Une chose importante à noter, lorsqu'on parle de la forêt maudite, est certainement le fait qu'elle est maudite.

Bon nombre d'étudiants à Aisling, aussi bas leur niveau intellectuel soit-il, ne sont pas sans savoir qu'en ce haut-lieu où convergent les plus malsaines énergies et légendes urbaines, il est question de dryades, de goules, fantômes et autres esprits malins ou ectoplasmes mutins revenus vous arracher les globes oculaires des orbites pour venir brusquement vous les enfoncer dans les tympans. Dans cette forêt, personne ne se balade très tard le soir, alors que la pénombre commence à faire hurler les feuillages. Dans cette forêt, personne ne se risque à une promenade dans les sentiers infectés par la nuit. Dans cette forêt en vérité, on raconte que si vous vous aventurez trop loin tout seul, ou même accompagné, vous ne revenez pas.
On vous retrouve avec les boyaux sortis du corps et retroussés par-dessus la tête comme un sac poubelle organique.

Il est donc plutôt fort à propos de considérer que, dans un tel endroit, viscéralement craint et tenu en psychose par la majorité d'Aisling, infinitésimales sont les chances que soit donnée une petite fête. Inexistantes sont celles pour qu'il s'y trouve un bar. Nulles, inenvisageables et enterrées, celles pour qu'on s'y retrouve à chauffer inexplicablement une inconnue sous alcool un beau soir de pleine lune.
Mais vous me direz, quand on confond ouvertement Ludvik Haraldson et Bella O'Gallagher, la stupidité peut engendrer de fort psychédéliques hallucinations.

— Une tarée sous acide dans le coin le plus glauque du campus. Et prof avec ça. Tout va bien, madame de Colyque ?

Oui, en - triste - vérité, la pauvre âme que l'adulte (bel exemple pour les générations futures) au bord du coma éthylique martyrisait et injuriait sans modération depuis un bon quart d'heure, sous les lourdes ramures ensorcelées, c'était Bella. Cette blondasse un peu déficiente qui avait décidé de se teindre en noir, de devenir transexuelle, et surtour de quitter Aisling sans aucune explication. En tous cas, sa joie de vivre et sa passion multicolore manquaient cruellement aux bancs irlandais. Mais son absence n'était certainement pas aussi fascinante que la présence de Ludvik ; bien obnubilante pour certaines. Assez en tous cas pour qu'une représentente légale prenne miss vampire pour lui, jeune et fougueux PSY. Et visiblement, assez sûrement pour que ladite miss soit invitée à revenir parmi eux, inopinément, en ce doux soir estival ? Ouais, on est tous contents de te revoir, Bella ! Bien ta nouvelle teub.

Peut-être Azalée était-elle obsédée par lui au point de refouler sa sexualité libérée et de rêver à l'avoir dans ses bras insatisfaits.
Le véritable Ludvik était quand à lui bien présent, mais non point dans les bras d'une donzelle en chaleur. Il était au contraire adossé à un grand chêne ; dont les branchages s'agitaient avec lourdeur par-dessus son crâne et son sourire. Un sourire sardonique qui filait sur ses lèvres. Ses bras s'allongeaient sur son torse en se croisant, et avec une réjouissance peu commune, il observait d'un oeil avisé ces charmants ébats. L'interaction entre deux êtres vivants si étranges lui causait un amusement certain. Certain, mais voilé de pitié.
Pauvres créatures.

— Avant le coït, j'aimerais spécifier que désormais, chère professeure, vous ne pourrez plus regarder la moindre fille sans ressentir une douleur atroce, aussi bien physique que psychique, qui vous causera d'imminentes et irrépressibles envies de suicide.

Le jeune homme se dégagea du tronc noir avec prestance et d'une révérence assurée, salua les deux fillettes.
Ouais. La malédiction, elle n'avait pas particulièrement besoin de testostérone pour fonctionner.

— Bon ben, bonsoir.

Et il s'en alla comme un prince.

(topic terminé!)