Cliquez, bande de vilains..

« Un badasse, hein, je suis un badasse, Laissez tomber, en tout, je suis imbattable. Sauf en cours, ouais forcément. Mais sérieux quoi, qui a besoins de savoir faire des fonctions pour se défendre dans la vie ? Je sais pas où vous avez grandis, sérieux.»

Autant dire qu’en face de ça, théoriquement à part des réactions de violence non contrôlée, on ne peut pas dire grand chose. Ou peut être que si. On commence plus simplement à comprendre à quel point Malik est narcissique. Le plus étonnant, c’est que ce petit discourt, s’il le tient, est glissé dans la conversation de façon si délicate, si « l’air de rien », que parfois, vous finissez par en être convaincu. Comme une pub. Malik est une pub ambulante. Il glisse dans votre inconscient des éléments et vous les enfonces dans le crâne jusqu’à ce que vous alliez les répéter à tout le monde, intimement convaincu de la véracité de sa parole. Et ce n’est pas une métaphore. Quand il ne parvient pas à se faire entendre, il à tendance à avoir un recours plutôt facile au physique. Shakespeare aurait dit : «à coller des gnons ». Parce que si Malik est tout en subtilité et finesse par l’esprit on peut facilement dire que par le corps, c’est un gros bourrin. Un brutasse. Un gros voyou sa mère. C’est à dire qu’il a toujours eu du mal avec l’autorité. Aujourd’hui, il se venge dès qu’il en à l’occasion et est toujours de sortie pour une petite soirée/matinée/journée/semaine/année de débauche en compagnie de ses amis.

Ses amis, oui, car si Malik est un dangereux cas sociale pour toutes personne ayant la violence et le sarcasme en horreur, il n’est pas totalement associable. Bien loin de l’image de la brute sans éducation, la tête baissé fixant le sol en ruminant son sombre passé, il adore passer du temps avec les gens. Parce que les gens, hé oui, les gens. On les charis, on leur tape dans le dos, on leur prend leurs copines, et en plus, ils te payent à boire. Franchement, que demande le peuple ? C’est en tout cas le discourt qu’il tiens, parce qu’en vérité, même s’il ne l’avouerait certainement pour rien au monde, ses potes, c’est un peu le centre de sa vie. Mais comme on dit, « qui aime bien chatie bien » et Malik est sans conteste la pure incarnation de cette citation. Celui qui parviendra à lui faire cracher une formule agréable à l’oreille pourra s’en vanter (avant de se faire exterminer pour éffacer les preuves.)

Bien entendu, si on parle de Malik, on est obligé de faire le point sur son petit vice, sa petite manie. Son renfort de cœur : sa petite sœur. Il y a une chose à savoir sur elle : il dézingue le premier qui la touche. C’est en quelque sorte son garde du corps : il suffit qu’elle vienne le voir pour se plaindre, et le voilà plié en six pour lui rendre la vie plus belle. En échange de quoi, elle lui fournit toutes les informations qui lui sont nécessaire (et ceci par ordre strictement pédagogique, s’entend.) Bon, il ne cherche pas toujours à voir le juste milieux : disons plus simplement que la justice de l’affaire, il s’en contrebalance, il a déjà pris son partie. Et quand Malik prend son partie, autant vous dire que rien n’existe pour l’en faire démordre. Il est têtu comme une mule et un seul avis compte : le sien. C’est très difficile de lui faire comprendre quelque chose qu’il n’a pas envie d’entendre, par ailleurs. Son côté flegmatique et je m’en foutiste ont la victoire facile. L’air de rien, c’est tout de même un gros bosseur. Parce que la connaissance, ça n’a pas de prix. Il le cache bien, d’ailleurs. Sa culture lui est indispensable : après tout, il est plutôt du genre lacunaire dans le cadre pédagogique. Et en tant que leader, il se doit d’être intelligent, toujours plus intelligent. Ce qui n’est pas toujours facile face à quelqu’un de six fois plus cultivées. Peut importe, il aime crier sans honte que l’école, il s’en fou. Parce que ça ne l’empêche pas d’être vif d’esprit sous son masque de voyou, et en accrochage verbal, il se considère comme imbattable. Un peu de mauvaise foi et d’orgueil mélangé, sûrement, mais c’est indubitablement l’un de ses sports favoris. Avec la baston, bien entendu. Par ailleurs, son masque préféré, c’est celui du voyou. Après tout, ses airs grognons, virils et franchement maladroit quand il s’agit d’exprimer ses émotions sont sans aucun doute ses principales armes pour faire tomber les femmes.

Elles, ce sont son deuxième pêcher mignon. Il adule les femmes. Il ne pourrait pas vivre sans elles. Il en cotoye en permanence et s’arrange pour toujours en être entouré. Malheureusement pour lui, étant un coucheur né, il fini systématiquement par se les mettre à dos. Et oui, sortir avec une fille et en embrasser une autre sous son nez à tendance à irriter quelque peu la gente féminine. Autant dire qu’il a un petit côté macho assez prononcé. Par ailleurs, bien qu’il n’ai rien d’un grand romantique, il a jeté son dévolu sur une femme, et avec elle, il ne sait définitivement pas comment s’y prendre. Du coup, il la fuit tout en essayant d’attirer son attention.

Finalement, le plus gros défaut de Malik, c’est que dans sa tête, c’est encore un gamin. Doublé d’un grand romantique ? Au fond peut être que tout ça n’est qu’une façade ? Seul l’avenir nous le dira.

Il était laid… Si laid… Avec ses yeux coulants et son teint cireux, ses cheveux gras coupés trop courts, son front trop grand, son nez trop petit, ses membres mal agencés... horriblement, atrocement laid. Malik ne l’avait jamais vu comme ça. Malik ne l’avait jamais vu pour ce qu’il était réellement. Du moins, c’est ce qu’il pensait en fixant son père, la colère et la honte transperçant sur ses traits de môme de douze ans, sans défenses et sans protection autours du coeur.



- Lily ?! »
Malik passa la porte en hurlant une imprécation provocatrice que sa mère intercepta sur le vif. Elle avait toujours eu le coup de main pour attraper les inconvenances linguistiques de son garçon. Il en commettait tellement depuis sa naissance qu’elle n’avait eu d’autre choix pour tenter de lui inculquer un semblant d’éducation grammaticale que celui de faire pire que lui dans un vocabulaire correcte. Mais rien à faire. Malik s’efforçait depuis le berceau de côtoyer ces milieux où la langue est synthétique et provocatrice. Si le père avait été là, il aurait eu droit à la claque occipitale de convenance.
- Qu’est ce qui te prends de hurler comme ça, Malik ?
- Lily est là ?
- Bonjour d’abord.
- Salam, c’est bon. Elle est où ? » Lena Dalech soupira en agitant la tête dans un sublime reflet blond purement anglophone. Elle laissa son fils s’élancer dans la pièce en ayant à peine le temps de lui hurler de retirer ses chaussures. Le garçon était déjà près de sa sœur.
Trois ans de moins, une peau blanche hérité de sa mère importée de Grande Bretagne et des yeux bleus du même acabit que ceux de son frère, Helene était la cadette de la famille mais ne payait pas de mine. Renfermée comme un bulot, elle n’ouvrait la bouche que pour en laisser échapper une intelligence fleurit qui avait la faculté d’expédier Malik au pays des incultes. C’est à dire que malgré leur proximité et leur fort taux d’échange et d’intimité, le frère et la sœur formaient un couple fondamentalement paradoxale. Malik ne travaillait pas, ou du moins ne faisait pas mine d’en avoir envie, tandis que sa petite sœur avait été dotée à la naissance du talent naturel des gros bosseurs et du Quotient intellectuel nécessaire à une fille pour se faire respecter dans une ville comme Jérusalem. La seule chose qu’ils partageaient à égalité dans leur éducation était la religion : musulmans de pères en fils, si leur mère était athée elle avait dû faire quelque concession avant le mariage pour obtenir le privilège d’épouser Abdelkader Dalech, fils d’Abdel, et ainsi de suite. Toujours est-il que Dalech père, avant d’épouser son anglaise de femme, était partie de rien et s’était constitué une richesse en se plongeant dans le métier d’ingénieur. Lui et Lena s’étaient rencontrés lors d’une conférence internationale et, partageant la même passion pour les composantes électroniques, avaient contractés un mariage et fait des enfants. Autant vous dire qu’avec une mère à la poigne de fer et un père qui ne devait sa fortune qu’à lui même, l’entêtement de Malik quant à refuser d’obtenir des résultats convenables commençait à les pousser légèrement à bout.
Ok, il n’avait que neuf ans. Mais sa sœur trois de moins et capable de faire ses propres exercices. Qu’il prenne un peu exemple, bon sang ! Un Dalech ne pouvait pas être né imbécile.
- Lily ? » Malik se laissa tomber sur les cousins, en face de sa sœur qui ne semblait pas avoir remarqué sa présence, le nez plongé dans un livre. « Hého. »
- Qu’est ce que tu veux, khûya ?
- Je comprends rien à l’exercice.
La gamine leva le museau vers son frère qui lui tendait une feuille couverte de graffitis. Elle tenta de retrouver l’extrait littéraire dissimulé sous la couche de citations extraite au hasard de l’esprit du garçon, et parcourut d’un œil expert de lectrice chevronnée le cauchemar de son frère. Puis, lentement, comme prête à annoncer une mauvaise nouvelle qui allait sans doute chambouler la vie entière de Malik Alkeini Dalech, elle leva la tête vers lui, et d’un ton laconique, l’interrogea sur le fondement même de son traumatisme :
- Qu’est ce que tu comprends pas exactement ?
Malik compris, lui, que l’exercice était simple. Et il en eu honte.


Ce genre d’épisode se répétait régulièrement. Malik était issu d’une famille relativement aisée, comme nous l’avons dit, scolarisé, religieuse, et au contraire de sa sœur, il ne souffrait pas de sa différence ethnique transparente : il était doté de traits arabes beaucoup plus marqué et son métissage n’était percevable qu’en très faible quantité. Ayant la chance d’avoir le physique avenant et exotique, ainsi qu’un regard capable de faire fondre à peu près n’importe qui, il ne souffrait d’aucune différence et avait plutôt tendance à se faire apprécier malgré son côté tête brûlée aux derniers degrés. Une capacité enviable qui faisait de lui un petit garçon respecté parmi les autres petits garçons. Toutefois, il fallait bien qu’il souffre de quelque chose. Et ce quelque chose venait directement de lui. Son goût excessivement réduit pour le travail scolaire ne lui valait pas moult paniers de médailles auprès de ses parents, convaincus qu’il était définitivement doté des attributs d’un âne bâté et que, dans la maison, si quelqu’un aurait du travail un jour, ce serait sa sœur (sa mère la voyait bien partir à l’étranger dans quelques années pour se faire un nom du côté des Etats Unis). Ce qu’ils ne comprenaient pas, c’est que Malik essayait. Il essayait vraiment. Mais le système scolaire n’avait jamais été son fort. Il était ce genre de garçon assez sensible et intelligent pour que son entourage soit totalement convaincu de ses capacités, mais incapable de se donner assez pour arriver à un résultat probant. Et ses parents, qu’il cherchait à satisfaire, ne le voyaient pas de cet œil la. Alors il demandait à sa sœur de l’aider, sa chère petite sœur avec qui il partageait tout, absolument tout, qui était la seule à connaître tous ses secrets. Et vis versa. Du moins l’espérait-il. Ils s’étaient donné des noms de grandes villes Latines, lui Carthage et elle Sparte, sans réelle raison, juste pour la beauté de la chose, et parce que ça plaisait à Helene qui voulait tout connaître. C’était une paix relative ponctuée des petits problèmes quotidiens que tout le monde endure sans trop se plaindre parce qu’il existe toujours pire. Et de toutes façons Malik n’était pas du genre à se plaindre. La seule chose extraordinaire était que leur mère possédait un don, et qu’elle n’était pas totalement assujetti à son mari car non convertie.

Bien entendu, il fallait que quelque chose vienne briser cette vie de famille, parce que la petite maison dans la prairie c’est bien cinq minutes, mais seulement cinq minutes.

- Ils vont se séparer.
Helene jeta un coup d’œil vaguement intéressé à son frère qui s’était vautré sur le tapis pour tout bonjour, à plat ventre au milieux de la pièce, en grignotant un biscuit fourré à la date dont elle lui aurait bien piqué un bout si le sens de ses paroles n’avait pas été aussi obscur.
- Qui ça ?
- A ton avis ?
- Ha.
Cette discussion n’était pas la première. Plusieurs fois depuis les dernières semaines, Malik avait prédit à sa sœur que la rupture du contrat marital entre leurs parents était proche. Elle ne savait pas d’où il tenait ça. Il était sans aucun doute beaucoup plus sensible à ce qui se passait qu’elle. A quoi était elle sensible, après tout ?
- Maman dit que le système ne lui convient plus. Qu’elle se sent… Comment elle a dit ? « Etouffée ». Mouais. » Helene haussa les épaules pour toute réponse. « Elle dit que j’ai un pouvoir et elle veut m’emmener avec elle en Angleterre quand elle y retournera pour m’inscrire dans une école spéciale. »
La petite fille fixa cette fois son frère, concentrant son attention sur lui. Ils n’avaient jamais envisagé la possibilité d’être subitement séparés l’un de l’autre.
- Un pouvoir ?
- Ouais. Comme un super héro, tu sais. Sauf qu’il me sert à rien, je peux pas me battre avec.
- Comme maman ?
- Ouais.
Il l’avait découvert quelques jours plutôt, en présence de ses parents. Au détriment d’une énième remontrance qui lui avait valu de se faire insulter pour son manque de talent intellectuel. Il l’avait mal prit, parce qu’il avait travaillé, cette fois ci. Du moins un peu plus que d’habitude. Son père s’était subitement enlaidit, à tel point que Lena avait fini par comprendre que quelque chose clochait. « Tu contrôle la beauté, mon fils. » Super. Tellement viril.
- J’aurais préféré pouvoir soulever des camions. Ou être super intelligent. Ou super agile. Ou élastique. Ou pouvoir voir à travers les vêtements, ou les murs, ou…
- Ca va, j’ai compris. T’es déjà super agile, de quoi tu te plains ?
- Je peux pas me battre avec mon don, c’est nul, c’est pas viril du tout.
- T’as douze ans Malik, t’as même pas de barbe, tu seras viril quand t’en aura.
- C’est nul, c’est tout.
Silence. Les deux frère et sœur réalisaient lentement qu’ils ne se reverraient peut être plus avant… Des années ? Des millénaires, semblait-il. Helene parut réfléchir.
- Si t’as un pouvoir je finirais par en avoir un aussi. »dit-elle. Malik tiqua.
- Pourquoi ?
- Ca me paraît logique.
Malik ne voyait pas ce qu’il y avait de logique là dedans.

Le résultat en fut qu’au terme du divorce, il quitta effectivement Jérusalem au profit d’Aisling. Il envoyait presque tous les jours des lettres à sa sœur qui lui répondait de même, et il apprit bientôt qu’elle aussi avait un pouvoir, et qu’elle le rejoindrait bientôt. Tous les six mois, Malik regagnait son pays natal ou passait du temps avec sa sœur et sa mère. Autant dire qu’il était plus doué pour apprendre à maîtriser son don que pour les tables de multiplication.

Aisling, maintenant, c’était son monde. Mais il n’oubliait jamais ses origines.

Inch'allah (wsh)