«Les larmes du passé fécondent l’avenir. »
Chapitre I : Ne tente jamais d’obtenir la félicité là où, indéniablement, elle t’est refusée.
La foule était à son comble, mais je n’y faisais pas attention.
Je ne voyais que ces yeux, je n’entendais que sa voix. Tellement belle, tellement envoutante…
J’étais subjugué, littéralement. Elle m’hypnotisait. Mon cœur m’hurlait de la rejoindre alors qu’elle faisait danser son public. Pourtant, je ne bougeais pas.
Ces yeux se tournèrent vers moi.
Je su dès lors qu’elle plongea son regard dans le mien que j’étais condamné. Désormais emprisonné par des chaînes.
Celles de l’amour.
oOo
Je regardais son corps nu qui luisait sous les rayons naissant du soleil. Alors qu’elle papillonnait des paupières, je sentis mon cœur se serrait. Comme un avertissement.
Celui de ne pas aller plus loin avec elle.
Je l’ignorais.
Elle tourna ses yeux brillants vers les miens et elle me salua d’une voix chantante en me souriant. Mon cœur, lunatique, faisait déjà un bond dans ma poitrine.
Mes lèvres rencontrèrent celle de ma Belle.
oOo
Je soupirais, ne sachant pas quoi faire.
Elle était encore une fois partie dans les toilettes. Pour y vomir. Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait depuis quelques jours alors que je l’avais senti dès la première nausée. Prenant ma tête dans mes mains, je tentais de réfléchir, encore une fois, à une solution. En vain. Mon cœur me suppliait de la rejoindre, de la prendre dans mes bras, mais au fond de moi, quelque chose s’était déliée. Je ne savais pas ce que c’était. Moi aussi, je ne comprenais plus rien à ce qu’il se passait.
Alors d’une main, je pris ma veste et me dirigea vers la porte de l’entrée, réprimant mon désir de la rejoindre.
oOo
« Je veux tout savoir, Gaara. Et maintenant.
- Par-Pardon ?
Bafouilla la jeune femme face à moi, son ventre arrondi par les mois.- Ne fait pas celle qui ne comprend pas, Gaara, ou plutôt devrais-je dire Anahira ?
Rétorquais-je d’un ton glacial.- Je n-ne vois pas c-ce que tu veux dire, Andrew…
Balbutia t-elle faiblement.- Tu ne vois pas ?
Lui demandais-je d’une voix cinglante. Et c’est à qui que tu veux faire gober cela ? A ton public, peut-être ? Je ne suis pas eux, Anahira. Et puis, tu veux que je te dise ? J’en ai pleinement profité de ces mois, autant que je le pouvais, car j’avais compris Anahira. Dès lors où tu as eu tes premières nausées, j’avais compris que tu me manipulais. Non !
M’écriais-je en durcissant le regard.[i] Tais-toi et laisse-moi parler ! J’avais compris ton manège, mais je n’en ai pas certain. Alors je suis parti. Et j’ai traîné mon corps sur des kilomètres, loin de toi pour la première fois depuis des mois. Tu avais toujours essayé de me garder près de toi, tu étais toujours collée à moi, et je ne comprenais pas pourquoi, mais je dois dire que je ne m’en plaignais guère. A l’époque. Mais aussi étrangement que cela puisse paraître, une fois que j’ai pu traverser la ville d’à côté, je ne sentais plus rien. Comme si j’avais dépassé une frontière. Je ne comprenais pas. Je ne comprenais rien à ce qu’il m’arrivé. Et tu sais que j’ai horreur de ne saisir quelque chose. Alors j’ai mené mon enquête. J’ai vu ton enfance falsifiée pour mener ta vie de chanteuse et j’ai dès lors cherché ta véritable identité. [i]Continuais-je d’une voix dure en prenant une feuille devant mes yeux. Anahira, 28 ans, née à Waganui en Nouvelle Zélande. Études inconnues… Cela m’a intrigué, par ailleurs, de ne pas trouver tes études.
Dis-je en levant mon regard vers elle. Alors, j’ai épluché tes factures téléphoniques et j’ai suivit ceux que tu appelais. Cela a été très instructif, d’ailleurs. Je n’ai pas réussi à trouver où se passait tes études, aussi étrangement soit-il, les informations sont bien cachées. Néanmoins, il y a une chose que j’ai réussie à savoir, ce qui m’a d’ailleurs laissé dans la stupéfaction la plus totale, Anahira. Tu sais ce que c’est ? C’est de découvrir ce qui m’avait attiré inexorablement vers toi. Ton pouvoir.
- Andrew…
Tenta t-elle d’une voix basse, les yeux embuée.- Oh non !
M’exclamais-je en haussant la voix. N’essaye pas ta voix sur moi, Anahira. Cela ne fonctionne plus et tu le sais aussi bien que moi ! Après avoir entendues des bribes de conversations, j’ai réfléchi. J’ai analysé. Tout analysé. Lorsqu’une personne connaît ton pouvoir, elle en devient totalement immunisée, c’est ça ? Tous ces sentiments, toutes ces choses que j’ai cru ressentir pour toi n’étaient qu’une manipulation de ta part. De ta voix. Une manipulation pour avoir ça !
Criais-je en montrant son ventre du doigt. N’était-ce vraiment pas plus simple de me draguer comme une personne normale ? Non, tu voulais satisfaire tes désirs capricieux, ne m’avoir qu’à toi afin que je ne parte jamais ! Car les gens partent Anahira et ça, tu le sais. Comme tes parents qui t’ont lâchement abandonné dans un orphelinat.
Lui crachais-je au visage alors qu’elle se tassait sur son siège, les larmes coulant le long de ses joues. »
Je la regardais pleurer de longues minutes avant de me redresser et de monter à l’étage pour préparer mes bagages. Je sortis violemment mes vêtements de son armoire, les fourrant sans ménagement et sans me soucier de l’ordre dans la valise. D’un pas vif, je pris la direction de la salle de bain et jeta toutes mes produits dans une poche avant de tout balancer une nouvelle fois dans mes malettes. D’un geste sec, je refermais mes bagages. Tournant la tête pour regarder si je n’avais rien oublier, mes yeux s’accrochèrent à un cadre photo. D’une main hésitante, je le pris entre mes doigts et le fixa quelques secondes avant qu’un hoquet de rage ne déborde de mes lèvres et que le cadre vienne s’écraser contre le mur. Dans un bruit de verre brisé. Je pris mes valises sous mes bras et dévalais les escaliers pour partir vers la porte d’entrée.
Une main s’agrippa à ma manche.
« Andrew… Je t’en pris, s’il te plaît, ne me laisse pas…
Murmura Anahira en sanglotant alors que je tournais mon regard vers elle. Je n’avais pas l’intention de te faire du mal. Je voulais tout te dire. J’allais arrêter d’utiliser ce pouvoir sur toi… Mais comprends-moi, j’avais tellement peur que tu t’en ailles, que tu m’abandonnes… Et je ne le voulais pas, Andrew !
S’écria t-elle en plongeant son regard dans le mien. Alors je voulais te garder près de moi, par égoïsme, oui. Mais quand tu es parti, j’ai compris. Oui, j’ai compris combien mon geste avait été destructeur. Mais je veux changer, je veux pouvoir revenir comme avant, revenir à ce bonheur une nouvelle fois, Andrew ! Alors, je t’en prie, laisse-moi une seconde chance… S’il te plaît…
Je l’observais une nouvelle fois. Ses traits tirés par la fatigue n’enlevaient rien à sa beauté sauvage. Rien.
- Plus jamais je ne serais l’esclave de tes sentiments, Anahira.
M’exclamais-je d’une vois froide, la poussant violemment contre le canapé. - Andrew…
Dit-elle dans un souffle, se relevant péniblement. Ne pars pas… S’il te plaît…
La porte claqua.
oOo
Chapitre 2 : Ne niez pas ton chagrin, car même dans le cœur le plus innocent, il est ressentit.
J’avais crié.
Fort. Encore plus fort que ma mère.
C’était tout simplement le cri de la vie. Le cri qui indiquait que j’étais voué à subsister dans un monde rempli de fous.
Cela vous paraît-il étrange que je me souvienne de ma naissance ? Des bras chaleureux de ma mère lorsqu’elle m’a serré contre elle suite à ma venue au monde ? Du nombre de biberons que j’ai bu durant tout mon séjour à l’hôpital ? La première fois que ma mère a pleurée alors qu’elle sortait du bâtiment en me tenant dans ses bras frêle. Est-ce si bizarre ?
Je vous dirais que non. Vous me direz oui. Mais après tout, qu’en ai-je à faire de ce que vous pouvez penser ?
Je l’ai compris des années plus tard, après avoir vu plusieurs visages pour affirmer mon hypothèse, que ma mère était une personne anéantie par le chagrin. Ma naissance n’y changea rien. Elle pleurait sans cesse. Je ne comprenais rien, bien sûr ! J’observais, voilà tout. D’ailleurs, j’observais tant que cela avait inquiétait ma génitrice. Elle craignait que par son chagrin je devienne une personne renfermée, alors elle a commencé à m’étreindre avec amour et force, de peur de me perdre. Elle jouait avec moi. Me lisait des histoires sur des Princes et des Princesses stupides. Mais elle était là.
Et elle comprit à travers mon regard, à travers mon mutisme, à travers la rareté de mes sourires qu’il y avait quelque chose qui ne fonctionnait pas. Alors elle me mena une nouvelle fois, alors que j’y avais vu le monde si peu d’années avant, dans ce bâtiment blanc et froid avec cette odeur si caractéristique à la mort.
Le verdict tomba.
Hyperthymésie.
J’étais vouée à me souvenir. A me souvenir de tout, sans aucune exception. Quand ma mère le su, elle fondu en larmes. Par pitié. Parce qu’elle savait le mal qu’elle avait en se souvenant juste de quelques parcelles de son bonheur perdu. Alors elle compatit. Me prenant dans ses bras en sanglotant, elle me promit de ne jamais me faire souffrir, d’être toujours douce avec moi pour que je n’aie que des réminiscences heureuses auxquelles me rappeler.
Et cela a été le cas.
Ma mère a fait un grand effort. Que je ne lui aurais jamais soupçonné d’ailleurs. Mais par sa volonté et son désir de me voir entourée par le bonheur, elle devint une autre personne. Une personne qui ne pleurait plus. Une personne qui fut là pour moi à chaque instant.
Même les plus terribles.
Cependant, avant d’aller à l’école pour la première fois, à ma sixième année, je suivais ma mère partout dans ses tournées. Elle s’occupait toujours de moi, malgré son emploi du temps chargé. Jamais elle ne m’a laissé dans les bras de quelqu’un d’autre, car elle était envahie par la peur. Par la peur que je sois brimée ou que je me fasse mal et que je m’en souvienne à jamais. Et elle ne le voulait pas. Qui le souhaiterait ? Alors donc, elle me couvait peut-être, mais c’était sa manière à elle de me protéger. Elle m’avait appris à lire et à écrire, émerveillée que j’apprenne aussi rapidement. Pourtant je n’ai pas forcément un QI extraordinaire. Pour être honnête, d’ailleurs, je ne sais même pas à combien il s’élève. Cela ne m’est pas vraiment utile. Si je réussissais à retenir aussi rapidement n’était qu’un des peu nombreux bienfaits de ma maladie. En fait, je ne pense même pas que ce soit une bonne chose. Ce n’est pas comme si j’apprenais, c’est même plutôt de la triche en soi. Car je fais appelle à mes souvenirs alors que les autres ont passé des jours et des jours à retenir les lettres et à bien les écrire sans forcément se les représenter dans leur esprit ou bien faire appelle à leur souvenir. C’est devenu un acte que l’on pourrait communément appeler habitude, je pense. C’est à débattre. Tout ceci pour dire que la paresse qui m’habitait, même enfant, et que ma pathologie m’a été bien utile. Toutefois, je tiens à souligner, que par la suite, même si cela a été plus lent que chez les autres, j’ai réussi à lire et à écrire sans faire appelle à mes souvenirs. Je n’ai véritablement rien d’extraordinaire, rien.
Après le passage pédagogie, j’en suis venue à comprendre des choses beaucoup plus intéressantes pour moi. La lecture des visages. Mais également le caractère, défauts compris de chacun. Surtout chez ma mère, car c’est avec elle que j’étais le plus. Et inévitablement, lorsque l’on reste énormément avec une personne, on la connaît presque mieux que soi. Et dans mon cas, ce fut très rapide.
Ma mère n’était pas véritablement complexe, j’ai compris surtout bien assez tôt que c’était une femme détruite. Malgré tous ces sourires, tous ces rires, ces yeux restaient indéniablement ternes. Elle chantait énormément, merveilleusement bien d’ailleurs, et je l’aidais beaucoup à retenir les paroles de ses chansons entre chaque concert. Concerts auquel j’avais l’interdiction très stricte d’écouter. C’était même l’une des rares choses sur laquelle ma mère me donnait des ordres. Les Lives en DVD ou les CDs n’étaient pas dérangeant, elle s’achetait les siens pour les garder en souvenir et nous les écoutions. Parfois même, nous nous amusions à faire des karaokés grâce aux musiques de ces albums. Je gagnais fréquemment. Ma mère en appelait à la triche : me faire tomber sur le canapé pour pouvoir mieux réussir que moi. C’était les seuls moments où je voyais les yeux de ma mère brillaient d’une étrange étincelle.
Et moi, où je riais.
Néanmoins, je savais que son cœur était brisé. Comme le cadre photo qu’elle garde dans une boite sous l’armoire, dans notre maison à Auckland. Je ne l’avais vu qu’une seule fois, à cause des tournées et donc des déménagements, mais je savais que c’était un fragment de son passé. Car le souvenir des larmes de ma mère glissant le long de son visage pour tomber inexorablement sur ses mains serrant le cadre ne m’avait jamais quitté. Je ne lui avais jamais dit que je l’avais vu ainsi. Car je savais qu’elle s’en voudrait. Car je savais qu’elle faisait le meilleure d’elle-même pour que je mène une vie facile. Alors je ne lui en veux pas, même si cette image d’elle me hante.
Alors, que je savais que ma mère était une femme qui ne serait plus jamais heureuse, j’ai tout de même réussi à déceler quelques traits distincts dans son visage qui indiqué lorsqu’elle était joyeuse ou qu’elle mentait. Et en particulier ce dernier. Lorsqu’elle ne me dit pas la vérité, ses sourcils se froncent légèrement. Au début, je n’y avais pas fait attention, bien sur. Et puis, un jour, à mes quatre ans, elle m’a dit que je devais commander mes cadeaux au Père Noël. Plus tard, j’ai entendu une membre du staff parlait de la difficulté à faire entendre à son aîné qu’il ne devait pas dire à son cadet que le Père Noël n’existait pas. Alors, j’ai entreprit des « tests » et c’est ainsi que j’appris que ma mère me cachait quelque chose vis-à-vis de mon père. Père que je n’ai jamais vu, pas une seule fois, même en photo et dont ma mère n’a jamais souhaitait parlé. Lorsque je demandais à ma génitrice où il était, elle fronçait légèrement les sourcils et me disait qu’elle ne le savait pas. Mensonge. Évidemment, elle le savait, mais elle ne voulait pas me le dire.
Je me suis promis d’être toujours franche et de ne jamais être rongé par le chagrin. Néanmoins, en public.
A ma sixième année, ma mère déclara qu’elle souhaitait que j’aille à l’école. Ce n’était pas sa décision, j’en étais certaine. Au grand jamais, elle ne l’avait dit auparavant et même bien au contraire, elle souhaitait me garder près d’elle. Cependant, Octobre du nouveau siècle, j’étais dans la cour d’école.
Seule, pour la première fois.
Les enfants jouaient ensembles au loin et moi, qui avais eu toujours ma mère, je ne savais pas ce que je devais faire. Alors, baissant les yeux, je m’assis contre un mur, ramenant mes jambes contre ma poitrine. J’étais perdue. Je voulais ma mère. Je ne savais pas comment je devais faire pour approcher tous ces enfants, moi qui n’en avais jamais côtoyé. Alors quand une main, paume ouverte, apparut devant moi, je levais la tête et écarquilla les yeux en regardant la fille aux joues rondes et aux deux couettes de cheveux bruns.
Dahna.
Elle m’a apprit à m’ouvrir davantage, à jouer avec les autres, à m’amuser tout simplement. Je devenais une enfant normale avec elle, je me sentais enfin normale. Elle fut là pour moi, comme ma mère. Et cela même après bien des années.
J’étais d’une paresse sans nom. J’avais de bonnes notes, certes, mais je n’écoutais pas en cours, je rêvassais la plupart du temps à des moments entre ma mère ou moi ou à des souvenirs plus récents avec Dahna. Alors quand vint l’année de mes onze ans, je ne fus pas étonné, non. Même alors que ces jeunes de ma classe s’approchaient de moi en ricanant et en m’insultant, je ne fus pas surprise. Car je savais que lorsque les élèves apprendraient pour ma maladie, chose qui est invariablement arrivée, ils ne comprendraient que ce qui leur arrangeait. Et ce qui leur arrangeait, c’est que je n’avais pas besoin d’apprendre. Que je n’oubliais rien, strictement rien. C’est cela qu’ils aimaient comprendre de ma pathologie. Et le savoir les mettait dans une colère noire. C’était exagéré, je le savais. Mais je ne pouvais m’empêcher de regretter, de m’excuser pour ma faute. Néanmoins, ce n’est jamais comme dans les livres que me prête Dahna, jamais. Personne ne vient te sauver, aucun de tes assaillants ne fait un retour en arrière. Non, rien de tout cela ne se passe.
Le coup arrive toujours inexorablement sur toi.
oOo
Les larmes séchées sur les joues, de multiples bosses sur le visage et sur le corps, et des entailles sur les bras et les jambes, c’est ainsi que l’on me retrouva.
Ma mère a recommencé a pleuré, alors que je restais enfermée dans un mutisme. Bien sûr, je souffrais. Comment ne pas souffrir lorsque l’on se fait battre par des camarades de classe ? Mais ce qui me faisait le plus mal, c’était de voir ma mère qui pleurait une nouvelle fois, encore. Je ne voulais pas la revoir ainsi. Je voulais que cela change, que tout redevienne comme avant.
Alors, j’ai tenté de ne plus faire appelle à mes souvenirs et j’ai essayé d’apprendre mes leçons, mais l’image écrite me revenait invariablement en tête. Et pourtant, malgré tous ces efforts que je fournissais pour pouvoir être comme tout le monde furent inutiles. Totalement vain. Car lorsque je revins en cours, personne ne faisait plus attention à moi. Les autres n’avaient rien fait contre moi, mais c’était comme si un accord avait était conçu entre eux durant mon absence. Ils considéraient tous que je trichais. Que j’étais trop différente. Tous.
Même elle.
Même Dahna.
Ne vous êtes vous pas demander pourquoi j’avais autant de noms ? Auparavant, c’était pour une raison plus puérile. Ma mère avait horreur de ce nom, d’où son changement de nom pour Gaara, son nom de chanteuse. Alors, pour que ce soit plus facile pour moi, à ma naissance, elle m’avait laissé le choix en sélectionnant chaque nom qui correspondait ainsi à mes origines. Ra’inui, pour la Nouvelle Zélande, le pays de naissance de ma mère. Eileen, Margaret et Charlie pour mes grand parents paternels anglais tout comme Gwendolyn et Alizée, origines françaises et Irlandaise. Nathadyô était une invention pure et simple de ma mère. Mon nom, dans mon enfance, n’a jamais été Ra’inui. Non, je me nommais simplement Gwendolyn, à cette époque.
Ma mère ne voulait simplement pas que je traîne derrière moi un lourd passé et que l’on vienne me le reprocher…
Au moment où j’ai vu le regard de Dahna, remplis de haine et uniquement de cela, qui me regardaient, la déception s’empara de moi. Je me sentis trahie par ma seule amie, celle qui avait toujours été là pour moi. Les larmes avaient débordé inévitablement de mes yeux, alors que pour la première fois, je sentis une vague de colère qui traversa tout mon corps.
Je ne me rappelai plus ce que j’avais dit.
Ou du moins, je l’aurai souhaité de tout mon cœur. Car je me souvenais de chaque mot, de chaque syllabe, mais surtout du visage de Dahna qui se défigura soudainement par la rage. Puis des autres élèves qui commencèrent à devenir fou à leur tour, jetant tous sur leur passage dans la classe. J’étais véritablement effrayée, je ne comprenais plus rien.
Je ne comprenais plus rien à ce qu’il se passait.
Puis après un moment qui me parut être une éternité, le dernier cri s’évanouissait.
Levant ma tête qui était entre mes mains, je vis un paysage méconnaissable dans ce qui aurait du être ma salle de classe. Mais aussi des élèves hébétés, plongé dans l’incompréhension et couverts de blessures. Les professeurs, qui avaient accouru lorsqu’ils avaient entendu le bruit, sortirent de leur cachette, accompagnés par la Police. Tout le monde regardait tout le monde. Ce fut à ce moment-là que Dahna tourna la tête vers moi.
Nos yeux se rencontraient, avant de se dérober.
Ce fut la dernière fois que je la vis.
Le lendemain, ma mère et moi préparions nos affaires pour déménager.
Ce fut seulement quelques jours après que je compris pourquoi.
Je ne saurais trop en dire sur les 7 années qui ont suivies.
Je préfère même en dire peu, car ma vie n'a plus jamais été ce qu'elle avait pu être auparavant. Alors, je vais être brève, parce que je n'ai ni l'envie, ni tout ce que vous souhaitez entendre pour excuse, de m'étaler encore sur ce qui est et sur ce que j'aurai voulu que soit ma vie.
Suite à l'accident, j'ai reçu une lettre étrange, mais je n'y portais que peu d'intérêt.
Tout ce que je savais, tout ce que je voyais, c'était la violence, la haine, la colère.
Et que c'était moi qui l'avais engendrée.
Alors que mes yeux se voilaient toujours par l'incompréhension et l'indifférence de ce qui se passait à l'extérieur, mon poignet fut entouré par un bracelet.
Bracelet qui est censé m'aider à me contrôler.
Ma mère me parlait, me rassurer, me disait que tout allait bien et m'avouait qu'elle aussi avait un pouvoir. Elle m’a aussi tout raconté sur mon père et parmi ses sanglots, elle gémissait. Murmurant entre deux pleurs que mon père avait été trouvé décédé le lendemain de son départ. Un « banal » accident.
Mais je n'entendais plus rien.
M'enfermant dans mon mutisme, je fus envoyé à l'école du Japon, école la plus proche de la maison.
J'y ai erré, avide de savoir, seule plaisir que je m'octroyais. Je lisais tout ce que j'avais sous la main. J'usais et abusé de ma pathologie pour être excellente en cours, sans pour autant me faire remarquer, du moins, sans que ma nostalgie ou ma maladie se fassent remarquer. Je me faisais violence pour paraître comme les autres. Pour me forcer à rester un minimum sur mes leçons chaque soir, pour que personne ne remarque rien. Je n'étais pas "intelligente" par plaisir, mais parce que c'est ce que souhaite ma mère, que je réussisse.
Mais c'était ma punition.
Je n'approchais plus personne, et eux ne me regardaient pas. C'était mieux ainsi, et cela l'est toujours.
Je voulais oublier.
Oublier ma faute, mon pouvoir, la perte de ma meilleure amie, ce monde injuste et ces personnes ingrates. Alors j'ai changé, inévitablement.
Ma mère ne m'a plus reconnu, j'en suis consciente, car plus, même une ombre, d'un sourire n'apparaissait sur mon visage. Néanmoins, elle ne changeait pas. Elle essayait toujours de me faire sourire, de me changer les idées. Et bien que je ne lui ai jamais avoué, elle réussissait par moment. Mais ça, je pense qu'elle le savait sans même me l'entendre dire. Par ailleurs, bien qu’elle n’en dise rien, elle était ravie que je me sois trouvé un but, bien que ce ne soit que le prolongement de ma culpabilité et de ma haine contre ma maladie. Mais au moins, j’avais trouvé quelque chose. Ma mère pense qu’elle n’a pas de moral à me faire, car elle sait qu’elle n’est pas mieux. Elle pense aussi que je suis assez intelligente pour savoir ce que je dois faire. Mais au fond de moi, au plus profond de moi, j’espérais autre chose.
Qu’elle me dise que ce que je faisais était mal et que je n’avais pas à m’en vouloir de ce qui c’était passé. Que cela n’était pas ma faute, car je ne contrôlais rien.
Toutefois, elle sait que c’est ma faute. Certes, nous aurions dû nous en rendre compte plus tôt, mais cela n’était que la première fois que j’étais confronté à de tes sentiments. Alors certes, c’est ma faute. Mais elle ne peut pas m’en vouloir, parce qu’invariablement je ne pouvais pas savoir ce qui allait arriver.
Mais cela, malgré ma maturité, mon intelligence, je n’en voulais pas. Ces explications n’étaient que futilité et inepties pour moi. Sauf que ma mère ne pouvait pas me donner ce que je voulais.
J’agissais comme une gamine capricieuse.
Mais je continuais à m’enfoncer dans mon désarroi, tandis que ma mère espérait un changement de ma part.
Mais quand il débarqua, ce fut une dégringolade de plus.
J’avais cru être capable d’être de nouveau entourée. Je me sentais mieux, je contrôlais mieux mon pouvoir. Mes problèmes n’étaient pas réglés, mais je le voulais. Pour voir, si cela m’apportais autant qu’avant. Et cela l’a fait. Néanmoins, tout a dégénéré très vite.
J’ai bu de l’alcool à une soirée, que Dieu me garde de refaire cette bêtise, et à cause d’un pari, j’ai retiré mon bracelet. Mais les choses se sont envenimées. Mon esprit était embrouillé, je ne contrôlais plus rien.
Et j’ai encore frôlé la catastrophe, proche de la folie.
Et bien que je n’en ai pas soufflé un mot à ma mère, elle m’a parlé de déménagement à cause des tournées qu’elle souhaitait reprendre.
Et la boucle, que je pensais bouclée, a repris son chemin inverse, inexorablement.
J’ai atterrit à Aisling, encore plus dévastée par les derniers évènements, mais avec quelques promesses en tête :
_ Même si je le souhaite ardemment, je ne risquerai la vie de plus personne en m’approchant d’eux, ce qui adviendrait inéluctablement à ma destruction.
_ Je n’oublierai pas. Rien. Je me les ressasserai encore et encore. Indéfiniment. Jusqu’à que je me convaincs que, même si je pense cela possible, il est plus sûr pour moi et les autres que je sois asociale.
_ Enfin, malgré tout cela, je ne VEUX pas que les autres personnes atteintes de cette pathologie, comme moi, ne soit rongé par les souvenirs. Alors je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour les soigner, chacun d’eux. Pour qu’eux est la vie que je n’aurai jamais.