“De toute façon, c'est tous des escrocs, ces gens qui pensent qu'avoir gagné une petite partie de pouvoir leur permet d'étendre leur influence sociétale, et qui sont même pas capables de soutenir leurs propres décisions jusqu'au bout !... enfin, j'dis ça, j'dis rien, moi.”

Aidan, c'est avant tout une contradiction qui s'assume. Toujours en train de débattre sur tel ou tel point qui pourrait être, selon lui, ving-douze fois mieux, de pointer du doigt les failles de l'administration et de se plaindre que la machine à café n'a toujours pas été réparée ; et pourtant, il reste. Fidèle à lui-même à défaut d'être fidèle à son poste, il reste dans l'ombre de ses propres propos et n'essaie que très rarement d'effectivement changer les choses. Trop d'effort pour pas assez de résultat ? Ou simplement qu'au fond, cela ne le dérange pas plus que de nettoyer les restes d'une xième altercation entre élèves ? C'est qu'il commence à avoir un fort côté blasé, l'homme de ménage, après avoir vécu pendant presque la moitié de sa vie à Aisling, et ayant fréquenté pendant tout ce temps les énergumènes constituant sa faune principale ! D'ailleurs, il n'hésitera pas à vous les faire sentir, toutes ces années de bouteille -au sens propre ou au sens figuré, c'est au choix- qu'il a de plus que vous, si vous cherchez à le contredire sur ses connaissances au sujet de l'école. Enfin, si vous argumentez logiquement, calmement, et de préférence avec un sourire, il se peut qu'il reconnaisse de lui-même qu'il a tort ; autrement, un soupir las pourrait bien être la seule réponse que vous puissiez obtenir de lui.

“Ah, les jeunes de nos jours !... m'enfin, j'les aime bien quand même, tous ces gamins plus ou moins consciemment paumés.”

Étrangement, malgré son sempiternel côté râleur, Aidan dénigre rarement les élèves de l'établissement en particulier, qu'ils soient actifs ou passifs, hautains ou dociles, insolents ou attentionnés. A ses yeux, ce ne sont encore que des enfants, et cela ne vaut vraiment pas la peine de prendre la mouche à cause de leurs propos. Cependant, il est encore suffisamment jeune pour se souvenir que lui aussi a dû passer par cette étape, et même s'il donne parfois l'air de s'en ficher complètement, il est prêt à céder une oreille attentive à ceux qui le veulent. Quant à savoir s'il garde consciencieusement pour lui les paroles qu'on lui offre, ou s'il ne répète jamais rien uniquement parce qu'il les oublie au fur et à mesure... Dans tous les cas, il reste capable de vous écouter, et va parfois même jusqu'à donner quelques mots de réconfort -si le besoin s'en fait vraiment sentir. Il sait pertinemment que de par son statut, il fait plus partie des meubles qu'autre chose, mais cela ne le dérange pas plus que cela. Du moment qu'il y a des gens autour de lui, il accepte parfaitement qu'on ne le remarque pas. Il y a déjà suffisamment d'égos à ne pas froisser dans l'école, après tout.

“Mhm ? Ça fait un quart d'heure que je suis en pause de cinq minutes ? Vraiment ?... J'ai pas vu le temps passer, vraiment... Okay okay, j'me remets au boulot tout de suite. Enfin, je finis mon verre, d'abord, quand même.”

Ce n'est pas qu'il n'aime pas son travail. D'ailleurs, cela fait partie des rares choses dont il ne se plaint jamais. Ce n'est pas non plus qu'il n'aime pas l'ambiance qui y règne. Au moins, quand il est à son poste, il est généralement tranquille. Alors pourquoi donc est-il aussi souvent adossé à la machine à café comme s'il habitait là, à la limite de laisser une marque sur le mur d'à côté tellement c'est sa place attitrée ? Déjà, le café ce n'est qu'une excuse, au fond, il n'aime pas cela et ne s'en cache même pas. S'il pouvait, il ramènerait quelques bouteilles d'alcool de l'Irish Coffee à la place, mais sa maigre conscience professionnelle semble se réveiller juste pour l'en empêcher. En fin de compte, c'est seulement qu'Aidan fait les choses à son rythme, et uniquement à son rythme, faisant preuve quotidiennement d'un manque de coopération avec ses collègues et frustrant très probablement ses supérieurs. Mais laissez-le faire, et il finira sans faute par terminer toutes ses tâches dans les délais requis. Sans se presser. De manière juste assez décontractée pour potentiellement énerver les autres, mais juste pas assez pour se faire virer. Et puis, ce n'est pas comme s'il y en avait des tonnes, des motivés pour venir faire le ménage à Aisling. Ce qui permet à Aidan de continuer à flirter avec les nerfs de certains membres de l'administration, sans même faire mine de s'en rendre compte ; bien qu'au fond, même si ce petit jeu l'amuse, cela le dérangerait beaucoup de ne plus être le bienvenu dans l'établissement. Mais bon, tant que ce n'est pas nécessaire de l'admettre, le monde peut bien s'en passer, non ?