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Sujet: Damn girl, dry your tears ♠ Luca Ven 19 Aoû - 23:29
ROSE, ELLE A VECU CE QUE VIVENT LES ROSES
Je me souviens très bien de la ferme, au cœur de l’hiver, en ce jour particulier. Je me souviens de ce jour là car je m’étais posée une question importante. La lumière claire de ce soleil, ce soleil traitre qui brille sur les pauvres et les faibles, comme il brille sur les gagnants, avait recouverte l’ensemble de la propriété. Il n’y avait que le bruit des bovins, uniques voisins, pour perturber le silence de la plaine. Ma main s’était étendue, jusqu’au ciel, que je n’avais fait que frôler, mon souffle s’était alourdi considérablement. Les poumons pleins de cet air pur pourtant si vicié, mon bras était retombé. J’étais retombée entière sur la neige, le cœur en banqueroute, la mise perdue, envolée, le flou installé sous les paupières, et dans une dernière vision de l’horizon, j’avais simplement eu la curiosité, l’insatiable envie de savoir. Est-ce que j’étais seule, vraiment seule avec mon problème ?
Des années s’étaient écoulées, retournées, disparues, dans le sablier de ma vie. Je les voyais les coquillages, les coquillages que je trainais à la cheville, la plage qui me poursuivait ; ce n’était en rien une maladie que j’avais, c’était un lieu inconnu. C’était une prison de verre invisible ; j’avais tant cherché à la briser que ses éclats s’étaient enfoncés dans ma peau. Et même si ce n’était pas possible, que ce n’était pas logique, ni bien, ni faux, ni vrai, ni complet mensonge, que cela tenait de la valse comme du tango, j’avais décidé d’en faire ma réalité. Je préférais encore apprendre par cœur la filmographie des pires acteurs de série B, réciter chaque matin la liste des animaux vivants en Amazonie, je l’ai déjà en tête, oui, je veux volontiers vous expliquer le mécanisme de pigmentation corporelle des insectes en détail, dans une langue de votre choix, j’accepterais même de ne plus jamais avoir de don, de revoir venir Piotr, de ne plus jamais poser une question à voix haute, plutôt que de m’injecter une nouvelle seringue dans la peau. C’est douloureux, bordel. C’est douloureux, presque qu’autant que d’être joviale. Tu es joviale une heure. Tu souris une seconde pour faire plaisir au public. Tu joue très bien ta scène mais purée, t’as les organes en charpie. T’as la raison qui s’est fait la malle, tu n’es qu’une machine à miser. Plus tu mises, plus tu sembles heureuse. Parfois tu te leurres. Tu te sens profondément sincère, tu te jettes les fleurs. Tu te manges les épines. Mon dieu, je n’ai pas versé une larme là-bas, ce n’est pas le moment de commencer. Arrête de te repasser la bobine de ta première fois. Arrête de penser, putain. Je suis la fille la plus idiote que je connaisse. J’ai les doigts qui caressent la surface en plastique, j’ai les doigts qui percent la matière, je trempe dedans. Ce n’est pas appétissant. Ce n’est pas un bon gâteau au sucre, avec un glaçage au sucre, parsemé de bonbons de sucre, qui sentent bon ces autres choses aux sucres, les sourires au sucre, les corps en sucre, ce monde en sucre qui s’effrite doucement. Cet univers dont je ne peux croquer qu’une infime partie. Ce plaisir qui se dérobe sous mes dents. Je n’en veux pas de ton insuline. Je n’en prendrais pas. Les fleurs les plus laides peuvent mourir par envie de liberté. Je n’ai plus envie de me tendre vers la lumière. Laissez-moi être triste, seule et amoureuse de rien dans le noir de ce jour qui n’en finit pas de mourir. Je continue à faire comme si de rien n’était en cours. Je continue la représentation, calmement, posément. Non, vous qui valez si cher, vous qui coutez à tort, ne vous faites pas interpeller par la blonde du premier rang. Je veux bien levez le doigt mais pas parler de moi ; je te commenterais la carte des philippines, mais ne me parle pas d’insuline, surtout, pas de doigts sur mes problèmes, pas de pied, pas de carpe diem non plus. Je n’ai pas pris mes médicaments je suis de mauvaise humeur. Je n’ai pas pris mes pincettes non plus. Les heures de cours tombent une à une dans les oubliettes de ma mémoire. Ca monte, qu’est-ce que ça monte, la tristesse comme des décharges d’adrénaline, de l’alcool imaginaire, de la tristesse en petite dose, toute douce, un morceau de piano qui égrène ses notes jusqu’à la fin de la partition. La nuit tombe aussi. La nuit tombe et la pièce est sur le point de s’achever. Mes pieds esquissent un dernier quadrille sur les marches qui mènent au cinquième. Au balcon. Quelle mauvaise blague, bordel. Roxanne attendant Cyrano. Roxanne n’avait pas une saloperie accroché à son existence, elle n’avait pas besoin de rose, elle était rose, la plus jolie du jardin. Je tiens du lierre, de la cigüe et de l’héliotrope, sans la beauté d’aucune. Je m’assoie au bord du balcon. Je repasse ce jour d’hiver, la pellicule jaunie se dévidant lentement. En moins bien. Cet ersatz de soleil qu’est là lune brille pareil. Pour les folles et les dégénérés, pour les camés et les droguées, pour les fleurs et les arbres morts. L’air chaud se glace aussi pour une seconde. Je ne tends plus la main. Je toussote. Idiote. Pense à eux. Pense à eux que tu as enivrés par tes bêtises. Des gens très bien, des moments très beaux. Des images à graver dans la pierre et dans le sang. Ils sont doux, chauds, ces mensonges. C’est aussi bien que le sucre. C’est un substitut. Je me souvenais très bien pourtant, j’avais juste oublié la suite. Je suis à Aisling. Je suis à nulle part, au cœur de l’anonymat, et je ne vaux rien. Rien et surement pas le prix que couterait un malaise sur le balcon. Je vais la prendre, cette insuline. Mais cesse de pleurer ma main, cesse de sangloter, je te consolerais. Je prendrais la seringue. Ce n’était qu’un petit moment d’égarement. Une question. Une réponse. Allez, dors ma main. Ne collapse pas entre ma tristesse et mon égoïsme. Tiens donc la seringue. Et si tu ne le peux pas, c’est la fin de nous. C’est un putain de rideau.
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Luca E. Aldena
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Sujet: Re: Damn girl, dry your tears ♠ Luca Mar 23 Aoû - 0:54
In the middle of darkness, there is no one left I can remember.
Des bruits de pas résonnants dans le couloir alors désert à cette heure-ci. Une silhouette vêtue de noir errant sans but, l'esprit ailleurs. Que faisais-tu à cet étage, jeune Luca? Toi qui respectait toujours le règlement intérieur, s'aventurer dans un endroit interdit n'était pas dans tes habitudes. Tu n'avais pourtant aucune idée en tête, et tu n'étais pas du genre à préparer un sale coup. Non, tu étais juste...perdu. Et même si ton visage restait de marbre, tu n'étais pas rassuré. Tu paniquais, au fond. Comme un gosse s'étant trop éloigné de sa mère et qui, en se retournant, se retrouvait au beau milieu d'une foule d'inconnus. Et pourtant, tu étais seul dans cet immense couloir qui te semblait interminable. Derrière tes prunelles d'argent qui paraissaient sans vie, c'est une créature nommée peur qui se terrait, prête à se jeter sur toi à n'importe quel moment, si jamais quelqu'un arrivait. Tu avais toujours été facile à surprendre, facile à effrayer, encore plus quand tu étais seul.
Seul, tu es faible, Luca. Faible. C'est ce que ton père te répétait tout le temps - ta hantise. Tu es faible, comme il y a cinq ans, quand que tu étais allongé sur ce lit d'hôpital, l’œil droit recouvert de bandages, incapable de bouger les jambes. Plus jamais tu ne veux revivre ça. Plus jamais tu ne veux repasser tes nuits à pleurer, à angoisser, à suffoquer, à ne pas pouvoir dormir. Alors tu fuis. Le plus loin possible. Tu te caches derrière le voile de ton silence. Quelle belle mascarade. Enfin de compte, c'est plutôt lâche, ce que tu fais. Mais si ça peut te permettre d'oublier, alors tant mieux. C'est certainement une des raisons pour lesquelles tu te sens si bien à Aisling. Car ici, tu es loin de cette maison qui n'aurait jamais été la tienne, cet endroit où tu n'aurais jamais pu prendre tes marques. Où tu n'étais qu'une simple ombre de ton père. Et ici, tu te sens revivre. Même si Aria te manque, tu as du soutien, et même si tu n'arrives pas forcément à le montrer, tu en es extrêmement reconnaissant.
Dix-neuf heures. La nuit a déjà commencé à tomber, et tu sais pertinemment que tu vas mettre du temps à retrouver ton chemin. Au fond de toi, tu espères que tu y arriveras - tu ne voudrais pas passer la nuit hors de ta chambre, je me trompe? Après tout, certains des surveillants, et des élèves aussi, t'effrayent. Tu n'aimerais pas les croiser au détour d'un couloir. Tu te demandes si quelqu'un s'inquiète pour toi. C'est certes une pensée assez égocentrique, mais une chose t'effraye encore plus que de dormir dans l'obscurité du cinquième étage.
Le fait que tout le monde t'oublie. Ou que tu oublies tout le monde. Que ces visages, ces sourires, ces paroles que tu apprécies tant s’effacent soudainement de ta mémoire.
Et soudainement, tu es tiré hors de tes pensées par une douce lumière - et aussitôt, ton cœur arrête de battre la chamade. Apaisé, comme un enfant qui dort paisiblement sous la lueur de sa veilleuse. Au fond de toi tu le sais, Luca, tu es encore un enfant. Tu n'as pas pu grandir, toi qui restait enfermé dans le cocon protecteur qu'était l'affection de ta défunte mère. Au final, tu ne fais que marcher dans l'ombre des autres. Mais rapidement, ces pensées s'évanouissent, alors que tu avances vers la lumière. Une dernière idée t'effleure l'esprit - est-ce ainsi, quand on meurt? - avant s'effondrer dans les méandres de ta mémoire. Avant de te retrouver dehors.
La lune éclaire d'une lumière blanchâtre une silhouette qui t'est familière. Des cheveux d'un blond pâle, et des yeux d'une teinte oscillant entre le miel et le doré - l'exact opposé des tiens. Malgré ta grande difficulté à retenir les noms, tu te souviens peu à peu du patronyme de la jeune fille. Bethsabée. Ce qui t'intriguait, en revanche, c'était la présence d'une seringue dans la main de la demoiselle. Lentement, tu t'approches, et de tes lèvres s'échappe un murmure.
« ..quelque chose ne va pas? »
Sa main maintient tout juste l'aiguille dans le creux de sa paume. Et pourtant, tu ignores ce que cela signifie. Mais tu sais, au fond de toi, qu'elle ne va pas bien. Que tu dois l'aider. Pour que personne ne soit oublié.
Dernière édition par Luca E. Aldena le Jeu 29 Sep - 22:18, édité 1 fois
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Bethsabée M. Belinski
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Sujet: Re: Damn girl, dry your tears ♠ Luca Mar 23 Aoû - 23:38
Mais elle était du Monde, où les plus belles choses ont le pire destin.
Je ne voyais plus que le flou de mes pensées s’étaler à mes pieds. Les contours avaient disparu et c’était une image indescriptible, taches de couleurs superposés, un peu de rose, un peu de noir, beaucoup de blanc, qui s’imprimaient sur ma rétine. Mes paupières closes m’étaient moins douloureuse, seulement je n’avais jamais été une fille sage. Je ne connaissais pas cette solution qui consiste à laisser de côté. J’embrasse tout, j’étouffe tout, je prends le monde et je l’enserre de mes petits bras, et cette terre qui bat à côté de mon cœur qui meurt me réchauffe. Et cette terre qui grouille, là ou mes yeux abandonnés mouillent, cette terre qui grouille, elle me tire vers le bas de l’ensemble de ses six milliards d’habitants, et cette terre, éphémère, ne veut pas de mon amour. Mon amour, je remue les doigts vers lui, je le sens, idée isolée dans le nuage abstrait de mes sentiments. Il est froid, il crie à l’aide. Mon amour, l’amour monstrueux, l’amour mangeur de l’amour des autres, qui bat dans ma poitrine, dans son pathétisme, m’émeut. Tais-toi, chose infime, ne te débats pas. Ne tend pas ton arc pour lancer une flèche dans le vide ; j’ai appris combien tu étais incapable de viser juste. Disparais, amour mangeur. Je n’ai personne à tenir par une main. Je n’ai personne pour ton appétit, tu vas crever de famine, c’est ton destin depuis toujours. La folie est un voile délicat quand elle vous frôle, une chape d’acier quand elle s’abat sur vous, le saviez-vous ? Je m’agrippe à la seringue pour ne pas sombrer dans mes regrets, cet abysse qui s’étend à mes pieds. Je sursaute à chaque bruissement du vent, je déconnecte, je vais défaillir, je vais me faire avaler entière par cette chose qui me terrorise. Le vide énorme, puissant, prédateur face à sa proie m’attends. Hélas même à cet instant je me demande pourquoi, je me demande comment. Comment une maladie a pu me pousser à atterrir là, sur cette scène vide, à jouer cette scène apocalyptique dont je connais trop bien la fin ? Comment passe-t-on d’aventurière à oiseau mort ? Pardon. Je ne suis pas l’ombre d’un oiseau. Je suis un insecte, un éphémère. Je suis un éphémère et bêtement je bats mon semblant de moi contre mon futur. Je me pose des questions dans le fond mais je me connais trop bien. Je suis médiocre. Je m’aventure pour m’enfoncer dans mon admiration. Humanité, je t’aime. Humanité dans ton entièreté, toi qui génère tant d’affection, tant de constellations dans mon ciel insipide, je te pardonne de ne pas m’avoir doté de la capacité d’inspirer la sympathie. Je résume, une liste des gens qui m’ont fait miroiter des merveilles. Piotr. Pourquoi je continue à penser à lui ? Piotr, ou que tu sois, qui que tu baises, quel que soit la ville minable que tu fréquentes, je tiens à te dire… à te dire que tu valais mieux que moi.
Arrête. Arrête. Je m’étais jurée de ne plus en avoir quoi que ce soit à foutre. Je ferme les yeux à m’en les révulser. Un mot s’affiche dans l’intérieur de mon crane. Incurable. Incurable, Betty, incurable, insurmontable. D’autres lettres commencent à danser, et insuline se met à rimer avec ballerine, Insuline grande dame des désespérée, une bruine de larmes en guise de parure, martèle ma tête incessamment, en me répétant que j’étais condamnée. Etais-ce un suicide ? Ou une minable tentative d’attirer sinon la pitié, au moins une réaction ? Une présence vient adoucir le noir d’un rayon lumineux, d’une lueur inespérée. Sous mes iris, ilots dorée sur une mer de déchirure, sous mes iris pales et troublés se dresse, comme un phare pour une naufragée, une personne. Quoi que non, ce n’est pas une personne. C’est quelqu’un, que je ne reconnais qu’à sa voix. Ah, Luca. Luca Aldena. Tu es comme moi, Luca. Tu poses des questions bêtes. Tes murmures sonnent comme des carillons, parce que tu es italien, je ne l’ai pas oublié. Tu ne m’as pas non plus oublié, puisque tu es là. Alors bienvenue à bord, Luca, dans ma galère.
- Je… je n’arrive plus à injecter mon insuline. Je me sens très faible.
Ce n’est pas le semblant d’un dialogue. C’est un message à caractère informatif que je débite sans l’once d’une émotion, alors qu’à l’intérieur, c’est l’inverse. Le message subjectif de douleur caresse l’intérieur de mes lèvres, et je cède. Pardon Luca. Pardonne-moi d’être un grain de sable particulièrement laid sur la plage étincelante.
- Désolé. Je... veux pas déranger. Je voulais pas déranger alors je me suis mis là, dehors, je me suis dis, je respire mal, mieux vaut de l'air libre, puis j'ai tant de douleur, tant de douleur dans la poitrine, je... je crois que ça s'appelle des troubles de la conscience... je...
Mes phrases se meurent sur le récif de la réalité. Sauve-moi pitié.
Dernière édition par Bethsabée M. Belinski le Dim 18 Sep - 18:25, édité 1 fois
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Luca E. Aldena
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Sujet: Re: Damn girl, dry your tears ♠ Luca Jeu 25 Aoû - 0:34
La première pensée qui te traversa l'esprit te semblait ignoble à première vue. Parce que tu trouvais cela beau. Cette silhouette aux contours dessinés par la lumière de la lune, cette silhouette sombre sur fond d'une lueur éclatante. Tu aurais pu continuer à te laisser bercer par cette étrange vision, jusqu'à ce que les mots prononcés par la jeune fille brisent cruellement le songe dans lequel tu t'étais plongé.
Insuline.
Ce mot te frappe brutalement, comme un coup de poing en pleine figure. Et brise ta réalité peu à peu. Toi qui fuyait. Toi qui voulait échapper à toutes ces visions croisées au détour d'un couloir à l'hôpital. Ce mot, que tu avais déjà entendu dans ce endroit que tu haïssais depuis, plus jamais tu n'aurais cru le rencontrer à nouveau. C'est fou comme de simples lettres mises ensemble peuvent réveiller de douloureux souvenirs. Mais pourtant tu pensais pouvoir te confondre dans ton bonheur actuel, oublier ces ténèbres qui te tiraient en arrière à chaque fois que tes pensées se mettaient à divaguer. Tu pensais que plus personne ne souffrirait. Et peu à peu, tu succombais à cette drogue merveilleuse qu'était l'insouciance. Mais maintenant, c'était différent. Alors que Bethsabée errait dans ses propres phrases, pour finalement s'interrompre brutalement, tu restais là, immobile, si immobile que l'on pourrait presque croire que ton souffle s'était arrêté. Ton regard d'argent se vidait peu à peu, tes mains devenaient moites, alors que le monstre nommé peur s'emparait peu à peu de ton cœur. Ta mémoire s'amuse et se met à transpercer ton esprit avec des images que tu tentais d'enterrer. Qu'est-ce que cela fait, Luca, de savoir que la vie de quelqu'un ne tient qu'à un fil et que tu es le seul à pouvoir la maintenir?
Tu es effrayé, Luca. C'est tout à fait normal, voyons. Mais cette peur te paralyse et ne fait que s'amplifier. Et pourtant, tu veux tendre la main vers elle, attraper la seringue qui détient ce qui pourrait tant soulager la demoiselle. Ton cerveau s'active, donne des ordres à tort et à travers, palabre, mais tes jambes ne réagissent pas. La peur te prend à la gorge et t'empêche de respirer. Tu veux crier, tu ouvres la bouche, le souffle court, mais la plainte reste coincée au fond de ta gorge. Tu pourrais t'enfuir, comme un lâche, mais cela ne ferait que détruire le si fragile équilibre de ton esprit peu à peu. Mais tu ne veux pas l'abandonner. Pas ici. Pas seule. Pas comme ça. Pas à l'agonie. Parce que tu sais ce que cela fait, n'est-ce-pas? D'être là, incapable de bouger, dépendant des autres mais seul. De savoir que tu ne peux rien faire, alors que ta conscience s'endort peu à peu, bercé par une mélodie que seul toi peut entendre.
Et que ton corps s'effondre et se fane dans l'abîme de l'obscurité.
Et finalement, tu retrouves contrôle de ton être. En un instant, tes genoux s'affaissent, sous la pression et la détresse que cette situation t'impose. Mais tu sais ce que tu as à faire. Tu vas l'aider, parce qu'elle a besoin de toi, comme toi tu avais besoin des autres. Ta main tremblante s'approche de la seringue, que tu saisis avec peine, tant tu as peur. Mais finalement, ta respiration reprend un rythme normal, tandis que l'aiguille plonge dans son bras. Et tu attends. Tu attends que l'insuline fasse effet. Qu'elle reprenne conscience. Dans un silence de mort. Et la crainte te saisit dans ses bras, alors que tes membres se remettent à trembler, que des larmes apparaissent au coin de tes yeux. La seringue glisse de tes mains. Retombe à terre. Et brise le silence.
La réalité est dure, n'est-ce-pas?
Ton père avait raison, en fin de compte. Tu es bien trop sensible, Luca. Tu es un froussard, Luca.
I'm such a fool. Please God, let me see a happy dream, just once.
Dernière édition par Luca E. Aldena le Lun 6 Fév - 9:57, édité 2 fois
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Bethsabée M. Belinski
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Sujet: Re: Damn girl, dry your tears ♠ Luca Sam 27 Aoû - 12:02
Est-ce quelque dédale où ta raison perdue ne se retrouve pas ?
Il parait que lorsque l’on meurt, on se tourne vers Dieu. Moi, alors que je sentais ma conscience glisser vers le néant, alors que la douleur remplaçait l’air dans mes poumons, alors que tout me semblait perdu, c’était mon cœur entier que je tournais vers Luca. Luca, que je ne connaissais pas et qui ignorait tout de moi, Luca, qui tandis que mes sens s’endormaient bercés par la mélodie du monde, par l’univers battant la mesure de ma déchéance, ne se résuma plus qu’à une main, une forme, un doigt. Puis enfin ce fut le noir, dans ma tête, l’absolue disparition de la réalité, au profit d’un théâtre, un théâtre imaginaire dépeuplé, sans public et sans bougie. Il n’y avait plus que moi et cette créature que j’avais laissée entré, par mégarde, par bêtise aussi, sur scène, dans notre dernier rôle. Il n’y avait que mon âme à nue, sans armes, sans courage face au monstre de Peur que j’avais créé de mes propres mains, que j’avais sculpté, façonné, la nourrissant de remords, de ressentiment aussi. Peur, qui maintenant, les crocs étincelants, griffes dehors, s’apprêtait à me dévorer entière sans que j’ai l’occasion de me défendre. Je ne sentais plus le temps défiler. Je ne voyais pas non plus mes souvenirs défiler. J’aurais préféré tout ces putains de clichés, ces légendes, plutôt que cette paire d’yeux fixés sur ma peau, attendant l’instant ou ma crainte, atteignant son paroxysme, lui donnerait la force d’attaquer. Elle comptait les secondes, ma Peur, elle s’accrochait au chronomètre. Elle avait la conviction que je craquerais, que j’allais trébucher, dans ma lutte, dans ma foi, que je serais à elle, rien qu’à elle, sa marionnette, son pantin dont elle tirerait le moindre fil, dont elle guiderait le moindre geste. Une manipulée. Rêve, ma Peur. On ne m’aura pas deux fois avec le même stratagème. Tu n’arriveras pas à me passer les chaines, sais-tu pourquoi ? Regarde, ma Peur, et apprends que je ne suis pas une victime, mais un adversaire. Prend garde ma Peur, tu n’es pas mon unique connaissance. J’ai déjà rencontré le Regret, l’Impuissance et l’Espoir. Le froid qui avait pris mes membres disparaît. L’Espoir a les traits de Luca ce soir. Soudain, le monstre s’efface, s’édulcore, rétrécit, se ratatine dans un coin de mon esprit. Le théâtre part en fumée, le théâtre m’entoure de ses vapeurs. C’est la fin d’un cauchemar, et la réalité, pour la première fois depuis une époque dont j’ai oublié jusqu’à la couleur, la réalité a pris une teinte douce. Mes iris commencèrent à inspecter le balcon, en quête d’un changement. J’avais le sentiment de revenir d’une longue absence. J’ai l’impression d’arriver en plein milieu d’une tempête, touriste égarée, dans un naufrage programmé. Luca, veux-tu sécher tes larmes, ou désire-tu noyer notre bateau ? Luca, arrête. Si j’avais toute ma voix je le dirais, combien je n’en vaux pas la peine. Je te raconterais mes lâchetés, mes petits jeux de fille malaimée, puis je te ferais me haïr, te donner envie de ne plus même me frôler, je te montrerais, comment je fais pour empêcher les gens de me remarquer, je te dirais aussi, je te dirais surtout, que j’ai abandonné ceux qui étaient sensés compter pour moi et si ce n’est pas suffisant, si tu as encore du mal à déserter le balcon, je te parlerais des petites trivialités, des petites misères du quotidien à Iadviga, de la rage qui animait ces poings quand ils martelaient mon corps. Enfin je conclurais, Luca, en te montrant mon incroyable prétention, de croire que tu pleures un peu pour moi. Hélas je n’ai pas la force d’articuler ça alors je me contente de tendre ma main vers tes yeux, et d’essayer d’effacer ta peine. Puis j’aperçois enfin la seringue, ma seringue totalement vidée. Je me souviens très bien de la fois ou j’ai rencontré Piotr. Je me souviens très bien de ce que j’ai dis et des conséquences que cela eu, et ma mémoire, me noue les nerfs, me tord le ventre, me vide l’esprit, paralyse ma langue et me lance un rire ironique. Dire que je n’avais jamais laissé quelqu’un d’autre que moi s’occuper de mon diabète. C’était la dernière part de ma vie sur laquelle j’avais un minimum de contrôle, qui s’était envolée, évaporée dans l’air de cette nuit d’été. Je ne la regrettais qu’à demi. Les obsessions peuvent rendre fous.
- Promets moi que tu ne vas pas partir.
Moi je vais te retenir. Te prendre par les cheveux et les sentiments, te voler tes larmes, mélanger mon ombre à ton ombre. Je n'ai plus peur. J'ai besoin d'espoir.
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Luca E. Aldena
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Sujet: Re: Damn girl, dry your tears ♠ Luca Mar 30 Aoû - 1:48
Jamais le temps ne t'avais semblé si long. Jamais le silence ne t'avais semble si pesant. Toi qui avait l'habitude de te blottir dans les bras du silence chaque fois que tu en avais l'occasion. Cette chose que tu aimais tant finissait ici par être ta pire ennemie. La peur se saisit à nouveau de ton pauvre petit cœur et le serre, y plante ses longs ongles, t'arrachant un sanglot et faisant cruellement rouler les larmes sur tes joues. Coincé là, à attendre. Attendre quoi, Luca? Un signe? Un ange? Non, simplement un geste, un mot, un souffle, qui pourrait soulever le poids lourd sommeillant sur son esprit. L'insuline allait elle faire effet à temps? Allait-elle se réveiller, ou le rideau allait définitivement se fermer sur la scène de la vie de la demoiselle? C'était une course contre la montre, maintenant. Mais il semble que peu à peu, le chronomètre s'assagit, et arrête de faire défiler les nombres à une vitesse folle. Un rai de lumière tranche l'obscurité telle une lame, et déchire les rideaux sombres qui avaient commencés à s'abaisser. Bethsabée reprend conscience, tandis que la panique s'étant terrée au fond de toi se dissipe. De son regard encore à moitié éteint, elle balaie le balcon, pour se ramener à la réalité. Rassuré, Luca? Les battements de ton cœur se stoppent dans leur course effrénée. Pourtant, tu ne peux t'empêcher de sentir tes membres trembler. L'effet de l'émotion, sûrement?
- Promets moi que tu ne vas pas partir.
La voix de la jeune fille brise le silence, te forçant à relever la tête. Partir? Pourquoi partirais-tu? Peux-tu réellement partir, de toute façon? Dans l'état dans lequel tu es, certainement pas. Abattu. Faible. Tremblant, comme un animal apeuré. Tes yeux à demi-clos ne te renvoient qu'une vision floue de la réalité, qui encore une fois t'échappe, mais tu essayes de nouveau de la regarder en face. Le visage trempé de larmes, tes lèvres s'entrouvrent, pour ne laisser s'échapper que des brèves plaintes, des sanglots. Tu glapis, tu gémis, mais tu ne peux dire mot tant que les larmes ruissellent. La respiration saccadée, tu poses ta main sur ton cœur, et agrippe ta veste. Comme pour lui ordonner de se taire. Tu veux t'enfuir. Retourner en arrière. Remonter le temps. N'avoir jamais été témoin de cela. Tu es pitoyable, Luca. Des images, des scènes se jouent devant tes yeux, et l'oiseau noir de la culpabilité se perche sur une des branches de ton esprit. Sans pouvoir s'envoler à nouveau. C'est injuste, n'est-ce-pas? Tu le penses. Mais tu sais pertinemment que Bethsabée est celle qui a le plus besoin d'aide en ce moment. Pourquoi pleurer, Luca? Voir encore quelqu'un à l'agonie devant tes yeux te fait toujours un tel effet? Arrête. Arrête, Luca. Puisque c'est toi qui apportes la lumière dans son monde en ce moment. Pourtant, ce qu'elle a dit t'inquiètes. Cette phrase, cette promesse - un ordre inconscient peut-être - prononcée à demi-mot t'immobilise, resserrant ses chaînes autour de toi. Tu ne peux pas dire non. Pas maintenant. Tu ne sens plus tes jambes. Comme si elles répondaient à l'appel lancé par tes souvenirs, tes blessures se ravivent à nouveau, certainement à cause de la pression, te clouant sur place. Ton corps et ton esprit agissent à l'unisson, t’assenant un coup dont tu as du mal à te remettre. Cela faisait longtemps que cela ne t'était pas arrivé. Tu n'as probablement plus le choix. Tu essayes de te relever désespérément, sans succès. Tu essayes de t'approcher d'elle, comme si tu rampais lamentablement. Tes membres paralysés, eux aussi, semblent se liguer contre toi. Qu'évites-tu donc, jeune Aldena? Cette promesse, tu peux la faire. Mais tu en as peur.
« ...je...ne partirai pas... »
Quatre mots, murmurés entre deux sanglots, qui te lient désormais à celle qui est devant toi. Quatre mots prononcés au bord des larmes.
Tu ne peux plus faire marche arrière, Luca.
Dernière édition par Luca E. Aldena le Jeu 29 Sep - 22:19, édité 1 fois
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Bethsabée M. Belinski
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Sujet: Re: Damn girl, dry your tears ♠ Luca Jeu 1 Sep - 20:24
Nous n’avions pas le temps d’être des enfants qu’elle venait déjà nous chercher. La douleur faisait disparaître les jeux, crevait de ses doigts d’aiguilles les bulles de savons et les chansons joyeuses, dans nos ciels qui se coloraient de larmes et de sanglots, des cris de désespoirs lancés dans le vide à ceux qui nous avaient volés nos jouets pour les remplacer par des seringues, à ces meurtriers qui nous dérobaient nos rires pour s’en faire des épées. Des épées pour tuer nos rêves. Des faux pour faner les fleurs de nos prés. Et sans même avoir le temps de se retourner sur ces champs de désespoirs, nous étions déjà devenus ses fantômes, ses soldats de douleurs, qui s’en allaient mordre les autres, et à notre tour nous devenions monstres, insomniaques et rongés de regrets, errant à la recherche d’un soleil qui ne nous appartenait plus. On n’osait même plus se tourner vers les autres, terrassés à l’idée d’apercevoir ces sourires dépossédés de leurs substances. On n’osait même plus serrer dans nos bras faméliques et terrifiants d’avidité, les gens qui nous aimaient. On n’était quelque chose soudain que l’on n’avait pas voulu devenir, ce que l’on nous avait appris à être. On observait dans la glace nos couettes défaites, nos traits raidit dans une expression de tristesse à peine dissimulée, notre corps à contrecœur élancé vers ce que l’on redoutait tant et qui s’était finalement installé jusqu’au plus profond de notre âme ; nous étions devenus des adultes. Je tendais la main vers mes yeux, terriblement secs, et un instant je le voilais, pour tenter de la revoir, la Bethsabée de soleil que j’avais pu être. Elle était là, elle souriait aux flocons qui tombaient sur les joues de sa sœur. Et plus je l’observais, plus je le sentais venir, monter, inonder mes souvenirs, diluer mes restes de fierté dans son acide, oui, plus cette fillette souriait et plus cette souffrance grandissait, nourrie de cette amère constatation, cette impalpable ironie. Je retombais plus violemment sur les récifs de réalité que j’avais voulu quitter trop vite. Je n’avais jamais offert mon sourire à ma sœur. J’étais née déjà morte, ingrate, violente, et les médecins n’avaient fait que confirmer ce diagnostic. J’essayais d’être joyeuse mais ma nature revenait, elle me susurrait ses vérités, dolente, pédagogue, elle revenait, me dire que ce n’était pas la peine d’ouvrir ma bouche, de laisser ne serait-ce qu’un mot venir se ruiner sur mes lèvres. Je n’étais pas une personne à par entière ; juste une ombre qui tentait de s’acheter des chairs, de vendre au diable une âme qu’elle n’avait pas en échange d’un bout d’humanité, d’une étreinte impossible pour réchauffer ses éclats de chimères. Mes larmes coulent, assassinant avec elles mon cocon de mensonges, charriant des débris d’amour propre. Luca, j’aimerais connaître le contenu de tes pleurs. Luca, j’aimerais te ramener à l’ instant où la douleur est venue te couper les ailes. Je les ramasserais et j’en ferais des pansements, des pansements d’étoiles pour cacher les constellations de sang, les cicatrices du temps, que la vie est venue t’imprimer. Je te réparerais, pour que tu sois juste comme tu as pu être. Ni plus beau, ni plus intelligent, ni plus fort, ni plus sociable. Juste toi, sur fond d’azur et d’innocence. Je m’accroche à cette illusion, ce joli visage qui danse sous mes prunelles, sur un écran d’eau instable, je la superpose à la réalité, Luca, je te préfère comme ça plutôt que sur le pavé, entaché, enchainé à mon destin. Soudain ceux qui sont de l’autre côté du monde n’ont plus d’importances. Mes fantômes commencent à s’effacer. Maman, ma sœur, Piotr, mes camarades, mes bourreaux, n’ont plus vraiment de consistances, n’ont plus vraiment d’image, ont-ils seulement existés ? Peut-être que je suis enfin revenu dans cet endroit qui m’a longtemps attendu, qui récupère toujours ses habitants à un moment à un autre, mais toujours dans un seul état. A genoux. A genoux, Betty, les créatures de sueur haine et misère comme toi ne devraient pas être autorisées à vivre autrement, à faire ne serait-ce qu’un pas vers la lumière. Pourquoi partirais-tu, de toute façon ? Pour aller ou ? Tu as déjà un pied en enfer et l’autre à l’asile. Tes poignets fébriles se tournent, se tordent vers lui, tu veux l’accrocher, tu veux l’emmener, il a ce scintillement, il éclaire tes joues creuses, il rallume tes envies, mais Bethsabée, tu ne penses pas qu’il a traine déjà assez de chaines ? Tu te fabriques des images, une bulle de coton opaque, tu crois que tu es avec lui… Mais je reste seule dans la cage de mes pensées à lancer mon poison aux quatre vents. Et en quelques mots il me confirme ce que je redoutais le plus. En voulant évaporer ses larmes, en souhaitant si fort blottir mon corps contre le sien, j’ai tendu une cage d’épine autour de sa liberté, une prison si dense, sans air et sans perspective d’avenir.
- Ce n'est ce que je t'ai demandé, Luca. Je voulais juste savoir...
Mon souffle irrégulier, au rythme de mes pensées, qui menacent de repartir, les autres symptôme qui arrivent. J'ai faim. J'ai faim à engloutir l'univers, à me repaitre de tout, de sentiments comme de sourires.
- ... ce que tu ferais si seulement tu pouvais partir.
Faim à avaler jusqu'aux pires mensonges.
Dernière édition par Bethsabée M. Belinski le Dim 18 Sep - 18:26, édité 1 fois
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Luca E. Aldena
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Sujet: Re: Damn girl, dry your tears ♠ Luca Dim 4 Sep - 0:03
Credit @ dA
Les mots sont traîtres. Ils ne sont que brièvement de votre côté, peu importe ce que vous pensez. Ils peuvent être vos meilleurs amis, et soudainement valsent, s’envolent, en l’espace d’un instant, pour devenir vos pires ennemis. De simples mots peuvent bousculer toute une réalité. Quelques lettres alignées peuvent détruire des années de croyance, d’espoir, de haine. Et peuvent tout aussi bien plonger quelqu’un dans la sérénité absolue que dans le chaos le plus complet. C’est ce qui t’arrive en ce moment, Luca. Tu ne sais plus quoi penser, quoi dire, quoi faire. Tu as toujours eu tendance à tirer des conclusions trop vite. Conclusions qui finissent par peser sur ton fragile petit cœur, comme ces mots prononcés à la hâte, emplis de sentiments incertains. Tu regardes l’image encore trouble en face de toi, la silhouette aux contours floutés par tes pleurs. Peu importe ce que tu te dis, peu importe à quel point tu te mens en disant que ça va aller mieux, les larmes ne s’arrêtent pas. Et maintenant, tu ne sais plus où tu en es. Tu te dis que tu as certainement dû la troubler, avec tes paroles idiotes. Ou que ton être tout entier la dégoute – ce qui était peut-être la raison pour laquelle elle avait reformulé sa question. De toute façon, tu étais lamentable, Luca – ta propre famille te le disait. Alors ça ne t’étonnait plus de voir à nouveau quelqu’un penser cela de toi. Le regard des autres t’a toujours profondément effrayé, aussi, tu ne peux la regarder en face, et tu baisses les yeux. Trop faible, Luca, trop faible. Pitoyable, même. Pitoyable au point de ne pas pouvoir t’arrêter de pleurer. Au point de ne pouvoir dire mot. De ne pouvoir dissiper la brume qui a élu domicile dans ton esprit. Partir ? Que veut-elle dire par « partir » ? A chaque instant qui passe, tes jambes te rappellent que tu es coincé ici, face à elle. Partir, toi tu ne le peux pas. Mais autre chose est parti, depuis beaucoup trop longtemps.
Ta si précieuse et si tendre innocence d’enfant.
Cette innocence qui, cinq ans auparavant, s’était envolée à tire-d’aile. Tu te demandes comment les choses ont-elles pu changer si vite…trop vite. Et pourtant, tu te revois, si jeune, un sourire si rayonnant aux lèvres que tu doutes même qu’il ait pu exister un jour. Tu te mords la lèvre, car derrière tes paupières closes, l’image est encore plus claire, plus douloureuse. Et profondément gravée au fond de ta mémoire. Enterrée, ton innocence. Piétinée. Déchirée. Immolée. Il n’en reste plus que des cendres, que tu conserves au fond de ton cœur, pour ne pas oublier. Cendres qui te rattachent à un monde qui n’est pas le tien – qui ne le sera probablement jamais. Tu n’es encore qu’un gosse, Luca, qu’on a propulsé trop vite dans le monde des adultes. Un gamin qui se contente de peu, dont le seul souhait serait de rester avec ceux qu’il aime – continuer une vie, aveugle à tous les maux, dans une bienheureuse ignorance. Une âme d’enfant dans un corps d’adolescent. Et elle crie, elle hurle, elle exige qu’on lui rende son innocence. Qu’on lui rende tout le temps qu’elle a perdu. Au fond de toi, tu le souhaites aussi, n’est-ce-pas ? Pouvoir retourner à cette époque, où tout ce qui t’importait n’était que de simples banalités. Où tout n’était que jeux et amusement. Où personne ne mentait. Une vie sans responsabilités, sans inquiétude, dans l’attente du lendemain. Loin de la mort. D’où tu te trouvais, ton enfance te semblait comme un paradis sous verre, où la faucheuse n’aurait jamais pu t’atteindre. Un paradis aux couleurs chatoyantes où tu tendrais ta main vers le ciel, et où des pensées futiles t’effleureraient l’esprit. Le verre s’est brisé, l’oiseau s’est envolé, et tu es seul, désormais. Seul avec les regrets emplissant ton cœur. Seul, à genoux, tenant dans tes bras le corps inerte de ton innocence.
Son regard posé sur toi te ramène à la réalité, mais tu es toujours aussi perdu. Des bribes de ses derniers mots te reviennent en mémoire, mais tu ne sais toujours pas quoi répondre. Partir…ça te tuerait. La culpabilité te tuerait. Comme elle avait déjà commencé à le faire, des années auparavant.
« Ça veut dire que je n’ai pas le choix… ? »
Trop de pression d’un seul coup. Tu as trop peur. Peur de ne pas répondre correctement, peur d’avouer ce que tu ne voudrais jamais dire à qui que ce soit. La scène devant tes yeux redevient floue, une nouvelle fois, tes poings se serrent, ton corps se courbe, et tes membres t’envoient, en guise de réponse à ta question, une douleur qui te force à te recroqueviller sur toi-même. Tu n’as plus la force de faire quoi que ce soit.
« …je ne sais pas. Je ne sais pas ce que je ferais. Je ne sais pas. Je ne sais pas. »
Les mots se suivent, sanglotés, et résonnent au fond de ton être. Une vision monochrome te revient alors. Toi, en larmes, il a des années de cela, répétant les mêmes paroles, tel un écho. L’enfant qui pleure sous tes yeux…es-tu réellement si différent de lui ?
Dernière édition par Luca E. Aldena le Jeu 29 Sep - 22:20, édité 1 fois
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Bethsabée M. Belinski
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Sujet: Re: Damn girl, dry your tears ♠ Luca Mar 6 Sep - 18:00
On s’arrachait des promesses, on se déchirait des serments. On vendait nos libertés, pour un instant de sécurité, pour un mensonge plus joli que les autres. Et on les désirait plus que tout, ces promesses ; on se les attachait à la ceinture, on les arborait comme des couronnes, comme des masques glorieux, si fiers de pouvoir dissimuler nos larmes, sous des toujours infâmes, sous des jamais aussi lourds que des chaines. Mais bien sur, qu’elles étaient douces et délicates ces quelques phrases ; et évidemment, qu’on y croyait, qu’on s’y attachait, qu’on les trainait, et qu’on les emporterait avec nous, jusqu’à ce que quelqu’un les brise, les casse, les enterre, dans le cimetière de notre vie, à côté des certitudes plus minces, dans une sépulture somptueuse, sur laquelle on verserait quelques larmes amères avant de se dire à quoi bon. A quoi bon, Luca, te garder à mes côtés, pour quelques mois, quelques poussières d’années ? A quoi bon, puisqu’au final la destination est la même, la scène finale immuable. Tu pars et moi je reste, seule et triste, toujours triste, toujours mauvaise, méchante, finissant comme tout les autres méchants, par mourir dans mon venin, par être rongées par mes propres paroles acides. J’aurais mal, Luca, mais pas mal de la même douleur que les autres. J’aurais mal, parce que, comme pour tout ceux qui ont fait jaillir des larmes, celles-ci reviendront, me noyer, m’asphyxier de souffrances, me tuer calmement, méthodiquement, lacérer mon corps, déchiqueter mon cœur, se repaitre de mon sang, ne partir que quand j’aurais disparu, dans une vapeur de sanglots. Et je le sais, je l’ai toujours su, et toujours je saurais quel est mon destin. Je simulerais du début à la fin, surprise étonnement et joies. Je te regarde ne pas me regarder, Luca. Tu ne vois pas. Tu ne pars pas. Tu ne pars pas, tu ne m’abandonnes pas, et tu te condamnes à sombrer. Je te tire vers le bas, je baisse dans ton estime, j’explore tes Abymes. Je ne serais pas la première, à te voler un bout de toi, à te priver d’un fragment de soleil, je connais ces décors de cartons qu’on appose sur les déserts vidés de leurs acteurs pour donner le change. Quelqu’un t’a déjà pris par la main, dans un hôpital blanc, dans un monde incolore insipide mais surement pas indolore, quelqu’un t’as déjà dis que ça irait, que ce n’était rien, et effectivement ce n’était rien, rien que des mots salés apposés sur des plaies à vif. Les médecins ont sortis leurs aiguilles, leurs machines à formater les songes, leurs appareils à sectionner les familles, personne ne les a empêché, qui aurait pu, crier au meurtre de la candeur, au crime sur ignorance, à la fin d’une enfance ? On les laisse faire, attacher le fil à nos membres sans volonté, marionnettes ternes, marionnettes ternies. J’allais prendre dans tes yeux les débris d’une vie meilleure. J’allais dérober à tes prunelles tes images en couleur pour les remplacer par des portraits en douleurs. Ils me l’ont fait aussi, le coup de l’oubli. Ils ont dit que je me réapproprierais ce que j’avais perdu. J’ai pas réussi, putain, non. A remettre des « mon » face aux décisions, à apposer des possessifs sur les gens. Je ne voulais pas. Je ne voulais faire des choses mes exclusivités. Je préférais encore la vacuité des promesses à la jalousie d’un « mien ». J’ai tenté, de manger mes souvenirs, je les avaler, de les faire disparaître, pourtant ils sont encore là, les jours d’hiver, de l’autre côté du lac, les premiers murs de Iadviga, les petits échecs, les grandes déceptions, rien n’a brûlé. Rien n’est plus à moi ; ce sont les mémoires d’une autre et je n’ai plus que du vide à quoi m’accrocher. J’allais le faire, Luca. J’allais le dire ; la prononcer, la sentence. Je chute en silence, je le cherche, ce fond du fond, j’espère qu’il existe, qu’il existe ce paradis pour les tristes. Qu’il accueille les amnésiques comme ceux qui se souviennent trop bien.
« Je pense que tu n’avais pas le choix. Parce que sinon tu serais parti. Et que si tu avais voulu rester, tu aurais faits quelque chose, pour que ce ne soit pas moi qui parte. Tu aurais appelé de l’aide. Mais tu es là et tu ne fais rien. »
Et c’est moi qui dois te sauver. Et c’est toujours moi qui n’ose pas même bouger.
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Luca E. Aldena
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Sujet: Re: Damn girl, dry your tears ♠ Luca Dim 30 Oct - 0:40
{Gniugniu pardon c'est tout foireux je ;___;}
Je pense que tu n’avais pas le choix. Parce que sinon tu serais parti.
Tu ne serais pas parti. Pas parce que tes jambes t’en empêchent. Mais parce que tu as trop peur. Pauvre animal terrifié qui ne dit mot. C’est ce que tu es depuis le début.
Mais tu es là et tu ne fais rien.
C’est vrai. Que fais-tu, Luca ? Tu fixes la demoiselle aux cheveux blonds platine, tremblant, essayant d’effacer les larmes qui paraissent cicatrices sur ton visage. Que fais-tu depuis le début ? Rien. Absolument rien. Tu te caches et tu t’enterres, loin dans ton esprit, noyé dans une mer de douleur. Tu l’avais voulue, cette douleur, d’un côté. Tu l’entretenais, tu la nourrissais, pour mieux renforcer les parois si fragiles de ta bulle. Pour éloigner les gens. Pour ne plus recommencer les mêmes erreurs. Coupé volontairement du monde. Mais est-ce que cela va vraiment changer la situation? Tu erres et te perds dans le dédale de tes propres pensées, ne sachant plus ce qui est bien, et ce qui ne l’est pas. Ton esprit tourne en rond, incapable de franchir le mur devant lui. Et pourtant tu sais très bien que ce n’est pas si dur. Mais jamais tu ne puiseras la force nécessaire au fond de toi. Tu attaches toi-même les fers à tes chevilles, t’enchaînes, sans même imaginer que quelque chose pourrait changer un jour. Tu rouvres les blessures de ton propre cœur, et depuis cinq ans on te traîne, car tu es incapable de le faire toi-même, incapable de prendre tes responsabilités. Tu ne ressens plus le besoin de t’accrocher à quoique ce soit : tu te laisses porter, simple coquille vide ballottée au gré des flots. Et tu fuis, encore et toujours. Pourquoi agis-tu ainsi? Pour trouver du réconfort ? Pour attirer l’attention sur toi ? Non. Tu le fais juste inconsciemment. Dans l’incapacité de retourner en arrière, dans l’incapacité d’avancer, tu stagnes, tu regardes les autres partir, s’éloigner, disparaître. Te laisser seul. Et pourtant tu gardes toujours cet espoir qu’un jour, ils reviendront, comme ces jours desquels tu te languis tellement.
Ne te fais pas d’illusions, Luca. On t’a ravi ces jours, ces jours étincelants, on les a réduits en morceaux, et ils ne sont plus désormais qu’éclats de marbre terni. Froids et monochromes. Distants. Mais encore présents dans tes souvenirs, et si douloureux en même temps. Les restes de ton cœur arraché, lacéré saignent encore. Pourquoi continuer à te morfondre alors que tu le sais parfaitement ? Ils ne reviendront pas. Jamais. Tu te mens à toi-même, et tu mens aux autres. Toi qui pourtant déteste cela. Tu t’enfermes dans des mirages, dans des convictions futiles. La vérité t’a été jetée au visage brutalement, très tôt, et pourtant tu refuses encore d’y croire, en bon gamin que tu es. « Réalise, prend conscience de ce qui est arrivé et va de l’avant », c’est ce que tu aimerais faire. Mais tu ne peux pas, encore, parce qu’elle est encore là. Au fond de toi, son spectre vit encore et te tire en arrière, te rend aveugle, t’immobilise. Ses mains douces et gelées couvrent tes yeux, simple marionnette guidée par des souvenirs incertains, et tu tombes à nouveau au fond des abysses de l’indifférence. Tu te laisses plonger au milieu des eaux froides, les yeux mi-clos, rivés sur les fragments du soleil que tu regardais autrefois. Tu sombres. Tu t’endors.
Réveille-toi, Luca. Lève la main vers le ciel et ouvre les yeux.
Elle a besoin de toi. Tout comme d’un côté, tu as besoin d’elle. Tu n’as pas le droit de la laisser tomber – ou le remords, sale et triste bête affamée, qui déjà te guette, dévorera les derniers vestiges de ton âme. Et la sienne. Attrape la main tendue devant toi. Plonge dans la lumière. Oublie, ne serait-ce que l’espace d’un instant, tout ce que tu as nié pendant tant d’années. Jette au loin les lances qui percent ton cœur – rassemble tes forces. Libère-toi. Revis à nouveau. Ne serait-ce qu’un bref moment.
Et tu cries.
Cri de peine, cri de douleur qui s’envole vers les cieux, mêlé à tes larmes, résonne aux alentours déserts, un appel au secours, un signal de détresse, que tu espères entendu. Des années à s’être retenu, à se cloîtrer dans le silence qui volent en éclats, et tu sens que l’étincelle de vie se remet à brûler. Car dans cette situation, tu ne peux que dépendre des autres, qui sont pour le moment les seules personnes en qui tu peux croire. Soudainement, ta voix s’éteint, brisée, toussant, tentant désespérément de reprendre ton souffle, sauvé de justesse de la noyade. Alors que des pas et des voix commencent à se faire entendre dans le couloir, demandant si tout va bien, tu tournes ton regard vers elle, et avec un faible sourire, lui tend une main tremblante.
Pour que personne ne soit oublié.
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Sujet: Re: Damn girl, dry your tears ♠ Luca
Damn girl, dry your tears ♠ Luca
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