Nous étions beaux, nous étions grands. Nous étions surtout à une fête. Le genre de fête où on allait tous les deux, ensemble, avec comme principal prétexte « je dois surveiller l’autre pour qu’il ne fasse pas de conneries ». Finalement, Nathan se droguait et Lucas trouvait de nouvelles manières de se blesser. La routine pour nous deux, dans cette soirée bien remplie, et bien entamée, où chacun de nous avait déjà bu quelques bières. On dansait, on riait, un peu éméchés, entrainés par la musique et la foule qui vibraient en harmonie dans nos tympans. Pour l’instant, nous gardions encore un œil l’un sur l’autre. On savait que ça ne durerait pas longtemps, mais on ne pouvait s’empêcher d’espérer. Espérer que cette fois soit différente des autres.

On s’est écarté de la foule, à un moment. On riait entre nous, nos Heineken dans les mains, buvant au boulot en essayant de ne pas en renverser partout. On ne pouvait pas apparaitre plus complices aux autres. Eux, qui ne savaient pas qu’on dormait souvent ensemble en s’enlaçant, qu’on se murmurait des mots doux et rassurants, qu’on s’embrassait sur le front d’un air protecteur. On ne comptait pas leur montrer. C’est dans cet état d’esprit qu’on vit Alek. Il était cool Alek. On l’aimait bien. On se sentait à l’aise avec lui, sans vraiment savoir pourquoi, ni comment. Pourtant, ce n’était pas comme s’il était spécialement proche de nous. Mais quand on le voyait, on l’incluait un peu dans notre cercle. On trouvait qu’il nous rassemblait en fait.

« Hé Alek ! Ca fait looongtemps ! », Clama Nat’ fort, pour couvrir le bruit de la musique et se faire entendre.

On le rejoignit.

« Quoi d’neuf par ici ? T’as pas une clope d’ailleurs ? », demanda Lucas qui avait complètement oublié son paquet, et Nat’ ne voulait plus lui en passer tant qu’il ne lui avait pas remboursé celles qui lui devaient.

Alek, c’était la preuve de l’écrasante vérité pour Luc’. La preuve vivant que sortir Nat’ de la drogue n’arrangerait pas son cas pour autant. Parce qu’Alek avait beau en être sorti, ses problèmes n’étaient pas pour autant réglés. On aimait beaucoup Alek. Même Nat’ souriait, en sa présence. Bon, faut dire, il était souvent torché quand il le voyait. Comme là par exemple. Il commençait doucement à partir, à vouloir se détacher. L’alcool ne suffisait plus, il voulait autre chose. C’était juste trop tôt pour laisser tomber Luc’.

« Ouais, on essaie d’tenir un peu quand même. », répliqua Nat’ avant de boire une longue gorgée de sa bière. Ils étaient déjà bien chauds, mais de là à l’avouer.

Luc’ prit la clope, le remercia d’un sourire et d’un mouvement de tête, sortit son briquet et l’alluma. La première bouffée le soulagea instantanément. Il reporta son attention sur Alek, qui lui mettait largement dix centimètres dans la tête et l’obligeait à lever le menton.

« Bof, pas grand-chose, une meuf qui a fait un strip-tease sur un table. ‘Fin c’tait vraiment un thon. », Ajouta-t-il en riant. « Toi, ça va ? Tranquille la vie ? T’as fait quoi aujourd’hui ? »

Nat’ écoutait d’une oreille distraite. Il avait vu passer son nouveau fournisseur, et l’avait perdu de vue. Ça allait être la croix et la bannière pour le retrouver. Bordel.

Luc’ haussa les sourcils à la réponse d’Alek, puis se mit à rire très légèrement. Il en profita pour tirer une autre taffe libératrice et jeter un coup d’œil à Nat’. Bien sûr qu’il savait pertinemment ce que ce dernier cherchait. Si tôt ? Ça commençait à devenir réellement problématique. Mais l’ainé Strauss décida de faire comme si de rien n’était, et retourna son attention vers Alek.

« Pourquoi t’arrêtes pas d’venir en cours, tout simplement ? Les profs pourront plus t’faire chier comme ça. »

On était connu pour nos absences répétées. Notre présence en cours relevait du miracle, et c’était plus Luc’ que Nat’ qui y allait quand c’était le cas. Enfin, ce n’était pas comme si ça nous intéressait. En arrivant ici à 13 ans, on avait déjà pas mal de lacunes.

Nat’ sentit la main d’Alek sur son épaule et se tourna vers lui, sans sourire. Les effets de manque le taraudaient plus qu’il ne l’aurait voulu, et ce n’était pas le genre Luc’ à plaquer un grand sourire sur la gueule. Il comprit très bien l’intention de son ami, et lui jeta un regard qu’il pouvait très bien comprendre. Après tout, le PHY était passé par là aussi, non ? Son regard dériva sur Luc’. Son cœur se serra quelque peu.

Il leur sourit, très légèrement, et se tourna complètement vers eux. Il but une autre gorgée rafraichissante.

« Franch’ment ça manque un peu d’meufs. » dit-il d’un air ennuyé. « Enfin, perso j’peux faire sans, mais vous deux ça va vous poser problème j’crois. »

Quoique, les mecs mignons qu’il s’était pas déjà tapé, y’en avait pas des masses non plus.