« Words are flowing out like
Endless rain into a paper cup. »

Une journée comme les autres, froide, maussade, et atrocement barbante. Edward s’y était habitué, à l’ennui, depuis son arrivée au lycée. Il avait cru d’abord que cela le rendrait fou, de ne rien avoir à faire, lui qui avait toujours eu l’esprit si occupé, toutes ces années. Finalement, il s’y était fait. Il avait la désagréable impression que son intelligence s’était enfuie. Il était devenu un légume complet. C’était triste, quelque part, de se sentir réduit à un tel état d’impuissance, pour un génie comme Edward.

Heureusement, il y avait les autres. Ses rares « amis », ceux qui lui apprenaient un peu à vivre, qui le faisaient presque sourire parfois, qui à la fois le distrayaient et le faisaient soupirer lourdement. A présent qu’il se trimballait dans les couloirs parfaitement bien éclairés, vides à cette heure avancée de la soirée, Edward réfléchissait à ce qu’il allait faire demain. Lire, encore, surement et toujours. Travailler son russe, passer quelques coups de fil importants, exécuter les tâches que son père semblait lui déléguer de plus en plus, sans qu’il sache exactement pourquoi.

Un jour rempli en perspective, un jour où il n’aurait pas à penser à lui. Son attention fut attirée par une ombre mouvante qui se déplaçait derrière lui. Il se retourna. Tomba face à une jeune fille aux cheveux verts ondulés. Et la première chose qu’il fit fut de se demander pourquoi les gens se teignaient les cheveux de manière aussi horrible. Il avait affaire à un extraterrestre.

« I don't know how it got so bad
Sometimes it's so crazy
But nothing can save me. »

Un arrêt cardiaque, total. Edward se figea sur place en la voyant se rapprocher comme un prédateur. Tu étais la proie, Edward, cette fois. Tu ne peux pas t’enfuir, alors tu la fixes, de ton air dédaigneux, et tu attends le prochain mouvement. Et ton corps se rétracte sur lui-même, tu te sens attaqué, profondément heurté par son attitude, par son sourire, par ses mots. Tu ne sais pas comment réagir. Voilà bien le problème, tu ne sais pas, et ça te fait mal. Pourtant, ce n’est que cette jeune femme aux allures étranges que tu croises comme un fantôme dans un couloir. Elle ne devrait pas te pétrifier.

Alors Edward ne réagit pas, quand elle prend sa main pour la poser sur sa poitrine volumineuse. Il se contente de secouer légèrement la tête, cligner des yeux, et mettre quelques secondes à se rendre compte de l’incohérence de la situation. Il pose son regard sur cette main en contact avec la chair de sa camarade, et se défait d’un coup sec de l’emprise. Il recule, heurté. Il ne devrait pas reculer. Sa main lui semble atrocement sale. Il regarde Camélia avec un semblant de haine. C’est de l’incompréhension. Pourquoi ?

« …Vous êtes dérangée, mademoiselle. Veuillez ne plus m’approcher. »

Un ton sec, et sans appel.

« Twinkle, twinkle, little star,
How I wonder what you are.
Up above the world so high,
Like a diamond in the sky. »

Gardons son calme. Gardons son calme, Edward. Ce n’est pas parce que tu te fais subitement agressé dans les couloirs d’Aisling à une heure avancée de la soirée que tu dois paniquer. Reste stoïque, complètement. Dévisage là avec haine, dédain, comme tu sais si bien le faire. Impose cette distance de sécurité. Et essaie de réfléchir au moyen le plus rapide de te casser pour ne plus jamais la voir. Tu n’as pas besoin de ça, tu n’as pas besoin d’elle. Pourquoi les gens ne te laissent pas tranquille, à la fin ?

Laide, odieuse, vulgaire, étrangère. Voilà comment elle t’apparait, Camélia. Tu détournes le regard brièvement, tu ne supportes pas sa vue. Les personnes comme elle ne devraient pas exister. Alors elle n’existe pas, pour toi. Tu ne l’entends plus. Tu t’apprêtes à tourner les talons, à faire comme si rien n’était arrivé, mais voilà qu’elle te saute encore subitement au cou. Et tu sens sa honteuse poitrine se coincer contre ta chemise.

« …. Cessez cette mascarade immédiatement et enlevez vos mains de ma personne. » Tu es sec, sans appel, haineux. Tu détestes ces mains de prolétaires posées sur toi de façon si vulgaire. Tu te débats légèrement, mais ton éducation t’empêche de poser tes mains sur ses bras trop longtemps. Tu aurais peur d’être contaminé.