que celui des coffres. Appuyez sur START et assignez-là à C pour l’utiliser. …Ah non, celle-ci n’est pas transportable. Vous allez donc devoir user votre mémoire ! Nous vous souhaitons bonne chance, et si vous réussissez ce mini-jeu vous gagnerez un rubis rouge. ». Sauf que là ce n’étaient pas des rubis rouges qu’il y avait à la clef, mais des petites boules de fleur séchées. Tout de suite ça avait moins de classe, hein ? Bah tant pis, parce que c’était ce qui l’intéressait. Il tenta donc de retenir ce qu’il avait sous les yeux et de l’imprimer dans son esprit, puis, remettant sa petite cuillère en bouche, partit d’un pas déterminé. …Ou presque. Parce qu’il se retrouva vite à moitié perdu parmi toutes ces piles d’objets et il se voyait parfois obligé de les escalader pour passer de l’autre côté. Et c’était justement comme ça qu’il s’était retrouvé presque à quatre pattes sur l’une d’entre-elle, tenant dans un équilibre précaire et en retournant divers items dont il n’avait cure. C’est alors qu’il prit conscience qu’il tenait toujours le petit bout de métal entre ses dents, et, se souvenant que c’était sûrement un mauvais signe, le retira de sa bouche dans un merveilleux mouvement lent et érotique, presque provocant. Et avec la petite expiration qui va avec, je vous prie. On fait les choses correctement, ou on ne les fait pas. Il toisa donc un moment la petite cuillère d’un air sceptique, presque nostalgique de sa saveur inexistante qu’il savourait jusqu’à maintenant. Mais il fallait qu’il soit raisonnable, elle ne lui appartenait sûrement pas. Alors autant s’en débarrasser tant qu’il le pouvait, surtout que c’était à coup sûr un sublime cadeau pour celui qui la trouverait. Une belle cuillère pleine de salive, han. Que c’est sexy. C’est donc pour cette dernière raison qu’il la jeta négligemment à quelque mètre de lui, sur le côté, sans faire attention où elle atterrirait. Il avait bien entendu un fracas –qui sonnait creux-, mais il était très loin d’imaginer qu’en fait… Il avait balancé son bien à la tête d’un roux grognon. Oui non, parce qu’il l’aurait peut-être évité à ce moment-là, hein. Sûrement même.
Oups.

Yue – 0, Petite cuillère -1.
Et Pan! dans les dents.

_._

“Sucking to hard on your little spoon
Oh, love's gonna get you down!
Say love, say love
Oh, love's gonna get you down!”

C’était lui qui entendait des voix, ou bien il y avait vraiment quelqu’un qui venait de demander un « fucking truc utile pour cuisinier parce j’en ai ma calque de tomber sur des trucs pourris » ? Coupé dans son élan de recherche, il s’était redressé pour tenter de voir le poteau qui surplombait de toute sa hauteur la caverne encombrée, au loin. Le poteau, oui. Parce qu’il était simplement impossible de distinguer le concerné qui avait prononcé ce… souhait ? Pendant un instant il chercha à imaginer ce que pouvait être un « fucking truc utile pour cuisiner ». L’image d’un gaz et d’une cuisinière lui vint en tête, ainsi que des casseroles. Mais. « Parce que j’en ai ma claque de tomber sur des trucs pourris ». Ca voulait dire quoi, ça ? Peut être qu’il était tombé sur des fours où les disjoncteurs étaient grillés, ou bien d’autres choses non identifiées dont il ne valait mieux pas prononcer le nom. Il était clair que c’était le « fucking » qui posait problème. Non seulement cet adjectif était on ne peut raffiné, mais il exprimait également toute la patience dont quelqu’un de sage et de raisonné pouvait faire preuve (comme Dante, ndlr). Non cela devait sûrement être une erreur puisqu’il entendit ensuite le mot « petite cuillère ». Ah bah tiens ! Apparemment il n’était pas le seul à avoir des problèmes avec ces choses là. C’était quelque peu rassurant, en soi.

Il détourna finalement son regard du panneau qui venait d’afficher les chemins qui menaient au trésor –encore mieux que dans Zelda cette fois, puisqu’on n’avait pas besoin de récupérer la boussole pour voir l’emplacement des coffres (les coffres étant ici les cuillères, hein)-, puis jugea que ce serait l’endroit idéal pour déposer son bien. Enfin, déposer, c’était très relatif puisqu’en réalité il avait plutôt jeté l’ustensile de façon tout à fait hasardeuse, satisfait du moment qu’il retomberait sur l’un des multi tas d’objets. ….Ou bien sur la tête d’un adorable rouquin qui venait se planter au milieu du chemin, et, encore mieux, se figer pour une raison inconnue qu’il se voyait incapable d’expliquer. Un son creux. Puis plus métallique. La cuillère venait de retomber au sol. Prudemment il leva les yeux pour percevoir le visage de sa victime improvisée, craignant le pire.
…Ouuuuuh la vilaine expression.

Autrement dit, il allait très probablement morfler. Il eut à peine le temps d’entrouvrir la bouche pour clamer ses excuses comme quoi il ne l’avait pas vu et tout le tralala que la petite cuillère en question eut un retour à l’expéditeur. Ah. C’était l’accusé de réception. « Merci, nous avons bien reçu votre message, allez vous faire foutre ». Sans vraiment y faire attention mais coupant néanmoins son élan, il la rattrapa entre deux doigts avant… de rester littéralement béat devant le flot de paroles –non, de grossièretés- qui s’écoulait de la bouche du PHY. Parce que oui, il venait seulement de le reconnaître, c’était le chef de cuisine. OLOL, de cuisine et il s’est pris une cuillère dans la tête, Yue you win. Ou pas, en fait. C’est que ça y allait fort dans la douceur et la subtilité. « Putain ». « Fucking », encore une fois. Il aimait définitivement ce mot. Probablement sa religion. Et enfin « merde ». Trois gros mots en une phrase, autant dire qu’il faisait face à un expert. L’asiatique osa à peine cligner des yeux, se demandant à la fois s’il pourrait en placer une ou s’il valait même mieux ne rien dire du tout. Il avait tendance à opter pour la deuxième solution mais décida que finalement un mélange des deux serait encore le mieux. Et heureusement qu’il ne pouvait pas lire dans les pensées ni relever le « jeune fille ». Pas la peine d’en rajouter une couche, déjà qu’une seule pensée lui venait à l’esprit :
…Ouuuuuh le vilain !

Et en plus il tournait les talons ?! C’était bien la première fois que quelqu’un se comportait comme ça ! Il ne savait plus quoi penser, beaucoup trop déstabilisé par cet étrange personnage qui n’était en fait pas si étrange mais vu de loin il donnait une drôle d’impression alors si il était un peu étrange surtout que son vocabulaire se limitait à « fuck putain merde » et autres variantes. Ah bah tiens, il crut même entendre des grommèlements de grossièretés pendant qu’il s’éloignait. Contre toute attente cette réaction lui arracha un très fin sourire, ce qui donna naissance à une idée tout aussi particulière. En temps normal ce genre de chose ne lui aurait jamais effleuré l’esprit, mais n’y avait-il pas plus jouissif que de faire sortir un râleur de ses gonds ? Rare que l’occasion se présente, et en plus de ça il était certain que ça marcherait. Il n’avait plus qu’à anticiper de se faire éventuellement tabasser, et donc, prévoir tout mouvement offensifs. Bah, ça ne devrait pas bien être compliqué avec ce genre de bourrin (car oui, il avait décidé qu’il en était un, non seulement en vu sa façon de donner un coup de pied plein d’amour dans un tas de livre qui se rependit au sol, mais aussi à sa manière de marcher. Encore heureux qu’il n’est pas été à la place des bouquins tiens. Raison de plus pour se méfier de la bête à poils roux). Ne faisant ni une ni deux, il sauta de sa pile d’objet pour atterrir au sol –ou du moins là où il n’y avait aucun objet à écraser, ce qui était assez rare dans le coin- et se faufila lestement devant le cuisinier… pour lui enfoncer sa petite cuillère dans la bouche entre deux jurons. Oh god, quel geste audacieux et terriblement sexy. Grand sourire innocent, joues rosies et yeux brillants, on tente la tête de uke pour amadouer l’adversaire.

- Et toi évite de dire un gros mot par phrase ; je ne relève même plus le nombre de fois ou tu as dis « Fuck » depuis que tu as ouvert la bouche. Et puis ça brise tout ton charme. C’est les petites cuillères qui te font l’effet là ?

Air interrogateur, rien de provoquant. Nous ne préciserons évidemment pas de quel « effet » il était question dans cette phrase, le roux le prendrait comme il le voudrait, et Yue ne s’en sentait absolument pas responsable. Ou presque. Après avoir adressé un regard d’ange au physique il recula d’un pas, mais son pied heurta un des livres que « I-kick-your-ass-man » avait précédemment fait tomber. Il se pencha pour le récupérer, épousseta la couverture… et pu lire en toute lettre « La position des petites cuillères – Explication, Pour qui ?, Comment ?, Les plus et les moins, Autres variantes-. Tout ça en forme de chapitres. L’ouvrage devait faire quelque page, à peine, et à vrai dire il ne comprenait pas vraiment de quoi il s’agissait. Ce n’est seulement quand il l’ouvrit qu’il réalisa qu’il faisait face à un extrait de Kâma-Sûtra –merci les illustrations- et qu’il le referma presque aussitôt non sans une très légère rougeur aux joues qu’il espérait passer inaperçu. Il n’avait jamais été à l’aise avec ce genre de chose et préférait ne pas trop se cultiver. Non pas que cela avait l’air inintéressant, loin de là, mais… Non. Néanmoins il se souvenait de l’objet que recherchait le roux et pendant un instant il hésita sur sa nature. Parlait-il de véritables petites cuillères, ou bien…. Ou bien de ça ? Léger bug de cerveau. Juste quelque secondes. Le temps de l’imaginer en plein ébat avec une fille quelconque et… Il se donna une claque mentale en réalisant ce qu’il était entrain de faire. Ouuuuuh le pervers. Il finit par hausser les épaules avant d’attraper la main du dénommé Miller, calant la fiche technique à l’intérieur. Nouveau sourire, nouvelle préparation à la baffe, passer outre de son innocence et sa pureté.

- Dis, ce n’est pas ça que tu cherchais tout à l’heure ? J’ai cru t’entendre parler de cuillères alors peut être que tu voulais expérimenter de nouvelle chose… Disons qu’en ayant un petit aperçu de ton caractère c’est facile à imaginer. Tu ne dois pas aimer la banalité. Oh, et puis je ne tiens pas à savoir.

Il poka alors le manche de l’ustensile qui dépassaient de sa bouche, puis ajouta :

- En tout cas tu as le choix entre les deux !

Et c’est qu’il se croyait vraiment serviable, le pauvre petite made-in-China. Encore un peu il aurait été tout à fait sérieux dans sa volonté d’aider l’autre. Bon, c’est sûr que le ton de sa voix qui était un brin railleuse cassait un peu cette attention toute particulière mais s’il désirait tant que ça des petites cuillères, il était servi. Au pire il pourrait toujours se faire passer pour l’une d’elle si ça ne lui convenait pas. Il se voyait déjà dire « Mais c’est moi ta petite cuillère, en fait, hihihi ♥ » -INSÉRER ICI LE MODE PÉTASSE-. Ahem, peut être pas à ce point là non plus mais ne sait on jamais, si ça pouvait calmer ses ardeurs. Bon, en tout cas, il était certain qu’il allait se prendre quelque chose à la tête et si ce n’était pas une baffe, ça serait peut être un de ces objets qui traînait autour d’eux. Mais comprenez-le ! Ce n’est pas tous les jours que vous avez l’occasion de « dialoguer » avec un râleur de première classe, ni de l’énerver encore plus ! Alors peut être qu’il n’était pas du genre à beaucoup parler et à rester dans son coin, peut être qu’il serait normalement resté là ou il était sans même lui répondre, mais cela avait été plus fort que lui.

Non, ça ne faisait aucun doute. Tout cela était de la faute de la petite cuillère qu’il avait lécher jusqu’à lors et qui était désormais dans la bouche du PHY. ...C’était quand même un peu érotique ce qu’il avait fait, non ?

Yue – 0 Petite cuillère -2

_._

“Maybe I am your little spoon?
Maybe you want me too?”

Dante ? Poli ? Plait-il ? …Non, tout simplement inconcevable. Rien que de s’imaginer le roux avoir un air posé sur le visage et vous souhaiter le bonjour avec le plus radieux des sourires donnait envie de s’étouffer. Ou de l’urticaire, au choix. En tout cas Yue saura parfaitement se passer des deux, même s’il n’était pas loin de tomber des nues en voyant un langage aussi châtié. Heureusement, lui avoir enfourné une petite cuillère en bouche avait semblé de le calmer considérablement, puisqu’il le dévisageait désormais d’un air hébété. Seulement, s’il savait qu’en réalité c’était parce qu’il avait découvert que ce n’était pas une fille, il ne s’en serait peut-être pas autant réjouit. Non pas que cela serait la première fois que ça lui arriverait, loin de là, mais il manquait quand même considérablement de poitrine… Bon, cela arrivait que certaines filles soit aussi plates qu’une planche à pain, mais quand même ! Parce que oui, la poitrine était un peu comme l’unique chose sur laquelle on pouvait se baser pour déterminer si Yue était une femelle ou non, sachant que son visage ne laisserait aucuns doutes se poser. Alors que cela ne plaise à ce cher PHY ou non, oui, certaines personnes avaient l’idée de pondre des types aussi efféminés ! Encore une chance que Yue n’avait pas pu deviner cette pensée ou il aurait vraiment cru qu’il manquait une case à Miller. Comme si ses parents avaient fait face à un tableau de configuration de personnages tel que les Sims pour choisir sa morphologie ! Qu’on s’imagine seulement la scène :

« Oh mon chéri, je pense qu’on devrait le faire un peu plus mince…
- Jia, ma petite colombe, je sais que tu préfèrerais avoir un fils aux traits délicats, mais tu es entrain de procréer un hermaphrodite….
- Mais non c’est parfait, regarde ! En plus il te ressemble tellement ! Oh, et ses cheveux un peu plus soyeux, plus longs…
- …M’amour, insinuerais-tu que je ressemble à un hermaphrodite ?
- Mais non mon loulou, bien sûr que non. Tu es si beau avec ta musculature et ton corps de rêve… (Placez ici une main baladeuse.)
- Je préfère ça. Mais plus sérieusement. Pourquoi lui avoir fait les cils aussi longs ? Et… Un visage aussi… féminin ?
- Tu sais, je ne sais pas si je préfère une fille ou un garçon, alors comme ça cela fera les deux à la fois !
- ….Soit. »

…Cela avait quelque chose de terrifiant, n’est-ce pas ? Mais rassurez-vous, le père de notre petit Asiatique préféré n’avait pas un spermatozoïde pâte-à-modeler, et il en était de même pour l’ovule de la maman : Yue avait été mis au monde de la façon la plus naturelle qui soit, c’est à dire après une séance torride de jambes en l’air sous la couette et des hurlements de douleurs lors d’un accouchement, où le premier mot qu’il avait entendu devait être de l’ordre du « Oh putain, enfin ! ». Sachant que ce dernier était censé influencer toute la vie de l’enfant, il ne fallait plus se demander pourquoi il était un peu dérangé : c’était inné. Anyway.

Le sourire du roux, ou du moins le rictus, là, était tout de suite moins marrant. Oh, Bouddha tout puissant. Ne lui-dite pas que son don était la transformation en pit-bull, si ? Il n’avait rien fait pour mériter ça, c’était une mort trop douloureuse, trop horrible, trop tout ! Et s’il devait mourir, il préférait encore se couper les veines avec le manche d’une petite cuillère. C’était plus classe. Plus long, certes, mais plus classe. Cela dit ça ne l’empêcha pas de se reculer un minimum pour éviter une éventuelle baffe qu’il suspectait déjà. A croire qu’il était maso pour le chercher autant. …Et en effet, la délicate attention venant de la part da victime qui était de le faire « morfler », lui fit plus sourire qu’autre chose. Même si, au fond de lui –mais alors vraiment tout au fond-, il appréhendait un minimum la chose. Mais ça ne suffirait pas à l’arrêter. Une fois que Yue était lancé, il était tenace. Et qu’il en profite, ce genre de situation ne lui arrivait que très rarement. Cela devait être l’effet cheveux-roux + insultes à tout va qui lui faisait ça… …N’empêche que sa riposte avec la fiche technique du Kâma-Sûtra avait, encore une fois, fait son effet ! Il s’en félicita d’ailleurs, même si les horribles images purement sexuelles qu’il avait en tête ne disparaissaient pas. Mais quitte à le rendre fou, autant que cela soit du bon côté, hm ? Par derrière ! ….Quoi que. Le chef cuisinier était définitivement abonné aux sourires menaçant…


- …Pardon ?


…et aux tournures de phrases si poétiques que même Chateaubriand s’en retournerait dans sa tombe. Cependant le ton de sa voix lui avait légèrement cloué le bec, et c’est à peine s’il cligna des yeux en l’entendant parler. Se faire baiser... ? Enfin, erreur à ne pas faire, plaquer brusquement quelque chose contre lui, sous la peine de le faire sursauter plus que de raison et reculer d’un pas hâtif.


-…Mais je-


Ses yeux s’écarquillèrent soudainement quand il sentit la main du Physique lui attraper le visage d’une telle façon, son cœur en loupant presque un battement. Ses pupilles s’étaient rétractées tandis qu’il aurait souhaité se reculer, cette fois ci réellement apeuré par ce geste. Ce fut d’ailleurs en une fraction de seconde et sans se contrôler qu’il saisit l’épaule de l’autre pour le tirer vers lui et ainsi le retourner violemment contre sol, sans se soucier si sa colonne vertébrale pourrait être endommagée. Son pied s’enfonça aussitôt dans son estomac non seulement pour l’immobiliser mais aussi l’empêcher de tenter n’importe quelle riposte, tandis qu’il tenait toujours son bras qu’il menaçait de déboiter à chaque instant. Comportement irréfléchi, largement démesuré ; cependant sa frayeur avait été plus forte, bien qu’elle ne découlait d’un geste qui aurait pu être anodin pour certain, et ce fut d’un ton particulièrement froid qu’il s’exprima ensuite ;


- Premièrement, sache que je ne comptais absolument pas t’inciter à « me baiser », pour reprendre tes mots. Si c’est ton genre de business libre à toi de faire ce que tu veux, mais je refuse catégoriquement à ce que tu m’associes à tout ça. Compris ?


Il tira un peu plus sur le bras du rouquin qu’il sentit anormalement tendu, mais il n’en avait que faire ; son regard le toisait toujours de façon méprisante.


- Deuxièmement j’ai peut-être agi de façon brusque, mais je m’en excuserai qu’à peine. Parce que je ne tolère pas la violence gratuite, que ce soit verbalement ou physiquement, et que les mecs dans ton genre feraient bien de réfléchir un peu plus avant d’agir. Même si tu ne le montres pas j’imagine que t’as un cerveau tout aussi développé que celui des autres, je me trompe ?


Laissant passer quelques secondes de silences alors qu’il le fixait d’un air impénétrable, il finit enfin par reposer son pied au sol et le relâcher complètement, avant de récupérer la petite cuillère qu’il serait encore dans sa main.


- Oh, et en passant, sache je me contrefous tout autant de toi. Je pourrai très bien me passer de ta présence ici, et je crois même que cela sera bénéfique. D’ailleurs, si ce que tu cherchais ici étaient vraiment des petites cuillères, je vais au moins te laisser le plaisir de garder celle-ci. Cela serait dommage de laisser passer une telle occasion, non ? Je ne tiens absolument plus à la conserver.


Et, sans un mot de plus, l’Asiatique jeta dédaigneusement l’ustensile contre le torse de l’adolescent encore à terre, avant de tourner les talons et de s’en aller vers un autre coin de la caverne. Hors de question de rester encore plus longtemps avec lui si c’était pour servir de défouloir. Des petites cuillères, il y en avait bien plus que ça, et surtout beaucoup plus banales A bon entendeur.

Yue – 1 Petite cuillère -2

“Please, don’t hurt your little spoon.
She could be mad at you.”

Si l’on avait un jour dit à Yue que c’était une petite cuillère qui allait le faire sortir de ses gonds, et encore plus, créer un lien qu’il avait la chance de ne pas déjà connaître la nature, il ne l’aurait jamais cru. Il aurait d’ailleurs rigolé niaisement, sans même prendre la peine de vérifier si l’information était vérifiée grâce à son don. Non mais imaginez-vous seulement la scène ? « Oooooh, je vois que plus tard tu vas te lier à quelqu’un grâce à une petite cuillère ! » « …..Nooooooon. C’est pas vrai. » « Siiiiiii ! C’est la petite cuillère du destin, c’est un signe, cela va guider toute ta vie futur ! » « …Aaaaaah, oh mon Dieu ! » « ….Cela fera 254 £, merci. » Non, non, et non. Premièrement, la seule madame Irma dans ce coin du globe, c’était lui, et personne d’autre. Soit personne ne pouvait lui annoncer ce qui allait lui arriver. Deuxièmement…. Mince, une petite cuillère quoi. Fallait être roux à pointe blondes pour croire de telles choses. Enfin, cela dit… HEUREUSEMENT qu’il n’utilisait pas son don pour savoir ce qui allait lui arriver. Non parce que s’il s’était vu, environ un an plus tard, toujours avec ce même pitbull hystérique à faire des choses peu catholiques –bouddhistes dans son cas-…. Il ne l’aurait peut-être pas si bien pris. Même pas du tout. Ne l’oublions pas, il fut un temps, Yue était prude. Profitons-en.

Quoi qu’il en soit et petite cuillère ou non, les nerfs, il les avait à fleur de peau. Et pas que les nerfs d’ailleurs. Les frissons d’horreur se faisaient également sentir, pour son plus grand bonheur note que j’ai fait trois rimes, ici. (Oui, un roux qui vous chope la mâchoire pour vous ouvrir la bouche et qui vous parle de vous faire baiser avec une tête de fou, ça faisait peur, et encore plus quand vous êtes aussi traumatisé que Yue.) Cela expliquait en partie pourquoi il avait pris un malin plaisir à lui éclater le dos contre le sol, mais aussi pourquoi il ne voulait pas rester plus longtemps avec cet odieux personnage qui lui faisait des avances déplacées. C’était donc d’un pas assez déterminé et rapide qu’il avançait cette allée jonchée d’objet en tout genre, sans faire attention à ce qu’ils étaient réellement. De toute façon il ne désirait rien de particulier, et plus vite il se serait éloigné du dénommé Miller, mieux cela serait. Erreur.
Grossière erreur.

……..Un bruit sourd retentit merveilleusement dans la salle, s’éternisant dans un écho digne de la plus grande harmonie environnementale qui soit. Telle la fusion du yin et du yang, la philosophie du Feng Shui se vit ainsi comblée.



- Ai ya ! Zhè shì zěn me gǎo de? Luàn qī bā zāo de ! MĀ DE !


…Ah oui, ça tout de suite, ça faisait moins Feng shui. Surtout quand on connaissait la traduction qui devait plus ou moins ressembler à quelque chose du genre : « Mince ! C’est quoi ce bordel ?! PUTAIN ! », et quand on voyait un petit chinois de 54 kilos s’exciter tout seul dans sa langue natale avec une main plaquée contre le nez (l’autre étant occupée à tâter la matière non identifiée droit devant lui, et qui, bizarrement, lui faisait fortement penser à une wok géante). Il finit alors par siffler entre ses dents, bien trop agacé, tandis que ses ongles raclèrent la surface du bouclier d’une façon qui n’annonçait rien de bon. Et le bruit éraillé qu’il en émanait confirmait cette idée, puisqu’au lieu d’être parcouru de frissons, cela donnait des envies de sexe intensif avec le roux meurtres plutôt considérables à notre cher Asiatique... …qui eut un sourire peu engageant étant donné qu’il comprit rapidement que cette chose n’était autre que le pouvoir de son agresseur. …Bon, honnêtement, il s’imaginait plus à la création d’un mur invisible que d’un bouclier, mais quoi que cela puisse être, le résultat était le même et Yue avait sérieusement mal à la mâchoire. Pour peu il aurait vérifié avec sa langue que toutes ses dents étaient en places, mais il était encore trop engourdi pour faire ce genre de prouesse buccale et ça vaut aussi pour ce que vous pensez, hin. Cela-dit, cela ne l’empêcha pas de se retourner lentement face au Physique avec un regard pire que noir (en contraste avec ses doigts qui caressaient encore ses joues endolories), et de lui adresser la parole en prenant le soin de détacher chaque syllabe très distinctement (ou du moins, n’ayant pas d’autre choix pour pouvoir articuler).


- Alors toi, tu fais vraiment très fort…


S’ensuivit évidemment, un désir de le frapper. Puissant. Intense. Qui lui donnaient des fourmillements tout le long du corps. Mais avec quoi ? Son regard haineux parcourut les différents objets entassés les uns sur les autres, avant de s’arrêter plus particulièrement sur une paire de chausson violet aux imprimés petites fleurs de grand-mère et… Non, il se trompait. Cela ne lui servirait pas à grand-chose. Peut-être que le soutien-gorge à tête de panda ferait plutôt l’affaire ? ….UN SOUTIEN-GORGE A TÊTE DE PANDA ! Aussitôt un sourire illumina le visage du Chinois qui se précipita vers le sous-vêtement en question pour le récupérer et juger sa taille du regard, ce dernier correspondant justement aux proportions parfaite de Catharina. Oh, voilà quelque chose qui lui ferait sans doute plaisir ! Il l’étendit alors devant lui, sans plus faire du tout attention à Dante, imaginant la psychique le porter. Cela lui irait à ravir ! Et ce fut avec un air radieux que Yue ouvrit son sac qu’il portait en bandoulière pour le glisser à l’intérieur, se disant que finalement il n’était pas venu pour rien. ….Et que, son but premier était de trouver quelque chose pour frapper le roux. Ah oui. C’est vrai. Son sourire s’estompa aussitôt pour laisser place à une expression bien plus sérieuse, et bizarrement, ce n’était plus des petites culottes ou des sandales qu’il remarquait, mais un superbe et long godemichet balais à frange qui pouvait bien lui clouer le bec une petite seconde… Rictus amusé, malicieux.

Ne faisant ni une deux, il s’élança pour saisir le manche de sa nouvelle arme qu’il fit tournoyer dans sa main à la façon d’une lance (quasiment le même calibre et histoire que Dante se mange bien les poils, c’était plus délectable), avant de l’abattre violement dans sa face de roux un peu trop arrogant à son goût. Le tout avec le sourire et en à peine une seconde, bien évidemment, histoire de donner une bonne image du grand guerrier maître dans l’art du balais à frange. Aussi, il ne l’avait pas frappé trop fort ; juste assez pour que cela équivaut à se prendre une wok en pleine face…


- Tu sembles sérieusement avoir du mal à comprendre ce qu’on te dit, hein ?


…et pour qu’il puisse apprécier le goût si raffinée des moutons de poussière. Pas longtemps. Il avait déjà rabaissé l’outil ménager, et, son front presque collé contre le sien, le jugeait de ses iris ambrés. Sans rancunes, évidemment.

Yue – 1 Petite cuillère -3

“Well, maybe this little spoon is a little bit perv,
Or maybe she only wants to do some nasty things with you.”

Que l’on mette dès à présent deux ou trois choses au clair : le don de Yue ne consistait pas à faire apparaître des soutien-gorge bonnet D ou E à partir de n’importe quoi. Il n’avait pas cette capacité à les invoquer, ni à les transformer en une arme quelconque. Quoi qu’en y réfléchissant bien, il pourrait presque étouffer quelqu’un s’il lui enroulait le sous-vêtement autour du visage de façon très serrée et qu’il l’agrafait. Mais non, il ne comptait pas abattre son adversaire de cette façon. Cela serait une mort beaucoup trop agréable pour les pervers de son genre –parce que oui, pour lui c’était l’Italien qui était le plus pervers des deux, et non pas le contraire (d’ailleurs heureusement qu’il ne savait pas ce qu’il était en train de penser sur son compte parce que ça aurait pu faire mal, très mal)-, et il valait mieux les frapper avec quelque chose de plus consistant. Non, pas la poitrine de Catharina, mais bel et bien un autre objet facilement maniable. C’est pourquoi il éviterait de lui éclater une étagère dans la face. Déjà il ne réussirait peut-être pas forcément à la bouger… Quoi qu’il en soit, il ne manqua pas de jeter un œil à l’autre garçon pendant qu’il pliait correctement le nouveau cadeau de son amie, et remarqua bien qu’il semblait perplexe sur son compte. Oubliant pour quelques secondes toute l’adversité qu’il pourrait y avoir entre-deux, il haussa simplement les épaules pour lui répondre.


- Inutile de te demander ce que je compte faire avec ça, c’est pour ma copine. Oublie ce à quoi tu penses, ça vaut mieux.


Et évidemment, notre petit Asiatique ne connaissant pas à cent pourcent toutes les subtilités de la langue Anglaise ne pouvait se douter que le « copine » cité ci-dessus prenait le sens de petite copine. A ce moment-là il aurait clairement dit ce qu’il en était histoire de ne pas laisser de doutes, mais là… Il ne pensait pas que le roux bicolore aurait pu se méprendre. D’autant plus que Catharina était tout sauf petite. Cela dit, s’il les avait vu chacun lové dans les bras de l’autre sous la même couverture à s’embrasser dans le cou et à se dire des mots doux, il aurait éventuellement pu comprendre que la perplexité puisse planer. Encore plus s’il savait qu’ils s’embrassaient amicalement sur les lèvres. Et que c’était lui qui lui achetait et faisait essayer ses nouveaux ensembles de lingerie. Mais bon. De toutes façons personne ne pouvait comprendre le lien qui unissait Yue et Catharina, ni que ce dernier était le plus innocent qui soit. Miller ne ferait probablement pas exception à la liste, surtout qu’il n’avait pas l’air très fute-fute sur le plan moral et relationnel… Enfin, ça, ce n’était que l’a priori d’un être aussi pur d’esprit que notre psychique préféré. Ou presque. Parce que pour croire que lui-même voulait garder et utiliser ce soutif, fallait vraiment pas que la petite fée de l’intelligence se soit penchée sur votre berceau lors de votre naissance. …Bon, certes, il y avait beaucoup d’excentriques à Aisling, mais quand même ! Il ne s’imaginait quand même pas que lui, Yue Weng, Andrew de son deuxième prénom, Sullivan de son nom de famille paternel, bref, Yue, était du genre à porter ce genre de chose ? Si ? Mince alors.

Dans tous les cas, ça méritait bien un coup de balais à frange poussiéreux dans la tête. Geste pleinement justifié dont il n’aurait probablement aucun remords. Probablement, parce que Yue était premier de la classe quand il s’agissait de culpabiliser sur quelque chose dont il n’était pas concerné. Alors forcément, si c’était lui qui l’avait frappé, il y avait des chances pour qu’il s’en veuille un minimum. Mais pas trop. Rare étaient les gens qui pouvaient lui taper autant sur les nerfs, et autant dire que Dante avait fait une prouesse pour l’ôter de son état habituel pourtant si zen et harmonieux ! …Ouais, bon, d’accord. Ce que Yue n’avait pas aimé du tout, on va pas le répéter, mais c’était ce « va te faire baiser » pire que si l’on parlait à une prostituée. Pour rester correcte. D’ailleurs certaines prostituées devaient obtenir bien plus de respect que ça. Il aurait peut-être du devenir prostitué, en fait. Quoi que, les gens l’auraient soit pris pour un transsexuel, soit pour une nana. Dans les deux cas ils auraient été déçus, et Yue n’aurait pas pu gagner sa vie. …Pardon pour ce petit égarement. Nous en étions donc à dire qu’un certain physique dégustait de toute sa saveur les poils poussiéreux d’un balai, et que si ça continuait, le chinois n’hésiterait pas à lui déboiter un bras. Pour la forme. Cela faisait longtemps qu’il ne s’était pas défoulé. Même si on ne pouvait pas vraiment appeler ça se défouler. S’acharner sur les inconnus n’était pas son genre. Pas comme certain.

Et ce certain ne devait apparemment pas apprécier le goût de son balai puisqu’il était déjà en train de reculer pour se sauver d’une mort par asphyxie. Dommage. Yue ne protesta pas, pas vraiment du genre à s’acharner sur une victime et reposa sa soi-disant arme au sol. Il croisa même les bras le temps d’analyser les mouvements de l’Italien qu’il devina purement hasardeux et confus, puis avança de quelques pas vers lui. Ou non. Il eut soudainement un mauvais pressentiment. Pas bien méchant, mais quand même. Une petite intuition, comme ça, qui lui disait qu’une connerie allait se passer. Mais Yue n’avait pas forcément besoin de son don pour savoir si quelque chose allait arriver. Cela allait sûrement ensemble et avait influencé son caractère. Ou bien c’était ses entraînement aux arts-martiaux qui l’avait poussé à faire attention au moindre changement dans son environnement. Peut-être que l’autre allait simplement se ratatiner sur un objet pour tomber tête la première sur quelque chose de dur et être assommé ? Ou…

Ou non…. Il plissa les yeux, toutes plaisanteries soudainement mises de côté. Bougeant frénétiquement la tête de bas en haut pour à la fois voir où l’autre mettait ses pieds et ce qu’il faisait tomber, il ne lui fallut pas longtemps pour décréter qu’il venait de briser une harmonie fondamentale. Et pas seulement dans les énergies ou les flux de chakra, cette fois. Non. C’était un peu plus sérieux que ça. Juste un peu. Si peu qu’il se redressa d’un seul coup yeux écarquillés, avant de se précipiter droit vers le Physique pour le pousser brusquement en arrière et s’interférer entre lui et l’armoire ;


- ATTENTION !


…Et de hurler à s’en déchirer les poumons cet avertissement qui ne servait à rien puisqu’il avait dû voir autant que lui que la situation tournait au vinaigre. Mais disons que pour le coup il se sentait un peu impuissant. Un peu beaucoup même. Ce n’était pas lui qui pouvait créer des murs invisible pour se protéger et… Un mur.


- PUTAIN ! TON DON ! UTILISE TON DON OU DÉGAGE DE LA ! CA VA S’ÉCRASER A COUP SÛR !



Yue – 1 Petite cuillère -3 Armoire - 1

_._

“Oh beautiful release!
Memory seeps from my veins,
May you find some comfort there.”

Et lui fixait de ses pupilles soudainement dilatées l’armoire qui tanguait dangereusement d’avant en arrière, constatant justement avec une tension mal dissimulée qu’elle avait tendance à un peu trop s’affirmer vers l’avant. C’était sans parler des grincements qui lui procuraient des frissons désagréables tout le long de son échine et qui ne cessaient d’affirmer que ce meuble ancien était définitivement d’un poids sans égal. Mais le pire c’était le nombre incalculable de livres et de bibelots qu’elle contenait, tous écrasé contre la vitre de verre qui menaçait de céder à chaque instant. Et si elle ne cédait pas, cela serait le fracas contre leur propre corps qui les ferait voler en éclat. Autant dire qu’un allé simple pour l’infirmerie s’en découlerait –et ça, s’ils avaient de la chance-, sinon ils étaient bon pour se fendre le crâne et mourir d’hémorragie. Quoi que, le physique aurait peut-être une maigre chance de s’en sortir s’il se prenait le coup de plein fouet… avec une ou deux jambes cassées. Mieux que rien, cela dit. Sauf que Yue avait tendance à préférer le rien au mieux : ça arrangeait tout le monde, lui en premier.

Cela-dit, malgré le fait qu’il s’était volontairement interposé entre le presque inconnu et leur futur cercueil, cela ne l’empêcha pas de hurler à plein poumons et de réaliser au même moment qu’il s’en sortirait grâce au don de l’autre. Cinquante pourcent de chance pour qu’il réussisse. Cinquante pour qu’il ne transpose pas le bouclier à temps et pour qu’ils se fassent ensevelir. Et Yue n’arrivait même pas à se concentrer ne serait-ce que quelques secondes sur son don pour savoir qu’elle issue serait la bonne, si ce n’est qu’elles avaient toutes les deux le même taux de réussite. Ainsi ça se jouerait avec le fruit du hasard. Alors il ne lui restait qu’une chose à faire. Serrer les dents. Fermer les yeux. Contracter ses muscles. Attendre. Ecouter le bruit qui se faisait de plus en plus fort. Encore attendre. Se faire brusquement agripper et tomber au sol… ...Hein ? Avant même de réaliser ce qui lui arrivait le psychique s’était retrouve agenouillé au sol, sa main posée contre la cuisse du roux juste derrière et contre lui. Cela dit il n’avait pas eu le temps de réfléchir à quoi que ce soit que les voilà soudainement recouvert d’une étrange énergie solide de forme sphérique et qui s’apparentait fortement à une bulle. Une bulle très étroite, soit-dit en passant, mais il n’avait pas encore fait attention à ce détail. Sauf que si l’Asiatique cria une nouvelle fois, c’était en raison du pied de l’armoire qui avait désormais lâché et qu’elle était réellement en train de tomber sur eux. Et les fracas des objets claquant contre le bouclier d’une matière qu’il ne pouvait citer l’effrayait encore plus, simplement incapable de comprendre ce qu’il se passait, en dépit des vibrations qui transperçait son corps de part et d’autre. Alors ses doigts s’étaient refermé sur le tissu qu’il avait sous la main d’une façon presque convulsive tandis qu’il s’était à demi recroquevillé sur lui-même, dans la crainte qu’à tout moment, cette « coquille » pourrait se briser.

Mais non. Le silence était venu progressivement, au même titre que les claquements qui s’étaient ralentis considérablement pour ne devenir qu’un simple bourdonnement. L’avalanche avait semblée s’arrêter, et les voilà plus ou moins sains et saufs. Plus ou moins. Il y avait quand même un petit détail un brin dérangeant dans l’affaire, et si Dante avait fait cette remarque hautement perspicace du fait qu’ils se trouvaient sous une mauvaise fortune, Yue ne pouvait qu’adhérer à ses propos. Pire encore, il se voyait littéralement perdu et désorienté dans cette histoire qui lui échappait. Déjà, il venait de réaliser que ce n’était non pas un mur que le PHY était capable de créer mais une coque protectrice, et qui plus est, terriblement solide et de taille variable. ….Très variable même. Yue resta silencieux encore un long moment tandis qu’il lâchait peu à peu sa prise sur le tissu, sa respiration devenant plus lente. Bruyante, mais très lente. Calme. Il devait reprendre son calme. Relever la tête, regarder autour de lui, analyser la situation…. Et constater qu’il y faisait un noir d’encre. A peine une lumière jaunâtre était filtrée entre deux tas de livres, à l’intérieur de laquelle on pouvait voir de la poussière dorée. Et cela-va sans dire que ceci ne rassurait absolument pas le brun qui jetait frénétiquement des coups d’œil à droite et à gauche. Il tenta même de lever le bras au-dessus de son visage pour tâter comme un plafond constitué des nombreux débris, à peine plus haut que sa tête. Alors qu’il était presque avachis au sol, ayant pour seul réconfort une chaleur humaine contre lui. Parce que oui, en cet instant, la gorge nouée, la boule au ventre et le cœur s’accélérant plus que de raison, ce n’était plus que l’unique chose sur laquelle il pouvait se rattacher et se rassurer.

- ...

Il avait entrouvert la bouche pour parler. Il avait même émis un son, une courte syllabe. Mais il se voyait simplement incapable de prononcer le plus bêtes des mots, sentant de légers tremblement presque comparables à ceux d’une fièvre l’envahir. Et il avait eu une bouffée de chaleur. Puis de froid. Il sentait peu à peu l’air lui manquer, sa fréquence respiratoire augmenter. Et plus ses yeux fixait avec insistance le noir autour de lui, plus il sentait son corps se paralyser et avait l’impression de sombrer dans ses peurs les plus secrètes. Non pas que tout cela lui rappelait deux ou trois souvenirs qu’il préférait oublier, mais ce n’était pas si loin que ça. S’il avait développé une claustrophobie profonde ce n’était pas pour rien ; si le noir lui donnait une impression de vide, de néant, de gouffre de folie, cela ne l’était pas non plus. Et tout ce qu’il trouvait à faire c’était de s’agenouiller quelques secondes en fermant les yeux, le temps de retrouver l’air qui lui manquait. Inspirer. Expirer. Puis hocher la tête, essayer de prendre un timbre de voix qui se veut sûr de lui.

- …Si. Si. On va s’en sortir… On va… trouver un moyen… pour quitter cet endroit.

Paradoxalement plus il répétait ceci, plus sa conviction disparaissait, comme la flamme d’une bougie s’éteignant après que l’on ait soufflé dessus. Pourtant c’était ridicule de s’en faire pour si peu, il fallait l’avouer ; il suffisait de trouver moyen à repousser ce qu’il y avait autour d’eux et de se faufiler entre deux objets. Mais ce n’était pas de ça ce dont Yue avait peur ; il ne pouvait simplement pas supporter le fait d’être retenu prisonnier dans un espace aussi minuscule et encore moins sans la liberté d’en sortir dès qu’il le voulait. Alors il se retourna lentement pour faire face à celui qui l’avait tout de même protégé, perdant en un clin d’œil toute crédibilité dans ses paroles. C’est à peine s’il pouvait distinguer son visage à l’intérieur de cette obscurité opaque, et pourtant, il aurait aimé l’entendre pester encore une fois rien que pour lui prouver qu’il n’était pas seul et aussi parce que ça pourrait lui changer les idées. Mais Yue était obstiné. Il ne pouvait perdre de vue le fait que cet endroit pourrait bientôt manquer d’oxygène de par sa petite surface, et qu’ainsi il finirait par étouffer complètement. Pire encore, y rester plusieurs heures. Rien que cette idée lui faisait complètement perdre les moyens, si bien que ses mains attrapèrent subitement les avant-bras de l’autre étudient.

- …N’est-ce pas ? On va s’en sortir, hein ? On y arrivera... ?

Et il était pathétique, Yue. Il était pathétique à trembler comme une feuille, les yeux mi-clos, en se raccrochant si désespérément à celui qui l’avait insulté. Il était pathétique à sangloter par simple nervosité et à serrer entre ses doigts froids le tissu de l’uniforme d’Aisling. Mais il n’y pouvait rien. Il était dépassé par cet endroit dans lequel il s’était retrouvé et dont il craignait la moindre faille, complètement ignorant de la maîtrise qu’en avait le Physique. Il ne savait pas non plus ce que c’était, ni combien de temps ça allait durer. Pourtant s’il mettait sa phobie de côté il aurait pu réaliser qu’il reverrait bientôt la lumière du jour. Au fond de lui il le savait, il ne pouvait pas se tromper. C’était quelque chose qui devait arriver. Mais tout cela lui paraissait tellement illusoire en cet instant...

- …On y… arri…vera…

Et le voilà qu’il enfouit son visage contre son épaule, totalement inconscient de ses gestes et de la personne qui se trouvait en face de lui. Cette personne qui lui avait précédemment semblée comme quelque chose à fuir et qu’il serrait maintenant entre ses mains moites, toujours un peu plus fort. Alors il ferme les yeux et se force à respirer doucement, s’imaginant dans un espace bien plus aéré que celui-là ; il sentait même le parfum qui se dégageait du cou de l’autre garçon, détail qu’il trouvait particulièrement apaisant alors qu’il essayait toujours de se détendre. Et il n’y avait plus aucun bruit si ce n’était le souffle de l’Asiatique qui parvenait à se calmer, le silence ayant refait son apparition au cœur du bouclier. A se demander de qui, entre le don lui-même et le détenteur, lui semblait le plus protecteur.

Yue – Hors Jeu Petite cuillère - En suspens Armoire - 2 Catharina - 1

_._

“I'm asking for your help,
I am going through hell,
Nothing can save me but the sound of your voice.”

Il était toujours apeuré. Encore angoissé par ce qu’il venait de voir et de son incompréhension. Il n’avait pas même relevé le froid glacial qui s’était abattu sur sa main tant cette dernière était paralysée par la crainte qu’il pouvait ressentir. Alors il s’était presque jeté sur lui, impuissant et secoué de vifs soubresauts qu’il ne pouvait contrôler. Il voulait juste sentir un cœur battre contre le sien, une autre respiration. Quelque chose qui puisse lui rappeler que tout cela n’était rien, qu’il se faisait des illusions. Que ce n’était qu’un cauchemar de son enfance. Ainsi il disait qu’ils allaient s’en sortir et que tout cela serait facile. Lui aussi savait que ça serait le cas. Mais l’entendre prononcer par quelqu’un d’autre renforçait cette idée et lui donnait un peu plus confiance en lui. Aussi il laissa échapper un murmure d’une voix tremblante près de son oreille, tandis que ses doigts serrèrent davantage son haut.

- …C’est vrai… ?

Il se sentait mieux, Yue. Il était rassuré de sentir ce corps tiède qu’il serrait contre le sien et de renifler doucement son parfum : cela lui faisait presque oublier la situation dans laquelle ils s’étaient fourrés, s’imaginant ailleurs et réconforté. Il aimait aussi sentir cette main lui effleurer les cheveux avec douceur ; c’était un geste qui pouvait être à la fois maternel et terriblement ambiguë, mais qui, en cet instant, savait l’apaiser mieux que n’importe quoi. Et pourtant Bouddha savait à quel point il avait peur du contact ! S’il avait été un tant soit peu conscient de ce qu’il faisait peut-être aurait-il pris peur ? Peut-être se serait-il crispé, s’attendant à tout et n’importe quoi ? Probablement. Après tout c’était le même garçon qui l’avait précédemment effrayé si ce n’est dégoûté. Mais là c’était différent : il avait besoin de ce rapprochement. Il avait besoin de se sentir soutenu, épaulé, accompagné, et n’aurait sûrement jamais supporté la solitude dans un moment pareil. D’ailleurs il n’avait même pas conçu que l’autre puisse le rejeter ; cela ne lui avait simplement pas traversé l’esprit. Plus rien n’avait compté, et il avait vu dans le roux le seul rattachement possible dans cette coque sans issues. Alors il s’était blotti contre lui comme l’aurait fait un enfant apeuré, se moquant éperdument de tout ce qu’il pouvait penser sur son compte. Qu’il était faible ? Ridicule ? Gamin ? Il ne se tromperait pas de toute façon. Il avait juste besoin de se perdre quelques secondes entre ces bras protecteur et d’écouter ce doux sifflement murmuré près de son oreille qui lui signifiait que tout irait bien. Et rien que ça, cela suffisait à le rassurer bêtement.

- … Mon don ne servira à rien, contrairement au tien… Pas dans un cas comme ça… Pardon…

Peu à peu ses mains relâchèrent la prise qu’il avait exercée sur son haut froissé, mais il se refusait toujours à se détacher de lui ; à l’inverse, ses bras s’enroulèrent lentement autour de son corps pour le tenir étroitement contre lui, son visage toujours enfoui dans son cou. Puis il expira doucement en sentant le calme revenir, rouvrant à demi ses yeux pour battre plusieurs fois des cils.

- …Tout ce que je veux c’est sortir d’ici au plus vite…

Sortir, voir la lumière du jour, respirer l’air extérieur à plein poumon. Voir le soleil, le ciel, la liberté. Quitter cet endroit confiné mais non pas l’étreinte du roux. Il s’y sentait bien, là, contrairement à ce qu’il aurait pu penser. Sa voix devenue si douce le confortait, à tel point que cela ne le dérangeait presque plus d’être coincé dans ce bouclier. Aussi étrange que cela puisse paraître, le Physique pouvait se montrer très tendre derrière sa vulgarité, si bien que l’Asiatique esquissa un léger sourire en l’entendant parler. Situation pire qu’embarrassante hein ? Il n’y pouvait pas grand-chose. La peur fait perdre les moyens, et tant qu’il ne serait pas complètement détendu il ne risquait pas de le décoller de sitôt.

- Dante Miller… Si je ne me trompe pas c’est bien toi qui gère le club de cuisine, hein... ?

Il ne bougea pas, littéralement avachi sur le dénommé Dante tandis qu’il sentait son cœur rebattre à un rythme régulier. C’était plutôt bon signe. Il n’avait plus qu’à espérer qu’il ne repense pas trop fort au fait qu’ils étaient dans un trou minuscules bordés d’un nombre incalculable de livres. Cela-dit il se sentait tout de même bien exténué en cet instant.

- Yue Weng Sullivan. Mais appelle-moi Yue, je préfère… Ou Andrew. C’est mon deuxième prénom, si tu préfères les consonances anglaises. Cela m’importe peu...

Au bout de quelques minutes il se redressa enfin, prenant conscience que sa tenue était peu conventionnelle et qu’il devait terriblement gêner le Physique. Lâchant un petit rire plus nerveux que gêné, il baissa la tête avant de se détacher légèrement de lui, ses yeux rivé sur un des multiples points de l’obscurité qui les enveloppait. Peut-être le regardait-il droit dans les yeux. Peut-être était-ce ses lèvres. Il ne pouvait pas clairement distinguer son visage ni son expression, mais ses mains, elles, étaient toujours posées sur ses épaules.

- ...Désolé, je n’aurais pas dû agir comme ça… C’est de ma faute en plus si on en est arrivé là. J’essaierai de ne plus t’embêter avec mon problème et de me concentrer sur ces bouquins.

Mais pour ça, Yue, il faudrait peut-être commencer par se décoller contrairement du garçon et d’arrêter de le tenir comme une bouée de sauvetage, d’accord ? Et éventuellement, le laisser respirer, aussi.

Yue – Hors Jeu Petite cuillère - En suspens Armoire - 2 Catharina - 2

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“I'm asking for your help,
I am going through hell,
Nothing can save me but the sound of your voice.”

Yue n’avait vraiment pas envie de quitter les bras du roux. Il avait su se montrer doux, attentionné, et il se sentait réellement à l’aise à l’entendre parler avec ce ton presque détaché par rapport à leur situation actuelle. Il hocha légèrement la tête pour lui signaler qu’il était en confiance, sans rien ajouter de plus, puis préféra ne faire aucune remarque quant au fait de s’excuser. Ce n’était franchement pas le moment de s’attirer les foudres du roux, d’autant plus qu’il ne savait pas encore de quoi il était capable. Sa patience avait sans doutes des limites, et déjà qu’il ne contribuait pas à l’aider, il jugea utile de se taire. Et puis étant agrippé à lui à la façon d’un koala, il aurait pu prendre très gros s’il avait décidé de le frapper. Il ne parla pas plus de son don, oubliant même d’expliquer en quoi il consistait. Ce n’était vraiment pas sa priorité en ce moment… Et puis quoi ? En quoi la prescience les aiderait à sortir de là ? Dire quels livres saisir en premier pour éviter une nouvelle avalanche ? Certes, c’était plausible. Mais lui dire qu’ils finiront par quitter le bouclier, que le lendemain Dante allait foirer son contrôle de mathématique –ne demandez pas à l’Asiatique comment il savait ça, il ne pourrait l’expliquer-, et qu’ils allaient devoir se faufiler entre deux rangées de décombres pour s’échapper de là, ne les avancerait pas vraiment. Non ? Bon, peut-être qu’il pensera à le prévenir dans quelques minutes, mais pour le moment ce genre de chose ne le préoccupait pas vraiment…

Il sourit alors en l’entendant râler une nouvelle fois, tandis qu’il s’amusait à démêler chaque odeur de son parfum pour les identifier une par une. Il ne devait pas avoir l’air très fin à avoir le nez plongé dans son cou à respirer avec insistance, mais qu’importe. Tant qu’il faisait ça il ne pensait pas à sa claustrophobie, c’était plutôt bon signe. Il attrapa même une de ses mèches rousses pour la porter à ses narines, histoire de voir si c’était son shampooing qui dégageait ces odeurs fruitées et pétillantes. Mais non, c’était bel et bien sa peau. Yue releva légèrement son visage pour passer son nez –et accessoirement ses lèvres- le long de sa joue, pour remonter jusqu’à ses tempes avant de s’attarder sur sa mâchoire, puis redescendre un peu plus bas au niveau de sa gorge puis de ses clavicules. Ça sentait aussi les épices. La cannelle. Un arrière effluve de bois. Et bien d’autres senteurs qu’il peinait à démêler, alors que ses doigts caressèrent doucement la racine flamboyante de ses cheveux au niveau de sa nuque.

- Tous les gérants de clubs sont connus, peu importe la classe… Il suffit de se renseigner un peu et on tombe sur ton nom. Quoi qu’il en soit, désolé d’être PSY, je n’ai pas fait exprès. Ce n’était pas non plus dans le but de t’énerver davantage.

Lorsque Yue s’était écarté, sa main avait délicatement glissé sur son épaule, presque semblable à une caresse d’amant. Il avait également écarté ses jambes de façon à ne plus le gêner, s’étant agenouillé face à lui. Ne pas regarder les parois du bouclier. Se concentrer sur le supposé regard face à lui. …Tiens, de quelles couleurs étaient ses yeux, déjà ? Il se pencha lentement sur lui pour tenter d’y voir quelque chose, mais en vain. Il allait devoir attendre la lumière pour se faire une idée. Il ne se souvenait déjà plus, alors qu’il lui avait semblé y voir quelque chose de frappant. Assez contrariant… Mais pas très important. Il devait jouer avec ses souvenirs pour se souvenir exactement de son visage et autres subtilités de ce genre.

- Comme tu veux. Je sais que certains élèves sont plutôt puristes avec l’anglais, du coup…. Je prévois. Mais dis-moi… Dante ? Tu es Italien ?

Parce que oui, même en Chine l’expression « la langue de Dante » était courante. Au même titre que celle de Shakespeare ou de Goethe, ça lui donnait déjà une idée sur son identité. Et puis discuter de tout et de rien l’empêchait de se focaliser sur sa respiration qui avait du mal à se stabiliser entièrement. D’ailleurs ça ne l’étonnait qu’à peine ; l’Italie était connue pour sa gastronomie hors-pair, et de voir que le dit Miller s’adonnait à cette passion était un amusant hasard. Même s’il ne connaissait pas très bien les recettes typiques à ce pays (sa connaissance était limitée à pâtes, pizza, glaces, capuccino). Tellement différent de l’Orient. Il fit par soupirer légèrement tandis que l’autre le réprimandait, baissant un peu la tête.

-Je tiens à m’excuser… Non seulement je trouve le moyen de te frapper, mais en plus je dois te faire subir ma claustrophobie. Ce ne sont vraiment pas des manières à avoir ! C’est quand même grâce à ton bouclier que j’ai pu éviter cette armoire, et tout ce que je fais, c’est paniquer… C’est stupide. Pardon.

Il ne réagit pas tout de suite en le sentant attraper ses poignets, restant un instant immobile, confus. Puis il réalisa enfin que cela devait faire plusieurs bonnes minutes qu’il le tenait en otage, et, précipitamment, le lâcha complètement pour poser ses mains sur ses cuisses.

- Oui, oui, je vais t’aider. C’est la moindre des choses que je puisse faire après tout. Mais…

Il déglutit, réalisant que la manipulation avait quelque chose qui le rassurait peu. En effet, s’ils enlevaient les livres de l’intérieur pour libérer le passage, cela incitait de les garder dans le bouclier. Or… La surface étant déjà minuscule, il allait littéralement finir bloqués l’un contre l’autre, et immobile. Et sans air. Et sans liberté de mouvements. Et il y aurait plus d’oxygène dans l’air. Et ils s’étoufferaient avec une trop grosse quantité de dioxyde de carbone. Et ils seraient peut-être même tenus immobiles plusieurs heures durant. Oh, Bouddha.

- …Je pense comprendre. J’espère juste que nous aurons assez de place… Cela risque d’être compliqué, sinon.

Pire, il risquait une nouvelle fois de koalater le pauvre physique qui n’avait rien demandé. Mais Yue se ravisa avec un peu plus de sérieux. Il dramatisait énormément la chose, et c’était littéralement impossible de mourir étouffé comme ça. Cependant il tenait à garder intacte la petite fissure qui laissait entrevoir la lumière, derrière lui. Il ne pourrait pas supporter l’obscurité totale, il le savait, et même s’il se blottissait contre un certain roux cela ne suffirait pas à le calmer. Cela dit il se pencha lentement pour passer ses doigts à travers le bouclier, avant d’avoir un mouvement de recul soudain et de tenir fermement sa main avec l’autre.

- ..C’est glacé !

Car oui, s’il ne l’avait pas senti la première fois, le froid mordant qui constituait la bulle ne l’avait cette fois-ci pas loupé. Prudemment il retenta l’expérience, et, remarquant qu’il se produisait le même phénomène, jugea que cela devait-être… normal ? Non pas qu’il n’était pas habitué au contact de la glace, mais cela restait tout de même impressionnant et… quelque peu une épreuve de maso. Quoi que Yue préférait mille fois ressentir cette sensation à travers tout son corps, et-ce plusieurs fois que de rester plus longtemps que prévu à l’intérieur de ce huis clos. C’est pourquoi il s’empara prudemment d’un livre pour le poser à côté de lui, en prenant le soin de ne pas en faire chuter d’autre. C’était toujours du temps gagné, et… de la psychose en moins.

- …Si tu veux juste un conseil… Évite de tirer les bouquins qui sont sur ta gauche. Ils sont beaucoup plus nombreux et ça va déclencher une nouvelle avalanche. J’en suis certain, tu peux me faire confiance.

Et éventuellement, expliquer comment son don fonctionnait. Mais ça, il préférait attendre un peu. Il ne le croirait sûrement pas s’il lui disait connaître l’avenir et par conséquent l’impact de chaque fait et geste. Peut-être s’il le vérifiait par lui-même, et encore. Quand on voyait comment il considérait les PSYs il avait de quoi s’inquiéter, non ?


Yue – Hors Jeu Petite cuillère - En suspens Catharina - 3