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Messages : 140 Date d'inscription : 08/04/2012 Age : 31
| Sujet: William — je pense à toi depuis mille ans Lun 9 Avr - 12:44 | |
| Disclaimer — William est à l'origine un personnage de Rina, développé dans la fiche d'April. J'ai son autorisation pour le jouer *A*william logan fitzgerald
| SURNOM • Will ÂGE • Dix-neuf ans ANNÉE • Huitième ANNÉE D'ARRIVÉE • Huitième CLASSE • Phy ou spé si possible
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bang bang, shoot them up party never ends
On connaît tous une chanson, avec des guitares qui crissent, une batterie qui tonne, et une voix grave, masculine, éraillée par l'alcool et la vie, qui ânonne des mots sauvages et sans consistance. Cette chanson qu'on écoute tous sur la banquette arrière d'un cabriolet délavé, lorsqu'on part en vacances, l'été, balayé par un ciel torride et son soleil de plomb, avec des Stephan ou des Mélanie, leurs ray-ban sur le nez, tandis que leurs rires éclaboussent l'air chaud. C'était la mélodie insouciante de l'inconstance.
J'étais cette chanson.
William. C'était celui qui marchait, le pas vif, un peu léger, toujours devant. C'était celui qui fonçait dans la vie comme on se prendrait un mur : sans jamais s'arrêter.
William, c'était le cri de la liberté. J'avais toujours eu cette symphonie de papillons dans les poumons. Une drôle de fumée libertine, évaporée, comme le souffle gris des américaines que j'enfilais à la pelle. J'étais l’anarchiste, le marginal. Celui qui aurait pu fredonner du Saez sur les sentiers s'il avait été français. L'adulescent à la guitare qui sifflotait des mots barbares. Le muet qui s'égosillait dans le gouffre du silence. J'étais celui qui, à défaut d'être en être un, haïssait les riches, leur pognon et ce capitalisme à la con. Le socialiste raté, le communiste cynique, qui idéalisait un monde meilleur, intègre, sans trop y croire.
Et quand on mentionnait la vie mondaine et ses belles gens, il éclatait d'un rire ignoble. C'était peut être dans l'air du temps, toute cette rage contre la vie. Quand j'accusais, moi, c'était toujours le poing levé. J'avais la hargne de ceux qui n'ont rien à perdre. Cette haine, je l'avais dans le sang.
Je ne l'aurais jamais cru, mais il peut se montrer aussi enfantin et décontracté, blagueur, voire mutin, qu'agressif et agaçant — april. J'étais qu'un gamin, un môme révolté qui crachait sa haine au visage du monde et de sa politique élitiste ; moi je croyais aux droits de l'homme et je pissais sur la mécanique trop bien huilée de notre justice corrompue. Un pauvre marmot qui a mûrit trop tôt. J'avais la bouche qui débordait comme un égout - ramassis de mots orduriers - le ton cassant, et l'air grognon de ces peuples qui ne sourient jamais. J'aurais pu m'arrêter là, clore le sujet sur ces jolis dégueulis révolutionnaires. Mais ça aurait été trop simple. Derrière tout ça, - c'était plus fort que moi - j'avais un cœur tout mou. Depuis toujours, comme chacun, j'avais cette sorte d'engouement pour cette chienne de vie aux tripes. Un amour filial qui me rongeait, me bouffait de partout. Mes sourcils froncés, ma glabelle marquée m'échappaient souvent. Pour presque rien, - le sourire d'une passante - mon cynisme mutait en humour, ma moue bougon s'effaçait sous le glas d'un rire tendre. Rire qu'on me rendait bien. J'avais le charisme dans la peau. Je troquais si aisément mon pessimisme acerbe contre quelques railleries, mes regards noirs s'adoucissaient sous les quelques rides de la gaieté. J'étais ce type de personne qu'un seul sourire transformait. Je passais alors d'une brute menaçante à un ami qu'on aurait aimé connaître. Je n'étais pas si raté, finalement.
J'étais le bambin que le manque et la faim avaient cherché à briser sans jamais vraiment y arriver.
Quand la terre se mêlait à ses tâches de rousseur, et la flamme d'un briquet au fusain de ses iris, il était plus beau que jamais. Et derrière sa peau mate, ses yeux noirs et ses côtes saillantes transparaissait la crasse des origines inférieures. Quand il souriait, il sentait l'Italie du sud, comme si sous sa peau, sous ses lèvres courrait le vent tiède de son pays. On connaît tous un gamin, ce petit garçon blond, qui rit sous la pluie. Un petit rire doux, gonflé d'espoir et de joie simple. Ce rire chaud qu'on aimerait conserver, ne jamais oublier.
Moi, j'étais ce rire d'enfant.
J'étais trop grand pour me courber Parmi les nuages de poussière — DON • Alimentation — EN DÉTAIL • Alimentation permet à son détenteur d'activer n'importe quel objet à portée à partir de sa propre énergie. La taille, la complexité et la durée d'activation de l'objet varieront avec l'état de santé et le niveau de maîtrise du possesseur. — MAÎTRISE • Will a découvert son don il y a peu et son arrivée à Aisling est toute récente. Autant dire qu'il est complètement largué et sa maîtrise approche un pathétique 6,97% — LES ÉLEMS, PSY ET PHY • ... Who ? — LES SPÉ • lol. What am I doing here.
Et j'ai marché le long des routes Le ventre à l'air dans le ruisseau
THIS IS ENGLAND L'horreur à fleur. L'abominable canapé aux pavots fushia. Aussi loin que tu te souviennes, il a toujours été là. Aussi loin que tu te souviennes, tu l'as toujours détesté. Sa vue t'en donne presque la gerbe. Il te rappelle ton père, ton enfance de merde, tous les vices que tu leur associes. T'ignores les taches éparses de vieilles liqueurs qui tapissent le poil hirsute du synthétique. Tu ne fais même plus attention aux brèches dans le tissu, calcinées par quelque mégot abandonné. Ton regard s'arrête sur le mur, sur un portrait jauni et fané, comme le canapé : le visage rieur de Diana. T'étouffes un soupir. T'as jamais compris la passion de ta mère pour la monarchie. Elle est même pas britannique, ta mère. Tu la surprends quand elle lâche un regard un peu perdu par la fenêtre. Elle ne dit rien mais tu le sais bien. Ça la rend malade toute cette pluie. La perpétuelle incontinence d'un ciel sénile. Même après toutes ces années, l’Italie lui manque ; c'est comme si le poison du patriotisme s'écoule encore en elle, faute de garrot solide pour le faire disparaître. Tout là-bas lui manque ici. Et surtout cette Naples lointaine, adorée, qu'elle avait quitté comme une mauvaise fille pour le premier venu à l'accent plein de promesses.
Soudain, sa voix s'élève, et elle chante. Tu reconnais quelques mots d'italien. Après quelques minutes, elle arrête, et se tourne vers toi.
— Tu ne trouves pas que je chante comme Bellucci ? — Pas trop non. — Mais si je te dis ! Je lui ressemble ! Peut être que je deviendrai célèbre moi aussi...
Tu sais bien qu'elle n'y croit pas une seconde, mais tu sais aussi que ça lui ferait plaisir que tu joues le jeu toi aussi. Pour elle.
— Si tu avais eu son cul, ouais peut être. — Qu'est-ce qu'il a mon cul ? Il est pas super ? — Pour doubler une Monica de cinquante-sept ans obèse, il est parfait. — Hmhm.
Elle fronce les sourcils, et avance les lèvres en une moue réprobatrice. Tu aimes le ton de doux reproche que tu surprends dans sa voix. Tu retiens difficilement le sourire qui gigote sous tes fossettes. Elle lève les yeux, vous vous regardez, avant de vous esclaffer. Des gens diraient que tu es un fils indigne, mais vous savez tous les deux que jamais personne ne l'aimera plus que toi.
C'est quand tu regardes ta mère que tu te dis que la vie craint.
——— Vous vous regardez un instant. Quand tu ouvres les bras, elle courre s'y jeter. Elle est la seule qui arrive à t'extirper tes sourires. Ton souffle frémit contre son oreille, ses longs cheveux te chatouillent le menton.
— Tu m'as manqué. — Tu parles d'un scoop. T'as toujours été dingue de moi. — T'es con.
T'as jamais été capable d'être sérieux, c'est peut être ça ton problème. Tu le vois dans ses yeux, elle t'en veut. Tu te mords la lèvre. Elle t'assène un coup léger, une chiquenaude donnée sur le bout du nez ; tout est pardonné. Tu claques un baiser sur son front. Elle grimace un sourire. Ton cœur rate un battement. Merde. Tu te dis qu'elle sent drôlement bon. Et tu te dis que si t'étais pas allergique à l'amour, tu serais peut être tombé amoureux d'elle. Elle s'appelle June, et c'est toute ta vie.
——— Tu te souviendras toujours du visage de ta mère. Un visage buriné par les ans, tiré par la fatigue et la misère. Il y a des choses qui ne s'oublient pas. T'oublies pas l’indigo violacé sous ses paupières, la lourdeur de ses pas, la fatigue de ses épaules voutées quand elle rentre, ankylosée, après avoir passé tout le jour à récurer des wc, à lustrer les parquets. Les plus fortunés doivent se souvenir de vacances sur des plages satinées, d'embrassades sirupeuses dans le romantisme de quelques gondoles. Vous, avez les souvenirs crasseux de la pluie sur la grisaille de votre pauvre baraque, les narines pleines encore des arômes de tabac froid, cet encens athée qui embaume les murs cigarette de votre deux-pièces. T'oublie pas l'angoisse de la dette qui suinte, l'effroi, chaque mois, du loyer impayé. Pire. T'oublie pas - jamais - la haine qui te perfore l'estomac.
La haine de quoi, tu ne sais pas. Mais ça te brûle, ça te bouffe. Tu veux juste haïr, dégoter un visage pour tes blâmes. D'abord c'est ton père, le chômeur, le raté. L'abonné à pôle emploi, l'alcoolique que t'as jamais vu trimer. Alors un jour, t'exploses. Tu lui jettes ton cœur desséché à la figure, tu hurles ta rage. Il rit, l'ivrogne, et te désignes la porte. T'as bientôt dix-sept ans mais t'hésites pas. On est pas sérieux quand on a dix-sept ans. T'essayes d'attraper les prunelles de ta mère, mais elle regarde ailleurs ; la fenêtre et toute cette pluie qu'elle déteste. Tu avales difficilement ta salive. La trahison te saute à la gorge. Finalement ce sont les yeux de Scott, ton frère aîné, qui te trouvent. Tu te perds dans son expression sibylline. Tu ne sais pas trop quoi y lire, ce que tu voudrais y trouver. Il y a de tout dans le vert de ses iris. Mais la fierté qui y brille t'injecte adrénaline qu'il te manquait en plein de la poitrine. Alors tu jettes un sac sur ton épaule et tu te tires.
Une bouffée d'air frais te cingle le visage. Et tu cries. Tu cries ton bonheur, et tu vomis. Tu vomis ta liberté.
——— — Tu reviendras me voir ?
Tu sens la tiédeur de son haleine, le velours de sa voix qui craquèle. T'as le cœur qui tire. Tes paupières se ferment. T'es passé la voir une dernière fois. Tu te dis que tu n'aurais peut être pas du.
— Évidemment.
Tu réponds, en frictionnant doucement son épaule engourdie. Tu promets mais tu ne le feras pas. Tu le sais, elle aussi. Mais elle ne dit rien. Toi non plus. Pour toute réponse, elle niche son minois glacé au creux de ton cou. La fraîcheur de sa joue, la chaleur de son souffle ; tout combiné te fait frissonner. Elle presse si fort que t'as peur qu'elle ratatine la chair chétive qui la sépare du tambour qui tonne entre tes cotes. Soudain, t'as juste peur qu'elle t'arrache la peau, te croque les os et le prenne avec elle. Pire encore. T'as peur de la laisser faire. Tu sens son regard qui pèse, lourd comme une enclume. Ton menton s'affaisse. Vos regards se croisent. Tu déglutis. Elle s'avance, elle se penche. Elle hésite, mais tu ne fais rien pour la retenir. Alors vos lèvres se trouvent.
Tu te dis que c'est bête tout ça. Pire. Tu te dis qu'elle va te manquer.
——— T'as toujours eu une passion pour le feu. Ça a toujours fait partie de toi, c'est comme ça. T'as toujours joué avec des briquets. Alors quand un groupe de saltimbanques débarquent en ville, tu coures les rejoindre. Ils t'emmènent avec eux, les mois passent et c'est le début de ta nouvelle vie qui commence.
On te dit souvent qu'on peut sentir la fraîcheur que tu dégages ; que tu sens la terre meuble près des ruisseaux, que tu es, comme le vent sur la mousse, insaisissable.
Du jour au lendemain, tu quittes le cirque. Tu n'étais peut être pas aussi forain que tu le pensais. Servir ton maigre talent à ces capitalistes qui promènent leurs bâtards d'enfants. C'était pas fait pour toi, ce monde-là. Alors t'es parti. T'as marché au bord des routes, ça t'allait bien l'existence de vagabond. T'as toujours la gangrène de la faim qui te tiraille, les morsures de la pluie glacée le long du dos, mais tu ne t'es jamais senti aussi vivant.
——— Tu l'as rencontré, comme une page qu'on tourne, un peu par hasard. Il était là, immense et bedonnant dans un coin de forêt. Tu le regardes, farouche, alors qu'il parle. Il plaisante. Et soudain, il éclate d'un rire franc, bon-vivant. Malgré toi, tu te sens sourire, tes nerfs s'adoucir. Tu ne sais pas trop pourquoi mais tu décides de faire confiance à ce rire. Tu découvres ses talents de conteur, sa bonté et sa passion pour l'ivresse. Lionel, c'est sous doute le meilleur ami que tu n'as jamais eu.
Plus tard, t'avais reparlé de ce fameux jour avec Lionel. Tu lui avais alors donné l'impression d'être fait de presque rien, juste d'un peu d'eau et de lumière. Ça t'avait fait rire. C'est peut être vrai, après tout t'avais jamais vraiment cru à la théorie de la vie.
——— Et c'est là que tu la vis pour la première fois. Elle avait débarqué comme ça d'entre les arbres. Ça t'avait frappé au visage comme une pierre trop taillée. Elle était plutôt grande, blonde, mince, racée. Elle avait des bout de ciel sous les paupières. Finement maquillée, finement épilée. Parfaite. Tes sourcils se sont froncés. T'as déglutis. T'as eu envie de cracher. Tu la regardais encore un moment. Vos yeux se sont croisés. Alors t'as réalisé. April Stratford. Tout ce que tu détestes.
Mais elle revient chaque jour, de son petit pas aérien, comme si cette désinvolture l'eût dédouanée d'une vie ennuyeuse et convenue. Ça t'énerve. Quand elle vous retrouve c'était toujours avec cette impatience heureuse, teintée de méfiance et d'instinct. T'as jamais compris l'affection paternelle que lui porte Lionel.
— Alors princesse ? Toujours en vie ? J'ignorais que votre altesse pouvait se sustenter avec autre chose que du caviar.
Elle te jette un regard assassin. Tu l'as vexée, et étrangement, ça te fait rire. Finalement, tu te dis qu'elle n'est pas si mal, après tout. T'es bien obligé de l'admettre. C'est pas comme si elle était repoussante non plus. Tu te surprends à la regarder plus souvent qu'avant. Hm. Focus William, focus.
——— — Elle te plaît bien la petite hein ? — Qui ?
Tu imagines son sourire sans même le voir.
— Oh, tu sais très bien qui.
Tu hausses les épaules et réponds par un grognement réprobateur.
— Fais pas semblant. La discrétion c'est pas ton fort mec.
Il éclate d'un rire franc, jovial. Ce rire bon-vivant que t'as toujours trouvé franchement attachant. Ce rire merveilleux. Mais là, t'as surtout envie de le lui faire ravaler.
— Et je ne suis pas le seul à l'avoir remarqué...
Il ajoute ça, l'air de rien. Tu te tournes vers lui, les sourcils froncés encore, mais l'oeil interrogateur et plein d'espoir.
— Elle l'a bien vu aussi.
Sa phrase reste en suspend. Tu lèves la tête ; dans ses yeux, la lueur d'un sourire. Tu pousses un soupir, et retournes vaquer à tes occupations. Mais ta tête bouillonne, et malgré toi t'as le cœur qui dérape, avec cette ardeur propre à ceux qui attendent le lendemain avec un peu trop d'entrain.
——— Tu glisses un baiser au creux de son cou. Elle te repousse. Tu insistes. Ta main trouve sa taille, tes lèvres attrapent la pulpe de sa bouche. Elle s'échappe. Tu la rattrapes. Tu déposes ton front brun contre la blondeur du sien.
— Reste. — Non, non, je peux pas. — Alleeeer. — J'ai dit non. — S'il te plaît.
Tu penches la tête sur le côté, et la regardes en souriant à demi. Elle cède alors, immanquablement. Comme toujours. Elle rumine sa faiblesse, mais lorsque tu la prends dans tes bras, elle oublie sa rancune et s'esclaffe doucement. Tu te dis que t'aimerais bien apprendre son rire par cœur. T'effaces son monde, elle gomme le tien. Elle te presse, te supplie, et recommence. Encore et encore. Mais tu ne cèdes pas. Tu ne cèderas jamais. Elle ne saura pas ton prénom. C'est la seule chose que tu veux garder pour toi. William, c'est ton petit secret à préserver, ton petit morceau d'humanité.
April sourit avec les yeux. Elle a des gamineries qui frémissent sous ses sourires. Tu te dis qu'elle est vraiment mignonne quand même.
Tu glisses un doigt sur la courbe de sa hanche, et son rire joyeux craque sous tes tympans. Elle lutte, glousse, s'accroche à ton col. Hilare, tu t'effondres avec elle et vous roulez, roulez dans la terre et les feuilles sèches, jusqu'à vous arrêter. Et vous êtes là, l'un contre l'autre, loin de la vie et du temps, à rattraper vos souffles courts. Le monde s'est figé, il n'y a plus que vous ; la forêt et vos petits corps enlacés. Vous tentez de retenir les sourires qui vous échappent, comme pour dissimuler à l'autre le bonheur fébrile qui vous tremblote sous vos poitrines. Vous vous regardez sans rien dire ; tu tends la main, époussètes les petites mottes de terre qui jonchent ses pommettes. Elle plonge les doigts dans tes boucles brunes, retire les feuilles éparses qui s'y sont logées. Mais, même après les importunes parties, tu sens encore la douceur de sa paume sur ta peau ; sa main n'arrive pas à te quitter. Tu lui caresses la joue, regardes ses yeux bleus, trop clairs, ses cheveux ondulés qui encadrent des joues rondes encore. Rien n'est abîmé. Même sous la crasse et la sueur, même sous votre fièvre et tes lèvres, elle reste la même : délicate et raffinée. Et ça te fait mal.
La voix de Lionel tonne dans le lointain puis, plus rien. Le monde vous a retrouvés et vous vous êtes redressés trop vite, trop mal ; ce que vous aviez d'un peu fragile s'est brisé entre vos doigts. Comme à chaque fois. Alors tu te dis que ce n'est pas grave, ce n'est pas ta première fille, ce ne se sera pas la dernière. Ce n'est jamais la dernière. Après tout, tu t'en fous. Alors tu oublies tout et ça recommence.
——— Chaque jour elle débarque. Mais aujourd'hui, elle n'a plus ses sourires dans ses regards. Elle est affolée. Elle parle de la lettre, raconte son histoire de don. Tu trouves ça complètement con. Tu refuses y croire alors tu lui arraches presque sa convocation des mains. Alors, toute la haine que t'as toujours gardée, contre ton père, contre le monde, jaillit maintenant. Aujourd'hui le visage de tes blâmes sera celui d'April.
Ses yeux ont quelque chose de minéral, une froideur de combat. Personne ne le dit, mais tout est fini. C'est le moment, tu penses.
— William.
Tu ne sais pas quoi ajouter d'autre, alors c'est tout. Tu te retournes et disparais ; t'entends sa voix claquer dans l'air. Alors tu te dis que tu l'avais peut être aimée. Au moins une heure. Mais vraiment. Bordel.
———
Sans elle, c'est plus tout à fait pareil. Tu refuses de l'admettre. Les jours passent, l'été cède à l'automne, puis c'est l'hiver. Quelque chose est parti, un petit rien s'est brisé ; ça s'est enfui avec elle. Une nuit, elle te manque. Peut être un peu plus qu'avant. T'as faim de sa chaleur, faim de son rire, faim de ses mains. T'as froid tout à coup. Alors les braises calcinées près du feu de bois presque éteint s'embrasent, la flamme rougeoie, flamboie, comme un feu de joie. Lionel s'éveille en sursaut, l'oeil inquiet. Tu restes là, inerte. Vous ne dîtes rien mais vous comprenez tous les deux. Tu sens ton cœur qui coule.
— Je crois qu'il est temps que je rentre chez moi...
Tu murmures. Peut être ne t'a-t-il pas entendu. Pourtant il a compris : il sourit et acquiesce.
——— Tu ne veux pas passer le pas de la porte. Tu contemples la poignée abîmée, t'oses pas avancer, t'oses pas reculer. Enfin, tu entres. Tout de suite, tu le retrouves. Il est là, il t'attend : l'horreur à fleurs. Il est plus abominable encore que dans tes souvenirs. Aujourd'hui encore, il te donne envie de vomir.
Tu t'approches, ta mère est là. Elle sourit. La vie non plus ne lui a pas trop réussi. Mais elle est toujours là, heureuse et vivante. Tu lui rends son sourire. Ça fait longtemps que tu lui as pardonné. Son visage s'illumine et quand elle montre quelque chose du doigt, tu n'as pas besoin de regarder pour deviner. Sur la table vacillante, ta destinée t'attend, lourde et cachetée. Ton aller sans retour pour Aisling. Tu ris un peu. T'as jamais été capable d'être sérieux. Mais là tout de suite, tu te jetterais bien sous des pneus.
——— Elle a pas tellement changé. Ça fait presque trois ans pourtant. Mais derrière son sourire discret, tu retrouves l'adolescente qu'elle a été. Vous êtes un peu maladroits, un peu gênés, comme si toutes ces années vous avez définitivement séparés. Pourtant, c'est tout simplement que l'étreinte de ses bras retrouve ta nuque. Vous riez, comme deux enfants. D'un coup, juste comme ça, ton front heurte le sien. Elle a un mec, il paraît. Mais tu réalises que tu t'en fous. Et quand elle t'embrasse, tu ne reconnais ni votre adieu, ni votre amour bafoué, deux ans avant. Pire : tu retrouves les lèvres d'une autre. Et quand tu te couches sur June, c'est le corps d'April que tu aimes. Ce que tu peux être con Will.
——— — La place est libre ? — Non.
Le ton est dur, glacé. T'as les dents qui grincent. Tu sais que le siège est libre. Ça fait plusieurs minutes que t'es là, comme un crétin, sur ce navire de piraterie, à contempler cet équipage de ratés. C'est juste un semblant de politesse qui t'as poussé à parler. Tes yeux croisent l'ambre qui te sonde. Tu ne cilles pas. Alors, enhardi par tout le culot qui te reste encore, toute la hargne qui coule en toi, tu t'assois. Le mec s'embrase. Il blasphème, se redresse d'un bond. Tu te dis que tu n'aurais peut être pas du le provoquer. Mais c'était plus fort que toi. Derrière ses fringues qui puent le fric, et ses airs de nouveau riche, il te fout à cran.
— Tu sais qui je suis au moins ? — Je sais que t'es un connard, ouais.
Ton sourire étincèle dans la lumière crue. T'as à peine le temps d'esquiver la droite puissante qui part s'abattre sur la chambranle.
— Les petits cons dans ton genre. Je peux pas les blairer. — C'est drôle, j'allais dire la même chose.
Il jure. Tu ricanes. Il t'agrippe par le col, t'élève à sa hauteur, et te plaque violemment contre un mur. Merde. Il est costaud quand même.
— Je m'appelle Adriel Stratford, ducon.
Ton temps s'arrête. Ton sourire s'efface. Putain, il ne manquait plus que ça. Se mettre à dos son connard de cousin.
| ÂGE • Je vote aux présidentielles SEXE • Jamais le premier soir (f.) AVATAR • Châtains/bruns quelconques COMMENT AVEZ CONNU LE FORUM ? • Partenariat (Qui peut résister à l'appel d'Aisling ?) PARRAIN/MARRAINE ? • Rina ♥ AUTRE CHOSE ? • Un sirop de citron s'il vous plaît !
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Dernière édition par William L. Fitzgerald le Jeu 11 Oct - 14:53, édité 19 fois |
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