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 il sent bon le sable chaud

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Aaron Hamariliu
il sent bon le sable chaud Rangphy
Aaron Hamariliu

Messages : 87
Date d'inscription : 08/08/2012
Age : 48


il sent bon le sable chaud Vide
MessageSujet: il sent bon le sable chaud   il sent bon le sable chaud Icon_minitimeSam 18 Aoû - 7:45

Edit Bhou: POUSSEZ VOUSSS CELLE LA C'EST MOI QUI LA VALIDE j'attends juste un accord de Bonnie en faite. ALORS HOP HOP HOP C'EST MON MIEN *pan*

aaron hamariliu
dix-neuf ans ; huitième année
septième année
random-roulette


C'est un souvenir brûlant et coloré qui finira par s'estomper avec le temps. Une photographie plantée dans le cadre du miroir d'une adolescente qui ne tardera pas à prendre la poussière dans un grenier, trop triviale et pas assez familiale pour obtenir sa place dans un album relié en cuir. C'est un amour d'été.

∆ ∆ ∆
Elle avait lentement levé le regard, mis une main en visière. La silhouette qui venait d'obscurcir son soleil s'étirait dans le contre-jour. C'était le pote de son cousin, le fils de la voisine ou n'importe quoi d'autre. Il avait déboulé dans l'allée de bougainvilliers quelques jours plus tôt, à peine quelques heures après qu'elle ait posé ses valises sur la véranda, en riant très fort des mots qu'elle ne comprenait pas. Puis était allé se servir dans la glacière et avait claqué de bruyantes bises à chaque personne présente, y compris elle. La famille éloignée dans laquelle elle se sentait à peine à sa place accueillait le garçon comme l'un des leurs, et sa tante lui avait rapidement présenté Aaron comme un élément du décor, une grosse blatte dont elle ne parvenait plus à se débarrasser. Les vannes en bichelamar avaient commencé à fuser, elle était foutue.
Depuis lors il ne s'était pas passé un seul jour sans qu'il ne débarque à l'improviste. À la moindre randonnée sur les pentes du volcan, à chaque balade en bateau, à la plage. Surtout à la plage. Il donnait l'impression d'y vivre, avec ce fin manteau de sel qui couvrait constamment sa peau basanée. Il y traînait ses pieds nus dans l'herbe verdâtre, au pied d'un cocotier, ou jouait de sa planche lorsque les vagues le lui permettaient. À vrai dire, il n'y avait pas beaucoup de secondes impressions à lui accorder, la première avait été la bonne. C'était un vrai stéréotype de surfeur des îles, l'air un peu hagard, comme s'il se réveillait d'une sieste ensablée à chaque heure qui passait. Il avait cette démarche lente, légèrement déhanchée, et la voix monocorde d'un drogué invétéré, ou d'un type fatigué. Il vivait à l'ouest de la société, à côté de la plaque du reste du monde ; il tenait souvent de petits discours convaincus, mais pas pour autant éclairés sur la paix, la vérité et la vanité, qui se concluaient généralement sur un endormi de toute façon, ça veut rien dire tous ces mots. Il avait cette sagesse un peu ridicule de hippie hors de son temps, cette philosophie reposante des types qui attendent les vagues. Il fallait bien avouer que dans le contexte, ça avait un sacré charme. Elle avait agrippé sa main tendue.

∆ ∆ ∆
Ce n'était pas une fille facile. Elle était plutôt cérébrale, posée. Elle aurait bien voulu rire au nez des clichés, comme à son habitude, mais il fallait croire que la sérénité ambiante avait anesthésié son caractère critique. C'était une soirée exactement comme on se l'imaginait, avec un feu de bois sur la plage, quelques adolescents particulièrement fiers d'avoir piqué des bières dans le frigo, et une guitare. Aaron avait joué de sa vieille gratte pourrie et désaccordée comme n'importe quel crétin qui n'y avait jamais prêté de véritable attention. Les accords de Wonderwall s'étaient enchaînés sans que personne ne pense à râler. Six fois.
Une fois les cendres froides et le groupe recroquevillé sous les couvertures polaires prévues à cet effet, il avait commencé à énoncer les constellations. Leurs origines, les étoiles majeures, leur utilité. C'était très romantique, presque intéressant, jusqu'à ce qu'il ne commence à faire jour. Tous avaient sombré peu à peu, et lui continuait de divaguer. Lorsqu'elle s'était réveillée, il tentait d'expliquer la théorie des cordes à une puce de sable. Lorsqu'il se lançait dans ses explications scientifiques, c'était une migraine immédiate. Ses connaissances en biologie, en astronomie et même en physique quantique étaient pour le moins impressionnantes, mais son zèle avait tendance à tout ruiner. Aaron, il commençait par l'éclairer sur l'expansion de l'univers en dessinant des galaxies sur un ballon de baudruche, et c'était mignon. Il finissait par retracer l'intégralité des mutations et migrations ayant mené à l'apparition des crevettes grises en Europe, et ça devenait vraiment lourd. De petites revanches pouvaient être prises en le questionnant sur la date de découverte de l'Amérique, qui lui clouait généralement le bec. Il ne supportait pas d'étudier le passé de l'humanité, c'était complexe et ça ne le concernait pas. Beaucoup trop d'inconnus qui y vivaient bien trop de choses.

∆ ∆ ∆
C'était bientôt la fin de son voyage. Elle se pensait amoureuse, elle se voulait triste. Elle était sur le point de fondre en de lourdes larmes. Et il était était en train de nonchalamment vérifier l'état de ses dérives. Elle s'était foutue en rogne, il avait mollement balayé ses reproches d'un revers de la main. Elle l'avait giflé. Il se massait la joue. L'esprit des îles, ç'avait beau être rafraîchissant, reposant, c'en devenait maladif chez Aaron. Il n'hésitait par ailleurs pas à faire appel à d'obscures raisons médicales pour justifier son manque absolu de réaction et son flegme naturel. Prétendait souffrir d'ataraxie. Une pseudo-condition qui l'empêcherait physiquement de ressentir la moindre inquiétude. Les jolies oeillères de l'effusion des sentiments tout nouveaux venaient de tomber, et elle ne pouvait plus supporter ce regard morne. Elle stressait de son absence de stress.
Fort heureusement, un avion la ramenait d'où elle venait quelques jours plus tard. Elle s'en était voulue de l'avoir engueulé, elle avait laissé des larmes chaudes se mêler à ses baisers d'adieux passionnés, avec en tête la douce illusion qu'il s'y trouvait aussi un peu de ses sécrétions lacrymales à lui. Il n'en était rien. Elle avait promis qu'elle écrirait. Il avait répondu qu'il lirait. Techniquement, c'était la version la plus proche de la vérité qu'il pouvait laisser couler sans se manger une autre tarte. Il les avait lues, les lettres qui étaient arrivées par la suite. Il n'avait simplement jamais répondu. Il y avait toujours mieux à faire, un coup de pêche qui s'organisait, une vague à attraper. Ce n'était ni la première ni la dernière qui venait remplir les tiroirs de son bureau. Des missives sans réponses s'y entassaient, et ce depuis sa plus tendre enfance. Ce n'était pas une volonté de nuire, ce n'était pas un manque de sociabilité. Il avait sincèrement passé de bons moments avec ces personnes-là, du gamin avec qui il avait appris à grimper aux cocotiers parti étudier à l'étranger jusqu'à la nana qui s'était accroché à son cou un mois durant. Mais ils étaient partis. Ces moments s'étaient évanouis, avaient muté en de jolis souvenirs sur lesquels il n'aimait pas pour autant s'attarder.
Sa capacité de concentration de bulot le poussant à profiter des instants immédiats éloigne autant les personnes de son coeur que de son regard. Aaron ne correspond pas. Aaron ne s'attache pas, pas vraiment. Pas le temps, y'a un beau rouleau qui arrive, là.

métamorphose en crustacés
Aaron est juste gaga de son don.
Rendez-vous compte. Être une langouste, c'est plonger à 70m sans bouteille d'oxygène. C'est aller se fourrer dans des anfractuosités du récif dans lesquelles un grand pataud d'humain rentre à peine le pouce. C'est aussi risquer de finir assommé, refroidi, bouilli puis servi décortiqué sur un lit de salade de riz, mais ça, on évitera d'y penser.
Il utilise constamment son don et est parvenu d'instinct à une excellente maîtrise. Dans les 90%, dirons-nous.
Si la transformation en crevette et compagnie lui vient tout naturellement, le retour à la bipédie lui pose parfois quelques soucis, inconvénients implacables du don et résultats d'une utilisation beaucoup trop fréquente de celui-ci. Aussi n'est-il pas rare de le voir se balader en crabe dans les couloirs, crisser des mâchoires en cherchant ses antennes ou oublier l'utilité de ses pouces opposables.

ELEM C'est bizarre de poser son cul sur les thunes que d'autres ont gagné pour péter plus haut que ses camarades.
SPE C'est fun d'avoir des dons un peu barrés. ET UN BATEAU.
PHY C'est cool de faire la fête et de profiter des jours qui passent.
PSY C'est con de rester enfermé et coincé du boule quand il y a tant de choses à voir.

Il y a ce quelque chose que l'on ne remarque pas vraiment chez Aaron. Comme un manque. C'est une lueur éteinte dans ses yeux, un souffle arythmique dans sa respiration qui lui donne cet air de plante arrachée dont on aurait fourré les racines assoiffées dans un pot en plastique. Il a cette aura d'animal déporté, hagard, cette présence paralogique et vaporeuse. Une absence dans ses discours qui passe pour naturelle, à laquelle on s'habitue rapidement à l'aide de toutes les raisons évidentes ; guère qu'un hippie, la tête ailleurs, stone vingt-quatre heures par jour. Aaron n'est pas vraiment là, ça se voit. On l'imagine dans les nuages lorsqu'il est aux antipodes.

Respire.
Respire.
Respire.
J'ai jamais aimé émerger. Gamin déjà, mon défi le plus récurrent était de rester agrippé à un rocher, de me concentrer sur la danse lente des anémones dans le courant jusqu'à ce que ça brûle, que ça arrache. Il paraît que l'on ne peut pas se noyer tranquillement. Les statistiques disent même qu'il s'agit de l'une des morts les plus atroces, l'une des agonies les plus lentes. Je me demande bien qui participent à ces débats. Est-ce qu'il y a des groupes de test pour déterminer quelle est la façon la plus désagréable de quitter sa vie ? Se contente-on des témoignages des miraculés qui ont frôlé-la-mort-mais-pas-tout-à-fait ? S'il m'arrivait de crever, je doute que mon esprit critique fonctionne à cent pour-cent de ses capacités. Ça paraît un peu stupide, de juger des valeurs aussi subjectives. Quiconque a frôlé la mort considèrera que son cas est exceptionnel et ses circonstances horribles. L'humain est ainsi fait. Bon sang, même la ménagère moyenne saurait vous raconter comme elle a dû plonger la main dans son robot hacheur un jour, et est encore traumatisée de l'expérience bien qu'elle n'y ait rien perdu d'autre qu'un steak de boeuf et un morceau de dignité. Ça extrapole, ça hyperbole. Il faut toujours avoir vécu pire que ton voisin, entrer dans la ronde malsaine du concours de l'anecdote qui marquera mieux les esprits. À bien y réfléchir, je doute que l'idée de me ramasser une balle dans le front soit vraiment plus rassurante qu'une noyade. Ça ne me dérangerait pas vraiment, de laisser partir mon dernier souffle sous l'eau. Il y a quelque chose de serein dans les fonds marins. Ce n'est pas pour rien que l'on parle d'ivresse des profondeurs ; et je doute sincèrement du potentiel de l'ivresse des incendies. J'en ai souffert il y a quelques années. De celle des profondeurs, entendons-nous. C'est une grande frayeur. Pas tant pour celui qui en est atteint que pour son entourage. Je ne m'en souviens pas vraiment. La scène s'est reconstituée de façon très approximative à l'aide de témoignages, de ce que j'éprouve encore aujourd'hui. On a tous ce réflexe qui conduit à la noyade. Ce besoin d'insuffler. Ce manque d'oxygène qui te cloue la trachée, qui te fait tourner le crâne et le monde jusqu'à ce que tu remontes à l'air libre, avec de petits hoquets qui laissent l'eau prendre possession de tes narines et tes poumons. L'ivresse des profondeurs ? C'est oublier ça, s'oublier soi. C'est ce moment où les sensations prennent le pas sur l'instinct le plus basique de la planète : survivre. C'est probablement complexe à visualiser. Difficile à imaginer. Mais lorsqu'il y a ce foisonnement de vie qui t'entoure ; ces centaines de poissons tournoyant au-dessus de ton crâne et les coraux qui laissent filtrer quelques rayons du soleil et les tâches de lumière qui dansent sur le fond sableux et le récif qui semble se mouvoir de tant d'activité et les anfractuosités dans lesquelles tu devines mille secrets et le moindre mouvement qui attire ton regard car ce qui fait la beauté de cet instant c'est toi qui le décide, et ce n'est à personne d'autre de remarquer le léger renflement dans le fond qui trahit l'oeil de la raie camouflée et les demoiselles qui s'enfuient à ton approche et le bruit distinct du perroquet qui bécote la patate et la panique caractéristique de la seiche minuscule qui dégage à reculons. Lorsque cet univers t'entoure tout entier ? À ce moment-là tout devient plausible. C'en serait presque logique d'en oublier de respirer. C'est pas un poids de béton attaché à tes chevilles, ni une main meurtrière qui fait pression sur ta nuque. C'est un départ tranquille. Une syncope qui survient comme on composterait un ticket de train. En vérité ? On peut tout à fait se noyer tranquillement. Le monde raconte des conneries. Tu ne crèveras pas paisiblement d'un débranchement rapide ou d'un train sur la gueule. Les prisons les plus persuasives sont celles dont tu n'as pas envie de t'échapper ; et une expérience de presque-mort-mais-pas-vraiment-quand-même n'est pas nécessairement traumatisante. Lorsque les dernières bulles de tes poumons s'échappent lentement vers la surface, la magie environnante réside probablement en grande partie dans le silence absolu qui t'enveloppe. Il y a quelque chose de sublime dans la perte de conscience, un voile cotonneux qui se dépose sur tout le reste, qui te laisse sombrer peu à peu dans un vide intersidéral. Un truc très beau. Très calme. Lorsque tu as perdu l'envie de remonter, il n'y a pas d'horreur à raconter, plus de témoignage à confier en tremblant. Probablement la raison pour laquelle je ne parviens jamais à remporter les débats de rescapés.

Ma chance à moi a un nom. On n'était guère que des gamins, à peine quinze ans et encore partiellement dans les jupons de maman ; mais on avait déjà passé plus de temps dans l'océan que sur les bancs d'école. Il a suffit à Keith de me voir flotter entre deux eaux pour me remonter et m'embarquer d'urgence à l'hôpital. Il m'avait raconté une seule fois comme il avait dû pagayer comme un malade pour nous ramener à la côte, à quel point je pouvais être lourd et le camion de transport de poulets qu'il avait dû arrêter en panique pour m'y jeter et sommer le conducteur de tracer jusqu'aux urgences. L'aventure semblait épique malgré le poids mort de mon inconscience et on avait tous les deux ri très fort pour camoufler nos sourires mi-figue mi-raisin. C'est devenu une de ces anecdotes qu'on enfouit quelque part. Une histoire qui scelle à jamais quelque chose, que l'on garde planquée mais jamais très loin. Pour ce que j'en sais, c'est probablement l'une des seules péripéties de notre enfance dont il ne fait pas l'éloge sur son curriculum vitae. Ça m'arrange un peu, pour le rôle pitoyable que j'ai à y jouer. L'affaire avait été réglée aussi rapidement que nos bouches s'étaient cousues. Tantes et tout le tintouin -la quasi intégralité du côté féminin de la famille, à vrai dire- ont certainement provoqué quelques ulcères chez le personnel hospitalier de l'île. Les draps n'étaient pas assez propres, une évacuation sanitaire était sans doute préférable, cette télé là c'est pas mauvais pour la santé ? vous savez on a cette recette dans la tribu depuis plusieurs dizaines d'années, je ne peux même pas lui apporter les goyaves de la station de mémé, ce sont ses préférées ? Deux jours dans un lit d'hôpital, une foire. Des cousins étaient même montés de Port-Vila ; mais rien n'a jamais valu le sourire de Pélagie à mon réveil. Pélagie. Est-ce que vous imaginez ce que c'est de se trimbaler avec une telle étiquette, surtout quand on est jeune ? La période grande poésie française d'un tonton marié à une expatriée. Il faut reconnaître qu'en dépit de toutes les emmerdes que son prénom lui aura valu, elle lui doit peut-être un peu. Elle se bat avec la rage des pauvres gosses qui ont décidé de s'en sortir. Elle est particulièrement brillante et a du caractère à revendre. Fort heureusement, car tout le monde se fout bien de sa poire à chaque fois qu'on utilise son nom. La chance veut qu'elle ait du répondant et qu'elle a vite fait de mettre au pas tous ces crétins. Pélagie et ses quatorze ans de vie tremblotants. Pélagie comme un mot qui surprend, qu'on ne s'attend pas à prononcer, par pour de vrai. Pélagie la cousine qui vivote entre mes pattes depuis sa naissance. Cinq ans de moins que moi et tellement de rires de plus. Elle passe plus de temps dans les couloirs aseptisés qui me font flipper qu'on ne le voudrait, Pélagie. C'est un truc un peu débile, un problème immunitaire, quelque chose avec lequel on vit mais pas trop non plus. Elle ne guérit jamais tout à fait mais ça ne la touche pas, ça ne la touche plus. Elle dit qu'elle respire et que ça lui suffit, qu'il y a des gens plus malchanceux. En tournant ses grands yeux de gamine émerveillée vers les nuages galopants, elle te déballe ses sagesses de condamnés. Quatorze ans et aujourd'hui Pélagie t'explique qu'il faut regarder avec attention, parce qu'il y a trop de nombrils dans le monde qui enfermés sur leur crasse ne parviennent plus à voir ce qui les entoure et que ces personnes doivent être bien tristes. Pélagie comme un uppercut droit dans tes convictions.

Je prétends généralement être rebuté par l'odeur de désinfectant imprégnée jusque dans le béton des hôpitaux. Pas que la mort flottant dans les couloirs ou la misère de la condition humaine me frustrent particulièrement, mais les portes entrouvertes comme les rideaux de la scène d'un spectacle de misère appelant au voyeurisme et à la pitié m'ont toujours privé de mon aise. Il existe probablement un terme exprimant la peur des handicaps, la trouille d'un lit auquel il faudrait rester cloué, mais je n'y suis pas familier. De nombreuses raisons psycho-quoi-que-ce-soit ont sans doute aussi été trouvées depuis belle lurette ; ceci dit l'idée ne m'a jamais empêché de trouver le sommeil ni de participer aux courses de caddies organisées par Keith dans les descentes de bitume les plus vertigineuses de l'île. Ce n'est pas vraiment une appréhension. Plutôt une crainte sourde et profonde qui ressurgit de temps à autre, face à des malchanceux ou suite à un événement un peu trop chaud. Lorsque l'adrénaline survient, je doute que qui que ce soit ne parvienne à se retenir, peu importe ses frayeurs originelles. Le danger a ce masque de séduction que l'on a irrépréssiblement envie d'embrasser à pleine bouche. Rien ne fait battre un coeur comme l'extrémité d'une rampe, la fermeture d'un rouleau, la fraction de seconde du point culminant d'un saut. Il y a cette éventualité de se planter, d'en souffrir, qui peut te nouer l'estomac juste avant ou te faire dégobiller juste après. Mais le moment. Ce moment où rien ne compte d'autre que l'électricité irriguant ton système nerveux d'un million d'excitations, ce moment où tes organes, ton squelette ébranlé se moulent en une seule et même entité. Cet indescriptible instant où tu peux sentir ton équilibre vaciller, ton poids basculer, le monde tourner. La glisse fait mieux vivre que tous les sauts à l'élastique du monde. Découvrir chaque pore de ta peau, t'éparpiller en mille morceaux l'espace d'un souffle et puis revenir en un corps tremblant, entier, puant, choqué encore et pas tout à fait conscient de ce qui vient de se dérouler. Ouais, j'ai une peur bleue des chaises roulantes et des pilules pour le sommeil ; ça ne m'empêchera pas de continuer. Pas besoin d'avis professionnel pour savoir que c'est par anticipation des moyens dont je pourrais être privé. La possibilité de vivre comme je le fais. Ce serait laisser une frustration irrationnelle et fictive prendre le pas sur mes volontés vraies, s'enfermer dans une boucle de refus craintifs. Moins d'une semaine après l'accident de mes quinze ans, j'étais à nouveau accroché au tombant du récif. Il faut dire qu'on n'arrêtait jamais vraiment. Le lagon et la forêt environnante étaient nos supermarchés. Au coucher, mémé passait les commandes nécessaires à ses carry de crabe, ses ragoûts de roussettes -elle persiste à m'envoyer des achards tous les mois. Il y a ces traditions millénaires, cette saveur dans l'air que je ne parviendrai jamais à vraiment décrire. Les plongées sur la fierté de notre pays, les visites à Port-Vila et ses airs de ville presque civilisée, les gamins qui dévalent les pentes accidentées du volcan, les champs de cannes abandonnés, les vieux parlant de choses anciennes et sages à la faveur de l'ombre du nakamal, les jeux dans les branches de flamboyants. C'est pas un pays que l'on quitte de plein gré.

Il avait suffit d'une seconde. Un reflet dans les remous, une bouteille qui flottait ou dieu sait quoi d'autre. Mon attention s'était portée ailleurs le temps d'une pensée, et tout était sens dessus dessous. Mes genoux qui flanchent, la planche qui dégage, la violence du choc. On s'attend toujours à ce que soit plus doux qu'une chute sur le béton du skate parc, et c'est loin d'être le cas. Lorsque les roues se dérobent à tes pieds et que tu te retrouves soudainement le cul par terre, c'est douloureux, bien entendu. Mais le sol ne t'emmènera nulle part, tu n'as plus qu'à te relever. Surfer à proximité d'un récif rend les choses plus compliquées. Tu ne sauras jamais ce qui est allé de travers, mais en une fraction de réflexion te voilà roulé, emprisonné, étouffé. Il n'y a plus de haut plus d'horizon plus de cerveau, juste les coraux qui te râpent le dos avec autant de facilité qu'un couteau de boucher. Lutte et crève. Des réflexes pareils, ça ne s'invente pas, ça se forge à l'habitude. Ce n'était ni la première ni la dernière des vagues à me retourner. Se recroqueviller, protéger les membres et le crâne, garder son souffle et sa force. Souffle, force, souffle, souffle, air. Il y a ce combat entre tes poumons qui hurlent leur douleur et la violence des tourbillons qui t'entourent. Tu luttes, tu crèves. Subis. Garde ton oxygène. Attends l'entracte. Le calme précédant l'onde suivante où tu pourras reprendre ta respiration et tes esprits. Des secondes qui passent comme des millénaires. Je savais comment faire. Ç'a beau ne jamais devenir agréable, on gagne en calme. C'était une chute comme j'en avais déjà vécu des dizaines, des centaines. Ça courait dans mes veines. J'étais presque aussi confiant en sombrant qu'en me redressant, et j'ai appris à mes dépens les méfaits des habitudes d'un danger. Peu importe le nombre de fois où l'on se croûte, rien ne nous prépare jamais tout à fait. L'océan est là pour te le rappeler. Ma nuque n'a pas vraiment apprécié la piqûre lorsque je me suis pris un rocher de plein fouet. Il suffit d'une seconde, il suffit d'un choc bien placé. J'ai perdu conscience sur le coup. C'était à quelques centaines de mètres de la passe Guichen. C'était à peine plus d'un an après ma syncope. J'ai disparu trois heures durant. Aujourd'hui encore, j'ose à peine imaginer les conséquences. Trois heures suffisent amplement pour prévenir l'intégralité de ma famille, pour s'acharner dans de vaines recherches, pour s'attacher désespérément à l'idée que peut-être, un corps au moins fera surface. Trois heures pour laisser tout un cercle d'humanité, un pan entier bien qu'infime de l'univers s'effondrer. Trois heures d'inconscience à l'ombre d'un montipora. Je n'étais pas bien loin de mon point critique, en vérité. Quiconque aurait un minimum de connaissance des courants et du va-et-vient incessant des hautes lames qui viennent se briser sur la barrière aurait pu facilement en déduire mon emplacement à, quoi. Quelques dizaines de mètres près ? La profondeur n'était pas suffisante pour que la marée affecte ma dérive. J'avais échoué non loin de la plate avec laquelle on était venus, mais on ne m'a pas retrouvé. Sans doute le seul inconvénient au miracle de la nature qui m'a sauvé ce jour-là : les inquiétudes engendrées. Il m'a fallu un moment pour capter. Lorsque j'ai repris mes esprits, j'avais simplement le visage à moitié enfoui dans le sable, les membres engourdis et les sens vraiment alternés. Ma vue était brouillée, mon toucher à vif ; chacun des grains qui m'entourait perçait mes nerfs à fleur de peau. Quelques secondes dans le brouillard, puis j'ai paniqué. La débandade dans tout mon être, j'ai forcé comme un malade, gesticulant, soulevant une tonne de sable, jusqu'à finalement me dégager du coin où j'étais fourré pour rejoindre la surface. Aucune inspiration n'a jamais été aussi agréable que celle-là -bien qu'il ait fallu passer la minute qui suivait à cracher mes poumons avec la force d'un cancéreux. Je n'étais aucunement conscient du temps passé et me suis juste pensé chanceux de m'être éveillé avant qu'il ne soit trop tard. Mais ma planche avait disparu. La plate aussi. Est-ce que j'avais dérivé à ce point ? Absolument pas ; le rayon des recherches s'était élargi. Il m'a fallu nager un bon moment vers la côte avant d'être repêché par un zodiac minuscule, des gars d'une tribu qui étaient venus aider. Ils n'en croyaient pas leurs yeux. L'un d'eux s'est jeté à mes pieds, les autres gueulaient au miracle. L'effervescence qui a suivi était comme un rêve. Les pleurs, les cris, les prières et les rires. Les hypothèses plus tordues les unes que les autres, les croyances qui s'en mêlaient. Tout me paraissait complètement aberrant, mais il fallait bien se rendre à l'évidence. J'avais passé trois heures sous l'eau comme trois secondes. J'ai dormi d'un sommeil de plomb, ce soir-là, tandis que dans la pièce voisine mes tantes persistaient à préparer des offrandes pour remercier les divinités de la mer qui avaient par deux fois déjà épargné mon existence.

Il s'est avéré que les dieux n'avaient strictement rien à voir avec mon salut. Le lendemain de l'accident, un journaliste de Port-Vila était à notre porte. Il eut beau insister, je n'avais pas grand-chose à partager avec son bloc-notes. Le type était un acharné, mais heh. À quoi bon enjoliver la réalité. Personne n'avait la moindre idée de ce qui avait bien pu se passer. Personne si ce n'est le gars qui s'est pointé après que le pauvre reporter soit reparti bredouille. Il avait un costard un peu rapiécé, une paire de lunettes qui tenait mal sur son nez. Il les remontait constamment de l'index droit, après avoir épongé la sueur sur son front d'un mouchoir brodé. Un coup d'oeil suffisait amplement pour deviner qu'il n'était pas dans le coin depuis bien longtemps. Malgré les grommellements qui l'avaient accueilli, il ne s'était pas découragé et au prix de gros efforts, était parvenu à se débarrasser de l'ensemble de la maisonnée à l'exception de mes parents et moi. La discussion qui avait suivi avait fait hurler ma mère de scepticisme et grogner mon père de mécontentement. À vrai dire, Mr. Smith, responsable des relations externes de Flakes, avait même été contraint de rester sur notre île de Santo pour la nuit. Votre fils a survécu à une immersion de trois heures car il est parvenu à se métamorphoser en langouste. Mais ne vous inquiétez pas, c'est plus ou moins courant et nous pouvons l'accueillir dans un établissement spécialisé. Il faut avouer que l'hypothèse du miracle gagnait en conviction, après ce genre de déclaration. Ce n'est que le lendemain qu'il est finalement parvenu à nous persuader du bien-fondé de sa visite, en déclenchant mon don à l'aide du sien. Une fois ma mère convaincue qu'il s'agissait de la vérité et non d'une sorcellerie -Smith a dû se bouffer plus de coups de palme de cocotier qu'il n'en faut pour toute une vie, ce jour-là- et l'ensemble des détails administratifs survolés, il s'en est retourné à Sidney. Moins d'un mois plus tard, j'y débarquais. Flakes était à échelle du pays dans laquelle elle se trouvait : continentale. L'école se targuait d'accueillir l'ensemble des étudiants dotés de pouvoirs du Pacifique -il existait bien une école en Nouvelle-Zélande, mais ils avaient décidé de s'ignorer mutuellement. L'ambiance y était tranquille, presque flegmatique. On y était bien. Keith était arrivé quelques semaines à peine après que j'y sois installé. Ça ne nous étonnait pas vraiment. Même un aspect complètement déluré du monde que l'on n'aurait jamais pu imaginer ne pouvait pas nous séparer. Deux ans sont passés à la vitesse de la marée montante. Je prenais un plaisir indicible à découvrir le don dont la nature m'avait doté, ses limites, ses secrets. Notre cursus touchait à sa fin. On l'aurait atteinte sans grandes encombres si ce n'était pour l'accident de trop. Ce qu'on avait pris pour un connaisseur généreux s'était avéré n'être qu'un arnaquer cherchant à se débarrasser d'une came pourrie. En lieu et place du voyage spirituel et des animaux totem promis, le trip le plus monstrueusement mauvais de notre existence avait conduit à la destruction d'une salle de classe. Les dégâts que l'on avait causés jusque là étaient plus ou moins mineurs, mais cette soirée-là avait suffi à faire siffler la direction en bouilloire enragée. Au petit matin, on était tous deux virés -et Keith se voyait octroyer un bracelet de protection mieux sécurisé. Quelques semaines à peine avant l'examen final, voilà qu'on se trouvait envoyés en Irlande. En Irlande. Il a fallu investir dans des pulls en laine. Ce qui était, après réflexion, bien vu. On ne réussit pas un examen que l'on n'a pas passé -je dormais- et une neuvième année -notre troisième, en vrai- nous est arrivée sur la gueule avec la délicatesse d'un iceberg motorisé.

Il y a quelque chose que l'on ne remarque pas vraiment chez Aaron ; un rayon de soleil au creux de l'abdomen.

capri
vieille femelle
tsunami jousuke —inazuma eleven
dc —freyja t. westernlund
cf. freyja


Dernière édition par Aaron Hamariliu le Mar 2 Oct - 20:38, édité 21 fois
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Luce Dell'Elce
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il sent bon le sable chaud Vide
MessageSujet: Re: il sent bon le sable chaud   il sent bon le sable chaud Icon_minitimeDim 19 Aoû - 0:50

Bonsoir,
Un peu timide, un peu renfermé, mais peut-être qu'il aime bien, sur le moment, partager les sensations qu'il perçoit lorsqu'il glisse sur une vague. L'odeur de l'écume, les gouttes sur sa peau, le bruit du rouleau... Illusion sensorielle. Sinon, un petit contrôle des odeurs pour partager à plus grande échelle les connaissances marines de son nez. Et ça sonne un peu useless et à côté de la plaque. Un peu comme lui, quoi.
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Scarlett A. Reed
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MessageSujet: Re: il sent bon le sable chaud   il sent bon le sable chaud Icon_minitimeLun 20 Aoû - 0:19

Hop, suite à une demande de troisième choix de la demoiselle (ou ici du monsieur), je viens donc proposer la transformation en crustacés parce que c'est pas tous les jours qu'on peut refourguer un don pareil à quelqu'un de bonne volonté.
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Aaron Hamariliu
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MessageSujet: Re: il sent bon le sable chaud   il sent bon le sable chaud Icon_minitimeLun 20 Aoû - 4:30

WOOP WOOP merci de vous être occupées de mon cassos ♥
Ce sera donc la métamorphose en crustacés.

il sent bon le sable chaud Tumblr_m8zmsqUDPo1r3zavwo5_250


EDIT C'EST LE JOUR FATIDIQUE non, errhm, il me faudrait un petit délai pour l'histoire du vanuatais bitte ;;
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Pavel Němec
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MessageSujet: Re: il sent bon le sable chaud   il sent bon le sable chaud Icon_minitimeDim 2 Sep - 9:19

*pokepoke* Relance habituelle, tu veux un autre délai ? Je peux mettre cette fiche dans celles en attente, si besoin.
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Freyja T. Westernlund
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MessageSujet: Re: il sent bon le sable chaud   il sent bon le sable chaud Icon_minitimeLun 3 Sep - 22:13

Comment je collectionne les modos sur cette fiche. MON POKÉDEX SERA BIENTÔT COMPLET.
Donc, erm. Je me fais toute petite pour dire que oui, ce serait bien d'archiver cette fiche. Pas longtemps, simplement avec des sujets importants pour l'évolution de Freyja qui m'arrivent dans la face et la MÀJ, je vais mettre mon sauvage des îles de côté pour quelques jours. Merci ♥
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Camélia Walter
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Camélia Walter

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MessageSujet: Re: il sent bon le sable chaud   il sent bon le sable chaud Icon_minitimeMar 2 Oct - 20:44

Aaron, je te love. Zora t'offre une carte du ciel, mais t'sais en faite, elle veut pas que tu repartes dans tes étoiles.

Et bah, Validé Oh oh oh , va donc traumatiser les psy dans leur aquarium et faire la chasse au sac plastique !
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MessageSujet: Re: il sent bon le sable chaud   il sent bon le sable chaud Icon_minitime

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