AMERICAN MODEL

La demoiselle agitait fièrement ses billets. Elle venait de gagner une énième partie de poker improvisée dans sa chambre où les règles étaient définies par elle-même, bien sûr. Qu'allait-elle s'acheter? Comment allait-elle dépenser cette jolie petite somme? Elle pouvait certainement s'offrir une paire de chaussures dont le prix était bien au-dessus des moyens de gens avec un salaire correct. Elle pouvait aussi organiser un buffet de mariage avec une pièce montée assez gigantesque pour lui faire prendre quelques kilos. Mais elle n'en voyait pas l’intérêt puisqu’elle n'était pas mariée. Elle pouvait également s'offrir une jolie petite fête avec le meilleur DJ du monde, et les meilleures boissons alcoolisées que cet univers puisse avoir. Cette dernière petite idée lui plaisait déjà pas mal; mais elle dut ranger les papiers colorées dans son coffre quand on frappa à sa porte. Ce n'était rien d'important, juste un garçon qui avait oublié sa chemise dans la chambre de l'américaine. Il repartit aussitôt et cela fit penser à Vegas qu'elle devait peut-être prendre l'air et qu'après tout, elle aurait tout le temps de s'offrir un luxe exceptionnel quelques heures plus tard. Rien ne pressait. En se baladant de droite à gauche dans les couloirs d'Aisling, elle croisa des fillettes qui ne devaient avoir pas plus de 13 ans et qui s'habillaient déjà comme des traînées. Nevada ne put s'empêcher d'ouvrir la bouche et de froncer les sourcils, complétement sous le choc que la jeunesse soit déjà aussi putride. Elle se souvenait de son enfance, et, elle l'avoue, elle pouvait des fois, voir très régulièrement, se comporter comme ces demoiselles. Seulement, elle avait ses raisons. Elle était déjà contaminée jusqu’à la moelle des paillettes de New York, des bikinis de Miami, et des billets de Las Vegas. Ce n'est pas comme si elle avait choisi cette vie-là. C'est vrai qu'elle aurait très bien pu s'en échapper, mais elle ne connaissait pas d'autre chose. En s'aventurant plus loin dans les couloirs, elle entendait des élèves qui rigolaient à s'en fendre la poire. Et puis, ils discutaient, ils parlaient d'une fille, ils parlaient d'une Maiden, d'une... « Qu'est-ce qui se passe avec Mérédith ? » s'empressa de demander la jolie blonde sur un ton à la fois de la colère et rempli d'une certaine inquiétude. Les garçons firent un petit sursaut et la dévisagèrent comme si c'était un monstre. Mais Vegas restait là, avec des yeux qui brillaient. Un des garçons parla et lui expliqua qu'il y avait une rumeur quelque peu stupide, mais rien de grave. Rassurée, Las Vegas poussa un petit soulagement et continua sa route, comme si de rien n'était. Cependant, elle était déterminée à trouver son amie. Elle accéléra le pas, et se dirigea vers les jardins que possédait Aisling. Elle espérait de tout cœur y trouvait Maiden. Il fallait qu'elles se parlent. Si jamais quelque chose de mauvais circuler sur Mérédith, peut-être que c'était parce qu'elle avait des ennuis quelconque? Une envie de se confier à quelqu'un devrait alors la démanger. Et mademoiselle Fitzgerald était sur le coup. Vegas, c'est quelqu'un de bien, quelqu'un de gentil. Elle prend soin des autres. C'est une de ses qualités. C'est pourquoi, lorsqu'elle n’aperçus personne dans le coin le plus joli de végétation du pensionnat, elle s’inquiéta sérieusement, et commença à se mordiller l'ongle de son index gauche. « Maiden, t'es où ? » demanda-t-elle d'une voix attristée entre les pots de lavande et les cyprès que le vent agitait.

What would happen if I ever bloomed ?

Tu souris, probablement bêtement mais pourquoi luter ? Tu as toujours aimé les fleurs, tu as toujours aimé leurs façon délicate de s'ouvrir au monde, cette façon de sublimer la Terre t'as toujours fasciné, tu aurais adoré avoir un don en rapport avec les plantes mais malheureusement ce ne fut pas le cas.

Alors tu profites de la douceur de cet endroit, tu vaques entre les différentes plantations dont tu ne connais pas la moitié des noms mais ce n'est que détails à tes yeux. Après tout la nature est parfois tellement belle sans toute la science allant derrière. Tu n'as jamais véritablement apprécié cette dite science par ailleurs, certes elle est pratique mais elle avait pour toi le sale don et l'affreuse manie de retirer la beauté de choses tellement simples comme les magnifiques fleurs qui se tenaient devant toi.

Alors tu les frôles de tes longs doigts graciles, tu les touches comme la rose que tu souhaiterais être, tes longs cheveux roses dansent avec toi, tu as tes écouteurs branchés aux oreilles et alors que tu aimes la beauté de ces êtres si fragiles tu leur rend un hommage à ta façon, la chanson que tu écoutes te pousses à danser. La seule chose que tu sais plutôt bien faire d'ailleurs, alors tu bouges, tu es en rythme avec ce son, tu est dans une transe que toi seule comprend, tu rentres dans ton propre monde.

Tout tombe en morceaux, le rythme s’accélère, tes mouvements aussi, on dirait que tu es en soirée, tu te donnes comme sur la piste, il n'y a personne après tout, qui pourrait se moquer de toi ? Ta cascade rose suit le mouvement que tu lui impose, le rythme s'adouci, toi aussi, ils sont plus lents, plus doux, plus longs, plus passionnés, tu mords ta lèvre inférieure, la musique est salvatrice.

Puis tout recommence cette mélodie fantastique repart dans sa vitesse inégale tout comme ton âme, tout comme ton être, tout comme tout ce que tu as toujours été. T'as des idées étranges Méré, cette chanson à l'heure actuelle, elle te fais penser à de l'amour, elle te fais frissonner inexorablement, tu sens les mouvements d'un homme nu contre toi, tu t'imagines sa peau glissant contre la tienne, les baisers passionnés qui passent entre vous deux, ses mains contre tes hanches, la la beauté de ses mots, de ses "Je t'aime" qui te donnent la chair de poule.

Ton esprit divague ma petite, il le fait comme il l'a toujours fait, mais après tout où est le mal ? Alors cette lassitude dans tes mouvements qui entre en toi, comme si quelqu'un était à présent collé à ton corps, profitant au même moment que toi de cette musique sacrée, peut être qui sait aux prochaines soirées...

Puis une voix, une voix familière, mais tu l'entends pas, t'es bien trop occupée à danser sur cette salvatrice mélodie, elle te fais un bien fout sans même que tu ne t'en rends compte, la musique... Ca a toujours été une passion pour toi, une drogue comme tant d'autres, cette transe qui s'empare de toi au moment où tu montes sur le dancefloor, t'as jamais su l'expliquer, t'as juste été capable de la laisser te prendre totalement et te chuchoter les mots doux qu'elle a toujours eu...

Tu te retournes et là tu la remarque.

Cette tignasse blonde vénitienne, cette poitrine outrageusement mise en valeur, ce regard inquiet, Vegas ? Mais qu'est-ce qu'elle fiche ici ? Tu rougis, elle t'as vu danser pendant tout ce temps ? Merde t'as pas l'air d'une conne là, vite un plan de secours ! Tu enlèves vite tes écouteurs, tu sautes sur la Psy et tu la prends dans tes bras, un gros câlin, voilà ton secret, ça marche en plus en général et t'aimes ça, d'une pierre deux coups !

"Ben alors, qu'est-ce que tu fiches ici ? Ca va pas ? T'as l'air inquiète pour un truc, ça va ?"

Tu comprends pas bien Vegas et son éternel sourire ont disparu, qu'est-ce qui lui arrive, t'aimes pas ça, parce que Vegas, c'est un peu comme une meilleure amie.

Non, c'est ta meilleure amie.