▬ Viens avec moi à New York, et je ferais de toi une femme heureuse.

C'était sur ces mots que Wayne avait terminé ses études à Aisling. Maitrisant tant bien que mal son don, il éprouvait une certaine nostalgie à laisser tout cela derrière lui. Les longues conversations sur l'amour avec Pourpre, le rire d'Omaha lorsque elle l'écoutait chanter, les sorties avec Harley où il la regardait d'un air désespéré mettre la main aux fesses d'une jolie fille qu'il avait repéré, regarder Swag défoncé se prendre pour une mouette... Et surtout elle. Celle qui lui tenait le plus à coeur et dont il ne pouvait plus se séparer. Celle qui lui apportait le soleil d'Arabie, sa chevelure blonde qui illuminait les rayons, sa peau douce comme le sable de ses déserts.
Mohsen.
Il savait qu'il lui demandait ainsi de vivre une vie de chef de gang à ses côtés, de connaitre le luxe d'avoir New York à ses pieds, mais également la peur, celle qui bouffe et prend aux tripes, celle à qui il faut tirer une balle en plein coeur lorsque tes doigts sont sur la gachette, que tu perds toute humanité alors qu'il supplie pour sa vie.
Ce bonheur de fric et de sang.
Mais qu'il voulait lui offrir et partager avec elle.

Et au pire, si Adriel n'était pas d'accord, il lui casserait la gueule. Dans le soleil de juin, ce serait un beau tableau.

♕

▬ J'te dis, c'est le coup du siècle, Birdie est avec nous. Il est prêt à sortir le top pour qu'on y arrive. Ce mec, c'est un camé, un pourri. Il fait des crasses aux meufs du tiéquar, braque les vieux, essaye de faire sa loi alors qu'il est tombé pendant que Justin Timberlake ressemblait encore à un caniche peroxydé. Wayne, c'est de l'or en barre, cette fois.

Vince cracha à terre.
L'ex camé.

▬ Je sais que c'est Terry. Que c'est le chef. Mais merde Wayne, tu le sais, tu sais bien tout ce qu'il a fait, ce bâtard ! Chope le, Wayne, et démonte le, tue le, donne lui un aller simple en Enfer pour qu'il crève de toutes ses pourritures !

Et il s'écroula à terre.
Vince, l'ex camé. Mais aussi, le mec qui a subi l'horreur à onze ans, le pire, l'arrachant brusquement des bras de l'enfance. Souillé, brisé, tordu en petits morceaux du plus profond de lui même, par un monstre sans conscience, sans coeur, sans âme, ne pensant qu'à lui, son plaisir, cette sensation brûlante au creux de de son corps, qu'il devait abattre sous les va et vient. "T'as un joli p'tit cul, dis donc", avait t il dit avant de partir dans un grand rire, laissant un gosse en larmes, terrorisé, perdu derrière lui.
Terry, le camé qui avait osé prendre Vince alors qu'il était encore enfant.
Terry, le mec qui avait tout appris à Wayne. Son prédecesseur. L'ex chef de gang.
Terry, le mec qui Wayne avait toujours voulu tuer.

Il se releva, rejettant un nuage de fumée du bout de sa Gitane. Puis, doucement, s'approcha de Vince, et posa une main sombre, large sur son épaule. Il avait toujours été faible, Vince. Ce gringalet chinois avec son corps trop mince, au charme androgyne, miné par la poudre. Mais ses yeux reflétaient toujours la beauté du reflet de ce gamin, pourtant brisé, au travers des larmes. Ses lèvres se resserèrent, et rapidement, il passa ses bras autour de la maigre carcasse de Vince.

▬ T'en fais pas Vince. C'est bientôt la fin.

♕

Wayne Milagro Parker et Mohsen Kewkeb Ljubomir. Deux noms qui faisaient trembler New York, au plus haut de ses tours.
A son retour, il avait été accueilli comme un roi. Plusieurs jours de fête. Tarek avait bien essayé de choper Mohsen en lui parlant du désert, par des vieux sourires et des compliments foireux - sous les sourcils froncés de Wayne -, mais voilà, Tarek faut lui dire qu'avec sa gueule de pervers à la Kheiron c'est mort, surtout quand on s'attaque à cette guerrière des sables qui vous rembarre à grand cris de "T'ES QU'UN BOUFFON VAZI NIQUE TA RACE DE TA MEME J'SUIS UN GANGSTER MOI WALLAH AIIIGHT" et à coups de poings - et pourtant la terre entière sait que la mémé de Tarek faut pas l'insulter, elle lui fait du couscous tous les dimanche pendant que pépé récite le Coran, alors Tarek, il est bien gentil de pas taper Mohsen.
Et ils menaient la grande vie.
A ne plus voir le bout de la nuit dans la musique qui déchiraient leurs oreilles, dans les hôtels luxueux où ils passaient les meubles par la fenêtre, dans les rues illuminées où ils gueulaient en ce tenant par le bras, dans les courses folles où ils riaient comme des déments main dans la main à fuir les autres, dans les virées en voiture dans les beaux quartiers les cheveux aux vent, qui faisaient tant rêver Wayne enfant, dans les duels où il se postait devant elle pour la protéger.
Oh, pourvu que ces nuits soient sans fin.

Et ce soir là ils étaient assis sur le balcon du Hilton (parce que mademoiselle tenait absolument à voir la maison de la riche héritière, malgré les vaines explications de Wayne pour lui montrer que ce n'était pas sa maison mais un hôtel), à regarder les lumières de la ville autour d'une bouteille de champagne. Wayne ferma les yeux, savourant un courant d'air frais sur son visage.
Et peut être sa dernière soirée.

▬ Tu sais, ce soir, c'est peut être la dernière fois que je bois du champagne. Terry, ça va être chaud. On va même peut être crever.

Il soupira.

▬ Mais si c'est le cas, on aura une mort digne. Un peu Bonnie and Clyde tavu. Et sinon...

Il tourna sa tête vers la jeune fille ; son coeur eut un raté. Il aurait pu t'écrire des chansons d'amour, te cueillir toutes les fleurs du monde entier, te réciter tout Shakespeare, pour tes yeux bleus océan où se noyaient des anges pressés, Mohsen, il ne voulait pas mourir si c'était pour t'abandonner, il préférait aller en Enfer avec toi plutôt qu'au Paradis seul.
Sa main glissa dans sa poche, tandis que l'autre attrapa doucement les doigts de la blonde. Il hésita. Et sortit une petite boîte.

▬ ... Si on est encore en vie, je jure de tenir ma promesse et de te rendre heureuse. Je suis sûr de moi. Si je vis...

Puis, il se mit à genoux devant elle, tenant toujours sa main et la boite. Dans la rue, en bas, les rires, la musique. On entendait Estelle et Kanye West chanter en arrière plan.
C'était pire que tuer quelqu'un. Jamais il ne s'était autant fait dessus.

▬ Mohsen, accepterais tu de m'épouser ?

Et j'emmerde Adriel et sa gueule de minet.