Il t'a frappé Sally. Il t'a insulté Sally. Trainée dans la boue, détruite en un seul coup. T'as mal. Tu devrais être habituée non ? Après tout il ne fait que reproduire les gestes de sa mère, de son père, de tes grands parents... Quand tu passais les étés ici en Angleterre et que tu hurlais un peu trop fort, la claque se faisait sentir, sèche et rapide. Mais toi tu te relevais toujours et tu continuais d'hurler avec Edward pour le forcer à jouer. Bam, une autre claque, encore et encore et encore. T'étais habituée Sally, à prendre des coups devant lui, et quand enfin ça s'arrêtait il restait là, avec son sourire sarcastique et dédaigneux. Mais t'avais continuer à espérer, à espérer qu'un jour, peut être, il viendrait vers toi et te tendrait la main, te proposerait une promenade au bord de l'eau ou bien un thé...Et puis finalement non, il n'avait fait que te frapper. T'aurais pu te réjouir de ce contact non ? Te dire : « mon dieu Eddy m'a touché » mais la douleur était amère et ton cœur avait mal.
Alors t'avais fuit, t'avais tenté de sortir dignement pour ensuite t'écrouler sur le sol, en boule. On s'attroupe autour de toi, on te pointe du doigts, comme un animal, comme un clown qui serait là pour amuser la galerie. Maintenant t'aimerais juste disparaître, t'enfoncer dans le sol. C'est mauvais parce qu'à cette pensée ton corps réagit et tu commence à te tasser. Foutu don. Doucement tu respire, t'essaie de te contrôler, faire comme en cours, parce que ouais toi aussi tu sais écouter un minimum. T'entends les gens rires et ça t'énerve encore plus et tout d'un coup ton corps reprends sa consistance habituelle. D'un bon tu te lève, bousculant les gens, qu'importe...Pour courir un peu au hasard, loin dans l'école.

Tes larmes se tarissent et ton poing rencontre le mur. La maintenant tu frapperais bien quelqu'un pour évacuer ta colère. C'est mal la colère Sally, très mal...Et pourtant la maintenant c'est ce que tu ressent, de la colère contre lui pour être aussi insensible, de la colère contre toi pour être incapable de lui plaire. Ta main s'écrase, encore et encore, s'encastrant entre les pierres. Parfois elle haïssait ce corps qui agissait de lui même pour la protéger...
Et puis t'ouvre les yeux, plus un bruit autour de toi, il fait froid, il fait sombre, exactement le genre de lieu que tu fui, exactement le genre de lieu où personne ne va. Tant mieux. Pour une fois tu restera. De toute façon t'as plus la force d'avancer, tu te traîne jusqu'à une porte et tu t'enferme. Les cachots hein ? Parfait pour déprimer, pour ressasser encore et encore. Tu vas dans un coin, tout au fond, éclairé par la lumière de ton téléphone et tu finis par te recroqueviller, genoux contre la poitrine, tête baissée. Et tu recommence à pleurer, comme si t'avais décidé d’assécher ton corps pour que tes yeux ne pleurent que du sel amer.

« T'es qu'une conne Sally, Hopekins, truc, chose....Une conne.... »

Et tu rigole doucement parce que tu te sens pitoyable, toi la fille au sourire chaleureux, toi la fille au rire envahissant et aux yeux brûlant. T'étais plus qu'une loque à cause de qui ? D'un idiot, d'un garçon, un unique homme t'avais vaincu, toi la terreur d'Aisling avec tes poings collants. Mais ça devait arriver non ? C'était obligé, fallait bien que ça casse un jour, tes espoirs de le voir devenir meilleur c'était juste une illusion. Pourquoi. T'avais tellement mal Sally, t'étais tellement triste. T'aurais voulu quelqu'un, là tout de suite, quelqu'un pour te serrer fort contre lui, pour te rassurer, pour te promettre que tout irait mieux demain, qu'il fallait arrêter. T'avais envie de sentir un corps chaud contre toi. De l'air vite. Et puis la porte s'est ouverte et la pièce s'est illuminée. Une silhouette qui te fait espérer. Tu te jette à son cou, vite, vite, l'enlaçant fort contre toi, les larmes dégoulinants sur son joli veston

« Eustache.... Eustaaaaaache je suis malheureuuuuuuuuuuuuuuuuuse.....Si tu savais.......... »

Et même dans la tristesse tu ne peux t'empêcher d'en rajouter.